Nicolas Zomersztajn, rédacteur en chef de
Regards, magazine du Centre Communautaire Laïc Juif (CCLJ):
"[…] Discrets, paisibles et numériquement insignifiants, les Juifs de Belgique semblent coincés dans l’angle mort des démocrates. Devraient-ils porter une étoile jaune sur le revers de leur veste pour qu’on les remarque et qu’on prenne en considération leur désarroi? Ou alors manifester violemment en cassant tout sur leur passage? Non, ils ne feront ni l’un ni l’autre. Les Juifs de Belgique sont pacifiques et inoffensifs: ils n’ont jamais posé, et ne posent pas de problèmes à la société. Paradoxalement, c’est bien cela leur problème. Comme ils sont paisibles et que leur poids électoral est nul, il est donc aisé de ne pas tenir compte des signaux de détresse qu’ils envoient aux autorités belges. Et à cause de la progression dans certains milieux académiques, associatifs et politiques d’une rhétorique antiraciste «indigène» qui fait des Juifs les «chouchous» de la domination blanche sur les minorités postcoloniales, il est de bon ton de balayer d’un revers de manche l’antisémitisme de ces nouveaux «damnés de la terre». S’il s'exprime dans la langue de l’antisionisme et au nom de la sacro-sainte cause palestinienne, ce n’est même plus la peine de s’y attarder.
Face à ce classement sans suite, les Juifs sont inquiets, car ils ont conscience que leur destin est étroitement lié à la bonne santé de la démocratie et de l’Etat de droit. Lorsque ces derniers s’affaiblissent en faisant notamment preuve de complaisance envers l’antisémitisme, ils protègent mal les Juifs, la plus infime et la plus ancienne des minorités de ce pays. L’affaire du cafetier de Saint-Nicolas et son dénouement illustrent à nouveau la fragilité des Juifs de Belgique face à des autorités ne prenant pas la mesure de ce qu’ils subissent."
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Christophe Guilluy, géographe et essayiste qui a théorisé l'idée d'une France périphérique:
"La société multiculturelle est profondément paranoïaque et le séparatisme s'inscrit naturellement en mouvement de fond des sociétés inégalitaires multiculturelles. Tout le monde pense être victime de tout le monde, mais il n'y aura jamais de satisfaction générale. Dans un monde où l'autre ne devient pas soi, on a besoin de savoir combien va être «l'autre». La question du rapport entre majorité et minorités joue à plein. Pourquoi? L'histoire juive est éclairante: quand on est minoritaires, on dépend de la bienveillance de la majorité."
Lire l'interview complète @ Le Point
Jean-Claude Milner, linguiste, philosophe et essayiste:
"Tout ce qu'il y a à comprendre, c'est que les Juifs n'intéressent plus personne en Europe. Même pas ceux qui se livrent, chaque jour plus ouvertement, aux pratiques et déclarations anti-juives. L'antijudaïsme moderne est devenu la forme naturelle de l'indifférence; la persécution, la forme naturelle du désoeuvrement; le déni de l'antijudaïsme et de la persécution, la forme naturelle de l'opinion raisonnable.
Il est opportun que le contretemps cesse. Le premier devoir des Juifs, ce n'est pas, comme l'imaginait Herzl, de délivrer l'Europe des Juifs. Le premier devoir des Juifs, c'est de se délivrer de l'Europe."
Les penchants criminels de l'Europe démocratique, Verdier, 2003, p.p. 129-130
Pierre Manent, philosophe:
"Le peuple juif, en revenant en Israël, a accompli sa "sortie d'Europe". Je veux dire: grâce au rétablissement de son État, il a cessé d'être dépendant spirituellement des nations européennes dans lesquelles il vivait ou vit encore. C'est l'issue d'une très longue séquence historique. Ce n'est pas seulement la conséquence de la destruction des Juifs d'Europe; c'est aussi la suite de l'effacement de soi auquel les nations européennes travaillent depuis vingt ans avec un zèle qui étonne. Étant ainsi "sorti d'Europe", le peuple juif invite l'Europe à dire son nom. Il lui demande son nom."
La raison des Nations, Gallimard, 2006, p. 96.