jeudi 21 juillet 2011

"La Palestine est le secret le mieux gardé de l'industrie de l'aide"

"La Palestine est le secret le mieux gardé de l'industrie de l'aide. [...] Les gens ont besoin d'expérience de terrain et en Palestine ça sonne cool et dangereux car la zone peut être qualifiée comme zone de guerre, alors qu'en réalité la vie y est assez sûre et offre tout le confort que le personnel international demande."

Nous avons traduit ce texte qui nous semble intéressant dans la mesure où "ces secrets" sur l'impact des 200 ONG qui opèrent à Gaza et en Cisjordanie, pourtant bien connus, ne sont pas rapportés par ces mêmes journalistes qui "après avoir écrit sur la pauvreté et la souffrance à Gaza, rejoignent leurs hôtels front de mer très chers et vont dîner dans l'un des restaurants de poisson chers". 

Source: SkyNews (Palestine - 'Occupation Incorporated', par Tim Marshall)

Un Africain qui travaille pour l'ONU en Cisjordanie a confié récemment à un ami commun "Quand les gens me voient arriver ils me prennent pour un distributeur automatique de billets ambulant". ('When people see me coming they see a walking ATM machine'.)
Roulant l'autre jour à travers Ramallah, et ensuite Jericho, et  en voyant tous  les restaurants chics, les nouveaux hôtels rutilants, et l'ampleur des travaux de construction je me suis rappelé cette boutade.
L'Autorité palestinienne aime à se vanter que la Cisjordanie enregistre une croissance économique de 8% et le gouvernement israélien tient le même discours afin de suggérer qu'une Palestine prospère serait un partenaire plus facile pour les négociations de paix. Ils savent aussi que les Palestiniens ont beaucoup à perdre si une troisième intifada éclate.

Ce qu'ils oublient de nous dire c'est qu'il y a bien plus de 200 ONG en Cisjordanie et à Gaza, et que 30% du PIB provient l'aide internationale. Les Palestiniens sont parmi les peuples que reçoivent le plus gros montant d'aide internationale dans le monde et l'endroit regorge d'argent.
Ce problème qui affecte toute l'économie est rendu encore plus complexe par le fait que les l'UNRWA [L'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA - United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East en anglais] décrète que les bénéficiaires de l'aide ne sont pas seulement les réfugiés palestiniens qui ont fui leurs maisons en 1948, mais également leurs leurs fils et filles et petits-fils filles et petites-filles, et ainsi de suite dans le temps. En Palestine, beaucoup de gens naissent réfugiés. Il y a des gens qui ont intérêt à ce que cette situation perdure. En 1950, il y avait 750.000 Palestiniens au Moyen-Orient, aujourd'hui ils sont  4,8 millions. L'UNWRA est considérée comme une "agence d'intérim"('temporary agency').
Même si les Palestiniens déclarent l'indépendance totale en septembre, ils ne seront pas véritablement indépendants, non seulement en raison de la poursuite de l'occupation israélienne, des checkpoints, des entraves à la libre circulation des marchandises, etc, mais également parce que la Palestiniens sont accros à l'aide et aussi longtemps qu'on est accro on reste sous la coupe de son fournisseur.
Les milliards qui affluent ici permettent à l'Autorité palestinienne de ne pas faire de gros efforts pour offrir les services que électeurs demandent.  Ces milliards étouffent aussi le secteur privé en faisant grimper les salaires et en favorisant une "fuite des cerveaux" interne.
Devant le restaurant où je suis allé à Ramallah il y avait une rangée de voitures chères et à l'intérieur de nombreux employés d'ONG consultaient conscieusement la carte qui était également chère. Les ONG font du bon travail pour soulager les souffrances, leur expertise aide à réaliser des projets, etc, mais ils recrutent les meilleurs talents sur place et profitent de leur statut d'ONG pour obtenir des allègements fiscaux.

Aucune entreprise ne peut rivaliser avec les ONG car elles offrent souvent un salaire trois fois supérieur à celui d'une société locale. Beaucoup d'ONG offre du "danger money" et même des primes pour conditions de vie difficiles à la fois au personnel local et expatrié ce qui fragilise encore davantage les entreprises privées locales. C'est ainsi que les ONG s'offrent les éléments les plus brillants et les mieux payés, et les entreprises privées locales doivent se contenter des autres sans non plus bénéficier d'exonérations fiscales.

Un employé d'une ONG d'assistance médicale a récemment déclaré à This Week in Palestine
"La Palestine est le secret le mieux gardé de l'industrie de l'aide", "Les gens ont besoin d'expérience de terrain et en Palestine ça sonne cool et dangereux car la zone peut être qualifiée comme une zone de guerre, alors qu'en réalité la vie y est  assez sûre et offre tout le confort que le personnel international demande", a-t-il ajouté.

Bien sûr, la situation pourrait changer. La Cisjordanie peut exploser à tout moment.  On peut échafauder des scénarios qui suggèrent qu'il y aura de la violence en septembre après la déclaration, ou pas, d'indépendance. Mais la Palestine reste un lieu convivial, accueillant, hospitalier, qui regorge de climatiseurs, de hi-fi, de wi-fi et de vin.

Les journalistes profitent également de la situation.  Par exemple, après avoir écrit sur la pauvreté et la souffrance à Gaza, ils rejoignent leurs très coûteux hôtels front de mer et vont dîner dans l'un des restaurants de poisson chers. 

Cela ne veut pas dire que les ONG ne sont pas nécessaires, nombreuses le sont, mais elles faussent la situation et fondamentalement les Palestiniens ne peuvent pas avoir des entreprises qui fonctionnement correctement ni être totalement indépendants aussi longtemps que leurs dirigeants ne seront pas sevrés partiellement de leur dépendance à l'argent des autres peuples.

Aucun commentaire :