dimanche 31 décembre 2017

Gol Kalev: "Cent ans après leur entrée dans Jérusalem, peut-être est-il temps pour les Européens de retourner enfin chez eux…"


Gol Kalev, journaliste et directeur de l'America-Israel Friendship League:
"Ce n’est pas en investissant l’argent des contribuables européens pour promouvoir les boycotts, le chaos et le désespoir dans d’autres pays que l’on soulagera le Vieux Continent des malheurs qui le touchent. Cela n’aidera pas non plus les Palestiniens et ne fera pas progresser la paix. Pour changer le cours des choses, les Européens doivent entreprendre une réévaluation honnête et courageuse de leur implication vieille d’un siècle dans la région. Lawrence d’Arabie, qui s’enthousiasmait de pousser les Arabes à la révolte pendant les années de guerre, a passé la période d’après-guerre à réévaluer ses engagements. «Vous ai-je dit que je considérais ce que j’ai fait en Arabie comme moralement indéfendable?», écrivait-il à un ami. N’est-il pas temps pour les Européens de reconnaître que certaines de leurs actions pourraient bien se révéler, cette fois encore, moralement indéfendables?

Dore Gold n’est pas optimiste. Fort de son expérience d’ambassadeur d’Israël aux Nations unies et de conseiller du Premier ministre Benjamin Netanyahou, il confie: «J’ai rencontré d’anciens hommes d’Etat européens qui sont convaincus de savoir ce qui est le mieux pour les habitants du Moyen-Orient.» Une attitude qui, selon lui, sera difficile à faire évoluer. Cent ans après leur entrée dans Jérusalem, peut-être est-il temps pour les Européens de retourner enfin chez eux…"
Lire l'article complet @ Jerusalem Post

vendredi 29 décembre 2017

René Girard: Céline "participe de la crispation contre le judaïque"


René Girard (1923-2015), anthropologue et philosophe.  Il est "l'inventeur de la théorie mimétique":

"Evidemment, le cas Céline est prodigieusement intéressant dans la mesure où il participe, hélas, de cette espèce de résurrection de la grande victime émissaire du monde occidental et du christianisme sacrificiel, le juif.  Il participe de la crispation contre le judaïque."

Entretien avec Philippe Muray, Les Grands Entretiens d'Art Press, 2015, p. 24.

jeudi 28 décembre 2017

Gérard Chaliand: Lorsqu’il y a un attentat en Israël, les médias israéliens n'invitent pas "la maman, la fiancée et les copains des victimes en faisant une déploration sur des jours et des jours"


Gérard Chaliand, expert en géostratégie:
"Lorsqu’il y a un attentat en Israël, les médias israéliens rapportent qu’un autobus a été attaqué, qu’il y a eu trois morts, point final. Ils ne vont pas commencer à montrer les cadavres, le carnage et ils ne vont surtout pas inviter la maman, la fiancée et les copains des victimes en faisant une déploration sur des jours et des jours.

Il y a informer et puis il y a la litanie en boucle dont nos médias sont à la fois les prisonniers et les vecteurs. Ils devraient se contrôler, informer sans diffuser la propagande de l’adversaire en l’amplifiant et arrêter de lui rendre service en tirant le maximum de ce qu’ils peuvent comme émotion autour d’un attentat."
Source: L'Echo

mercredi 27 décembre 2017

Jean-Claude Milner: "La question juive se rouvre à l’échelle de l’Europe entière"

Jean-Claude Milner:
Il est l’une des voix les plus brillantes du paysage intellectuel français. Quelques mois après la sortie de Considérations sur la France (Cerf, 19 euros), Jean-Claude Milner creuse, en exclusivité pour Actualité Juive, la question de l’avenir des Juifs dans une Europe en proie à des bouleversements culturels majeurs.

Actualité Juive: Vous avez inauguré fin octobre le séminaire René Cassin, lancé à l’initiative de la Fondation du judaïsme français, avec une conférence intitulée «Les Juifs ont-ils un avenir dans l’Europe du XXIe siècle?». Quelle était l’origine de votre questionnement ?

Jean-Claude Milner : Je m’étais interrogé, il y a une dizaine d’années, sur les penchants criminels de l’Europe démocratique (Verdier, 2003), en pointant que la question juive, dans la forme que lui avait donnée l’Europe moderne, depuis la fin du XVIIIe siècle, ne se posait plus. La solution mise en place par Adolf Hitler avait atteint son but: il y avait maintenant en Europe occidentale et centrale un nombre suffisamment faible de Juifs pour qu’ils ne fassent plus question.

La situation s’est modifiée, car l’Europe elle-même a évolué. Elle est devenue, sans forcément sans rendre compte, un des lieux du monde musulman. Il existe désormais un islam européen. Autonome ou pas à l’égard des islams extra-européens ? Ce n’est pas décidé.

Or, la question juive continue de se poser pour l’islam et, sur ce point, l’islam européen ne fait pas exception. Certes, il rencontre comme un fait l’extermination de la Deuxième Guerre mondiale. Mais il la considère comme une histoire qui lui est totalement étrangère, strictement intra-européenne, presque provinciale. Par un mouvement de bascule, la question juive se rouvre à l’échelle de l’Europe entière; elle s’accompagne d’une tendance à relativiser le processus de destruction qui culmine dans les camps de la mort. Pour la jeunesse européenne, Auschwitz n’est plus et sera de moins en moins un absolu.

A.J.: Quel rapport cet islam européen pourrait-il entretenir avec Israël? 
J-CM. Le proisraélisme occidental, jusque dans les années 1960, était une expiation de la Shoah. Mais au fur et à mesure de l’effacement de cette mémoire, s’est affirmé un anti-israélisme spontané en Europe occidentale. L’existence d’Israël est aujourd’hui présentée comme intolérable au nom de la politique de Benyamin Netanyahou. Mais demain, cette existence sera présentée comme nécessairement intolérable, Netanyahou ou pas.

Ce qui est vrai pour l’Europe non-musulmane, l’est encore plus pour l’islam européen. Puisque, à ses yeux, la Shoah ne le concerne pas, l’existence d’Israël ne s’inscrit pas un instant dans une logique de réparation. 
Lire la suite @ Actualité Juive

Lire également:
Jean-Claude Milner: "Autrefois, l’Europe se sentait encore redevable aux juifs exterminés"

mardi 26 décembre 2017

Jean Szlamowicz: "On a toujours rendu les Juifs responsables de l'antisémitisme, même quand Israël n'existait pas"


Jean Szlamowicz, maître de conférences à Paris IV-Sorbonne, linguiste et traducteur:

"(...) dès qu'un Juif est agressé, la majorité de la presse commence par nier le caractère antisémite de l'agression (les Juifs sont paranoïaques), ensuite par l'attribuer à l'extrême droite, ensuite par l'atténuer (les agresseurs ne savent pas ce qu'ils font, ce sont des déments solitaires), puis par l'excuser (le chômage, le racisme), avant de retourner le schéma victimaire (ce sont les agresseurs qui sont abandonnés par la République, qui sont victimes de racisme) et, in fine, de rendre Israël responsable des actes antisémites (les agresseurs ne font qu'exprimer leur solidarité politique contre l'occupant).  Après tout, on a toujours rendu les Juifs responsables  de l'antisémitisme, même quand Israël n'existait pas.  Cette circularité parsemée de clichés pseudo-sociologiques est le paradigme explicatif même qui obscurcit les manifestations d'antisémitisme.  À cet égard, on peut dire que l'antisémitisme est saturé de langage et de représentations."
Pardès n°55 – Qu’est-ce qu’un acte antisémite?, sous la direction de Shmuel Trigano, 2014, p. 20.

dimanche 24 décembre 2017

Marc Ferro: Jérusalem, "ce mythe de l'origine palestinienne"

Compte tenu de l'actualité - la reconnaissance, par le Président Donald Trump, de Jérusalem comme capitale d'Israël - et des polémiques suscitées, cet éclairage de l'historien Marc Ferro est republié (publié initialement le 11/10/2017 et lu 836 fois).

Marc Ferro, historien:
"Ce mythe de l'origine palestinienne secrète une fonction bien précise: enraciner l'Islam à Jérusalem en déclarant que là se trouve le berceau des trois religions: judaïsme, christianisme, islam - alors que l'Islam est né en Arabie, à la Mecque et à Médine, et que Jérusalem n'est même pas mentionnée dans le Coran. Ce mythe a ainsi pour fonction d'opposer, en ce qui concerne la Palestine, une autre légitimité à celle du christianisme et à celle d'Israël."
Le Choc de l'Islam, XVIIIe-XXIe siècle, Odile Jacob

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samedi 23 décembre 2017

D. Schnapper: L'antisémitisme est "l'indicateur le plus sûr d'un processus de décomposition des démocraties"


Dominique Schnapper, sociologue et présidente du Musée d'art et d'histoire du judaïsme (MAJ):
"L'antisémitisme est toujours inquiétant pour la République.  Il est de toute évidence contraire à ses valeurs. Et il est également annonciateur et marqueur de faiblesses et de trahisons graves.  L'antisémitisme est un signe et un signal qu'il ne faut ni cacher, ni sous-estimer, ni relativiser.  C'est l'indicateur le plus sûr d'un processus de décomposition des démocraties.  L'antisémitisme est un problème pour les juifs, mais c'est aussi un problème pour la République."
Le Figaro

jeudi 21 décembre 2017

Père François Jourdan: On fait accréditer que l'islam est ‘abrahamique'

Père François Jourdan, islamologue et théologien eudiste. Il est l'auteur de Islam et Christianisme, comprendre les différences de fond.
"Le Figaro: Une fois que le concile Vatican II a «ouvert les portes de l'altérité et du dialogue», écrivez-vous «on s'est installé dans le dialogue superficiel, le dialogue de salon, faussement consensuel.» Comment se manifeste ce consensualisme sur l'islam?

François Jourdan: Par l'ignorance, ou par les connaissances vues de loin et à bon compte: c'est la facilité. Alors on fait accréditer que l'islam est ‘abrahamique', que ‘nous avons la même foi', que nous sommes les religions ‘du Livre', et que nous avons le ‘même' Dieu, que l'on peut prier avec les ‘mêmes' mots, que le chrétien lui aussi doit reconnaître que Muhammad est «prophète» et au sens fort ‘comme les prophètes bibliques' et que le Coran est ‘révélé' pour lui au sens fort «comme la Bible» alors qu'il fait pourtant tomber 4/5e de la doctrine chrétienne… Et nous nous découvrons, par ce forcing déshonnête, que «nous avons beaucoup de points communs»! C'est indéfendable."
Figaro Vox

Lire également:
Sylvain Gouguenheim: Ni le christianisme ni le judaïsme ne sont des "religions du Livre"

mercredi 20 décembre 2017

Jean d'Ormesson: quand Mitterrand se plaignait du "lobby juif", puissant et nocif

"Mitterrand, ami de Bousquet et dénonciateur du lobby juif, est la contrepartie de l'Europe réussie" (Jean-Claude Milner)

Renaud Dély dans Libération (1999): "Jean d'Ormesson révèle des propos tenus en 1995 - Quand Mitterrand parlait du «lobby juif» (extrait):

"Dans le Rapport Gabriel, vrais-faux mémoires à paraître début septembre chez Gallimard, l'écrivain raconte son ultime entrevue avec le défunt. La scène se passe à l'Elysée, le 17 mai 1995, quelques minutes avant que le Président ne transmette ses pouvoirs à son successeur, Jacques Chirac. Entre thé, confitures et discussion à bâtons rompus sur «la maladie des hommes d'Etat», Jean d'Ormesson aborde l'affaire Bousquet. L'automne précédent, le journaliste Pierre Péan a révélé que François Mitterrand a conservé jusqu'au soir de sa vie des relations d'amitié avec René Bousquet, ancien secrétaire général de la police de Vichy. «Beaucoup reprochent au Président les liens qui l'unissent à ce personnage qui a joué un rôle important dans la collaboration avec l'Allemagne hitlérienne, écrit Jean d'Ormesson. François Mitterrand m'écoute sans irritation apparente. Et il me regarde. "Vous constatez là, me dit-il, l'influence puissante et nocive du lobby juif en France. Il y a un grand silence.»"
Libération rapporte également les propos du fils du président, Jean-Christophe Mitterrand: «Les lobbies juifs existent»

mardi 19 décembre 2017

Shlomo Venezia: "Peut-être pouvait-on l’épargner et ne pas l’envoyer dans la chambre à gaz"


Shlomo Venezia (1923-2012), écrivain. Il est déporté depuis Athènes vers Auschwitz-Birkenau fin mars 1943. Il est incorporé aux Sonderkommandos. 

Témoignage sur les Sonderkommandos («équipes spéciales» qui étaient chargées par les SS de vider les chambres à gaz et de brûler les corps des victimes, avant d’être éliminées à leur tour au bout de quelques mois):
"(...) Cet homme était un cousin de mon père, il avait 20 ans. Il était plus âgé que moi. Il m’a dit: «Tu ne me reconnais pas? Je suis Léon, Léon Venezia.»

Je suis resté d’abord interdit, puis j’ai commencé à lui parler, à le calmer, le tranquilliser. Il était désespéré parce qu’il savait qu’il allait mourir. Il m’a demandé d’aller parler avec l’Allemand qui peut-être pourrait le sauver. Mais je lui ai répondu que nous n’étions que des Stücke, des «morceaux» qui ne valent rien, qui ne comptent qu’au moment de l’appel. [...]

Je suis allé cependant voir l’un d’eux que je savais être, si je puis dire, presque quelqu’un de normal. On pouvait presque lui parler. Je lui ai dit que j’avais un cousin de mon père qui était ici. Peut-être pouvait-on l’épargner et ne pas l’envoyer dans la chambre à gaz. Je savais que ce n’était pas possible. Et, en effet, il a répondu par un geste pour dire qu’il n’en avait rien à faire. Je suis revenu vers Léon. Je lui ai dit que je lui avais parlé, mais qu’on ne pouvait rien faire. Je lui ai dit de rester tranquille et que nous allions tous mourir. Mais, bien sûr, c’était lui qui allait mourir. Je lui ai demandé s’il avait faim, j’étais sûr qu’il avait faim. Je suis alors monté là où nous dormions car dans mon lit j’avais caché du pain et des conserves. Je les lui ai apportés. Il n’a pas mâché, il a avalé. Il est resté presque le dernier, et a eu le temps de me demander si on souffrait en mourant. Je lui ai répondu que l’on ne souffrait pas, que c’était très rapide, qu’il devait rester calme.

Que dire à quelqu’un de votre famille? Que faire?

Je l’ai pris par le bras et l’ai accompagné presque jusqu’à la porte de la chambre à gaz. Il y est entré et la porte s’est refermée. Dix à douze minutes après, il n’était plus là. Cela a été pour moi insoutenable, j’étais désespéré. Mes amis m’ont aidé, ils m’ont tenu à l’écart à l’extérieur et ils ont sorti son corps parmi les premiers, de sorte que je ne le vois pas. Puis nous avons récité ensemble un kaddish pour lui."
Revue Cités, PUF, 2008/4 N° 46, p.p. 123-124.

Lire également: 
Norbert Elias: Le chemin qui mène aux chambres à gaz dans une solitude totale

dimanche 17 décembre 2017

Arthur Koestler: "La qualité de Juif c'est la condition humaine portée à l'extrême"

Arthur Koestler (1905-1983), écrivain et journaliste hongrois:

"Sur un globe terrestre d'écolier, l'État d'Israël n'occupe pas plus de place qu'un grain de poussière.  Il n'y a cependant pas de problème politique, social et culturel dont on n'y puisse trouver le prototype et, en outre, à un rare degré d'intensité et de concentration.  La petitesse même de ce pays de sept cent cinquante mille âmes facilite l'analyse de tendances qui ailleurs apparaissent diluées et diffuses.  Le fait qu'il a été si souvent dans le passé et qu'il est encore dans le présent au point focal des passions et des conflits mondiaux illumine ce grain de poussière d'un éclat phosphorescent. 

Finalement, c'est un État de Juifs et de Juifs du type le plus exacerbé, ce qui a pour conséquence que les phénomènes microscopiques de ce microscopique pays deviennent le reflet de lois valables universellement: car la qualité de Juif n'est pas une question de race - c'est la condition humaine portée à l'extrême.

La résurrection au bout de deux mille ans d'Israël en tant que nation est un phénomène aberrant de l'histoire.  Mais, dans toutes les sciences, l'observation de phénomènes aberrants révèle des données importantes pour l'établissement des lois universelles. [...]

Ainsi cette race d'éternelles victimes, au corps couverts de cicatrices, aux nerfs à vif, fait éclater au grand jour, avec l'atroce précision d'une planche anatomique, une condition de l'homme qui nous est en général miséricordieusement cachée."

Analyse d'un miracle, Paris, Circé, 1998, p. 52.  Cité par Michel Laval dans L'homme sans concessions, Arthur Koestler et son siècle, Calmann-Lévy, 2005, p.p. 510-511 (Prix de la biographie du Point, Prix du Palais littéraire et musical, Prix du Fonds social juif unifié)

samedi 16 décembre 2017

Pierre Goubert: Les "morts dans la boue ou dans les chambres à gaz. Etait-ce pour quelque chose?"


Pierre Goubert (1915-2012), historien:
"Vint l'étrange défaite, la longue occupation, l'enfer sur terre, les douleurs silencieuses, les petites lâchetés, les gros bénéfices et les rares héroïsmes, un peu trop chantés. La France exsangue, désolée et pourtant si heureuse d'être libérée en 1944 (essentiellement par les Américains, il arrive qu'on paraisse l'oublier) va connaître, après le franc-deux sous, le franc-presque rien (...)

Au-delà du fait que la France ne représente plus que 1% du monde, comme l'a finement dit un augure de passage, il semble malheureusement sûr qu'elle paraît avoir perdu, au-delà des rodomontades officielles ou politiques, ce qui fut sa force et son âme.  Il lui restait quelque chose comme un peu de sagesse et d'esprit; les machineries et les bavardages vont-ils l'étouffer?

L'on se prend à songer à ceux qui sont morts dans la boue ou dans les chambres à gaz. Etait-ce pour quelque chose?"
Initiation à l'histoire de France, Fayard, 1984. Grand Prix Gobert 1985, p.p. 371-372.

jeudi 14 décembre 2017

Claude Lanzmann: "Pour moi le meurtre, qu'il soit d'ailleurs individuel ou de masse, est un acte incompréhensible"


Claude Lanzmann, journaliste, écrivain et cinéaste:
"On peut tenter de rendre compte du génocide par le chômage en Allemagne, la République de Weimar, la propagande antisémite, les caricatures du Stürmer, ou d'autres explications, psychanalytiques par exemple: l'image du père chez Hitler, etc.  Comme s'il y avait un engendrement possible de cela! Pour moi le meurtre, qu'il soit d'ailleurs individuel ou de masse, est un acte incompréhensible.  Ces historiens, je me disais parfois qu'ils étaient en train de devenir fous, à vouloir comprendre.  Il y des moments où comprendre, c'est la folie même. Tous ces présupposés, toutes ces conditions qu'ils énumèrent sont vrais; mais il y a un abîme; passer à l'acte, tuer.  Toute idée d'engendrement de la mort est un rêve absurde de non-violent."
Les non-lieux de la mémoire, Revue française de psychanalyse, 1986, n° 33: "L'amour de la haine". Cité par Liliane Kandel dans Féminismes et Nazisme, Odile Jacob, 2004, p. 19.

mercredi 13 décembre 2017

Pierre-André Taguieff: l'irresponsabilité de "certains adeptes du culte célinien"


Pierre-André Taguieff, historien des idées, philosophe et politologue:
"Ce qui me paraît particulièrement irresponsable, chez certains adeptes du culte célinien, c’est de présenter benoîtement l’auteur des pamphlets comme un «écrivain génial» qui, emporté par ses passions (ce qui est bien humain, comme on sait), se serait laissé tenter, dans certaines circonstances, par la polémique, sur un mode ludique. Il se serait simplement fait plaisir en donnant dans l’outrance. Rien de plus, donc rien de bien grave. La vérité est tout autre. Le docteur Destouches, antisémite frénétique et admirateur d’Hitler, a joué pleinement le rôle d’un agitateur antijuif, d’un propagandiste prohitlérien et d’un agent d’influence du nazisme à partir de la publication de Bagatelles pour un massacre, fin décembre 1937. Son second pamphlet, L’École des cadavres, paru un an plus tard, n’est qu’un long tract, fait de bric et de broc, en faveur du régime nazi et de son idéologie raciste et antisémite. Le futur collaborationniste, dès 1937-1938, avait ainsi prêté allégeance à la dictature hitlérienne et puissamment contribué à sa propagande. Dans les deux pamphlets se bousculent les usages de faux (tels les Protocoles des Sages de Sion) et les citations d’auteurs fabriquées ou déformées pour les besoins de la cause antijuive. Une édition critique doit comporter les mises au point requises sur ces pratiques de faussaire et de propagandiste sans scrupules. Ce qui nécessite des recherches patientes et une parfaite connaissance des sources. Et, bien sûr, le savoir historique permettant les contextualisations sans lesquelles une lecture critique des textes céliniens est impossible."
Source: CRIF


mardi 12 décembre 2017

Brice Couturier: "Pourquoi cet acharnement sur un pays minuscule et démocratique luttant pour sa survie dans un océan de despotisme?"


Brice Couturier, journaliste, producteur de radio et essayiste:
"Quand j'entends certains journalistes français vomir leur haine d'Israël, mentir délibérément sur la question de l'aide financière (un milliard d'euros par an) apportée aux différentes autorités palestiniennes et la mettre sur le même plan que le commerce de l'UE avec Israël, je me demande toujours: quelle est la part de l'antisémitisme? Quelle est celle de l'islamogauchisme? Pourquoi cet acharnement sur un pays minuscule et démocratique luttant pour sa survie dans un océan de despotisme?"

Source

Lire également:
Les 21 pays arabes possèdent 800 fois plus de terres qu'Israël

lundi 11 décembre 2017

Henri Temple: Les Palestiniens chrétiens sont de plus en plus minoritaires, menacés ou chassés, alors que les Israéliens arabes (musulmans ou chrétiens), eux, prospèrent


Henri Temple, avocat, juriste et homme politique :
Comme bien souvent quand Donald Trump prend une décision, elle est surinterprétée de façon épidermique et superficielle par les « commentateurs ». Pourtant, il y a déjà plus d’un demi-siècle que les États-Unis avaient reconnu que Jérusalem était bien la capitale d’Israël. Mais les «commentateurs» oublient de l’indiquer. Comme ils omettent de signaler que Donald Trump a rappelé, hier, qu’il était favorable à la solution de deux États: palestinien (Jérusalem-Est) et israélien. D’autres questions sont laissées dans l’ombre.

Emmanuel Macron a cru bon de reprendre le président américain en indiquant l’avoir mis en garde, redoutant que cette déclaration ne mette le feu aux poudres: une « provocation ». Et, donc, il suffirait qu’une des parties menace «d’ouvrir les portes de l’enfer» pour que l’on doive se soumettre?

Il y a des questions bien plus graves: les Palestiniens chrétiens sont de plus en plus minoritaires, menacés ou chassés alors qu’ils étaient majoritaires il y a cinquante ans à Nazareth, alors que les Israéliens arabes (musulmans ou chrétiens), eux, prospèrent même si leur statut n’est pas si facile.

Enfin, il y a la question des lieux saints. L’esplanade des Mosquées est administrée par la Jordanie. Pour les lieux saint chrétiens, la France en est historiquement protectrice (et, d’ailleurs, souvent constructrice du temps des rois français de Jérusalem) depuis l’accord passé entre François Ier et Soliman le Magnifique, par lequel fut reconnu à la France la prérogative de protéger les pèlerins en Terre sainte et les lieux saints. La France est la seule puissance étrangère à posséder des biens dans Jérusalem. Mais elle a oublié que cela engage sa responsabilité et sa dignité.

De l’Empire ottoman aux autorités israélienne et palestinienne, ce rôle lui a été reconnu continûment sur une quarantaine de congrégations et près de 130 établissements, qui sont ainsi définis comme étant «sous protection française». Toutefois, la question de l’internationalisation des lieux saints chrétiens majeurs (Golgotha, Saint-Sépulcre, Jardin des Oliviers, Via Dolorosa, Nazareth, Bethléem, l’abbaye de Latroun) est oubliée. Manque de fermeté.

L’accord dit Chauvel-Fischer, signé avec Israël en 1948-1949, et l’accord Laboulaye-Middein, signé avec l’Autorité palestinienne en 1997, permettent à la France de continuer à protéger une quarantaine de communautés chrétiennes françaises et leurs établissements (écoles, dispensaires, orphelinats, etc.) en Israël et en Palestine. Cette présence trop molle n’a pas empêché ces communautés de régresser. À Jérusalem-Est et dans les Territoires palestiniens, les chrétiens dans leur ensemble ne représentent plus qu’environ 1 % de la population, et la coexistence est plus difficile qu’auparavant.
Lire la suite @ Boulevard Voltaire

La déclaration du Président Ronald Trump de confirmer que Jérusalem est la capitale de l’État d’Israël et qu'il avait l'intention d'y transférer l’ambassade des Etats-Unis a donné lieu à de nombreux articles et commentaires. La plupart sont médiocres et recyclent les poncifs habituels.  Certains sont remarquables: celui de Henri Temple, "Le président Trump confirme Jérusalem capitale de l’État d’Israël et y transfère l’ambassade. Et la France ?" reproduit partiellement ci-dessus. Trois autres vous sont également signalés (Stephen Daisley, Harry de Quetteville, Archbishop Cranmer):

Stephen Daisley, Donald Trump is right: Jerusalem is the capital of Israel (Spectator)
Those who insisted for years that the peace process was dead now say that Trump has killed it. Those who asserted that US foreign policy was controlled by the Israel lobby now lament the surrender of America’s neutrality. Those who championed recognition of Palestine without negotiations are suddenly sceptical about unilateralism.  (...)
There is a polite, cuddly racism to the way their international admirers treat the Palestinians. They deserve a homeland but they cannot have someone else’s, and Jerusalem is someone else’s capital. Yes, it is a sacred place for the three Abrahamic faiths — something Israel protects fiercely — but it belongs to only one of them. Jerusalem has been sacked, burned, occupied and but has never been the capital of any other sovereign nation other than Israel. It’s not just the the capital of Israel but the spiritual heart of Judaism.  
Jerusalem is the capital of Israel. That cannot be wished away, shouted down or flooded in myth and revisionist history. Donald Trump, a man with a strained relationship to reality, is being damned for finally telling the truth.

Harry de Quetteville, Donald Trump has exposed a sad truth: that the Arab world no longer cares about Palestine (The Telegraph)
"When, a short decade ago, I was a correspondent in Jerusalem for this newspaper, there were some universally accepted certainties about the Israel-Palestine conflict. The first, and most important, was that ending it was the gateway to wider Middle East peace. If only a solution could be found, if only the lions would lie down with the lambs, a warring region would settle into democracy. The only problem was that both sides thought they were the lambs. (...)
A third certainty was also universal, but largely unspoken. This was that although the Arab world pretended to care deeply about the fate of the Palestinians, they didn’t give a fig. It was a useful stick with which to beat Israel and the West, but not much more. There was no equivalent expenditure of diplomatic might, economic heft, patience and nous. (...)

dimanche 10 décembre 2017

G. Bensoussan: "Ressasser que l’antisémitisme au Maghreb y a été importé par le colonisateur français relève du réconfort moral"


Georges Bensoussan, historien:

"Cette perception du juif comme l’ennemi, à quand remonte-t-elle ?
(...) Ressasser que l’antisémitisme au Maghreb y a été importé par le colonisateur français (ou plus récemment, comme en Algérie, par les enseignants wahhabites saoudiens) relève du réconfort moral. Pas de l’histoire.

Qu’on étudie les montagnes d’archives relatives au Maghreb des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, avant l’arrivée du colonisateur, pour y constater que le mépris et l’humiliation des juifs étaient dans ces sociétés une donnée de base. Les juifs y étaient des “chiens”, ce mot couramment utilisé encore dans le monde arabe pour les désigner, voire, pour reprendre les termes du Coran, des «singes» (sourate 2, verset 65 et sourate 7, verset 166). En 2010, Paul Fenton et David Littman publiaient aux Presses de l’université Paris-Sorbonne un fort volume de documents traduits de l’arabe et de l’hébreu, sur la condition des juifs au Maghreb du XIIe au début du XXe siècle (l’Exil au Maghreb). L’accueil réservé à ce livre scientifique fut glacial tant il est vrai que toute connaissance est risque de reconnaissance. (...)

Quand l’Occident du XVIIe siècle et des Lumières érige le sujet en valeur cardinale et promeut la raison critique contre la soumission, dans le monde arabo-musulman contemporain la communauté demeure une dimension essentielle de l’existence. Ce qui explique, comme une étude récente l’a montré, que si le fanatisme qui passe à l’acte demeure en effet le fait d’une poignée, au nom de la communauté et des liens qu’elle tisse, la majorité ne se résout pas à condamner, publiquement, cette fraction. Ici, la réalité première n’est ni l’individu ni l’État, mais la communauté des croyants, l’oumma."
Source: Valeurs Actuelles

samedi 9 décembre 2017

Marcel Gauchet: "Aujourd’hui, il y a un Etat juif, en conséquence de quoi certains reprochent son existence"


Marcel Gauchet, philosophe et historien:
"Par rapport à l’antisémitisme, ce que les nazis reprochaient aux Juifs, c’était d’être un peuple apatride, vivant en parasites aux dépens des autres patries. Aujourd’hui, il y a un Etat juif, en conséquence de quoi certains reprochent son existence… Il y a donc à la fois disparition de l’antisémitisme traditionnel dont l’antisémitisme racial de l’hitlérisme a été une sorte de pointe extrême, et à la fois réapparition sous un jour complètement différent d’un antisémitisme qui n’a plus rien de racial, qui n’est plus «spirituel», mais qui a trouvé une nouvelle cible. Il vient se greffer à l’existence d’Israël et aux problèmes afférant à un Etat menacé, pour en quelque sorte redonner vigueur au mythe du «complot juif», du projet de domination du monde – mais il ne se dit plus comme tel, parce qu’il n’est tout simplement plus plausible: il est très difficile de penser que le tout petit Etat d’Israël a un projet de domination mondial."  
Source: Le Soir
                          

vendredi 8 décembre 2017

J.-C. Milner: Quel avenir pour les Juifs dans l'Europe du XXIe siècle  

Source: AKADEM

Prospective

Quel avenir pour les Juifs dans l'Europe du XXIe siècle  (119 min)

J.-C. Milner - philosophe - P.  Saragoussi - Vice-Président de la Fondation du Judaïsme Français - R. Zagury-Orly - philosophe - J. Cohen - philosophe 

PLAN DE LA CONFÉRENCE

- Présentation du séminaire René Cassin
avec Pierre Saragoussi, Raphaël Zagury-Orly (10 min)

- La fin de l'Europe d'Après-Guerre
Le déni de la dette des camps de concentration (13 min)

- L'Europe divisée sur l'existence d'Israël
La présence juive, nouveau symbole de division (10 min)

- La constitution d'un Islam européen
Une émergence à prendre au sérieux (15 min)

- Vers de nouvelles persécutions

Vidéo     

mercredi 6 décembre 2017

Johnny Hallyday: “Je voulais voir le Mur des Lamentations, c’est mythique”




Johnny Hallyday, chanteur, compositeur et acteur, décédé aujourd'hui.

En concert à Milan en 1973

Déclarations faites par Johnny à l'occasion de son voyage en Israël en 2012, accompagné de son épouse Laetitia:
"J'ai beaucoup d'amis ici [en Israël]. J'ai failli venir au moment de la Guerre des Six jours, mais c'était fini avant que j'arrive",

"Je voulais voir le Mur des Lamentations, c’est mythique!"

"C'est une occasion formidable de venir ici. Je regrette de venir si tard mais mieux vaut tard que jamais."
A propos des pressions exercées par le lobby anti-israélien BDS (boycott/ désinvestissement/ sanctions) pour qu'il ne visite pas Israël et auxquelles il n'a pas cédé:
"Je suis au-dessus de ça, je m’en fiche ! Mon métier, c’est de chanter.  Je me produis dans les pays qui veulent bien m’accueillir et pour un public qui a envie de me voir. Le reste, ça m’est égal! Personne ne me dira jamais de faire ce que je n’ai pas envie de faire."
Source

mardi 5 décembre 2017

Saul Friedländer: Le Juif dans "Le Château" de Kafka


Saul Friedländer, historien:

"En 1944, Hannah Arendt évoquait, à travers la "tradition paria", la totale étrangeté, la solitude du Juif; elle citait cette phrase du Château de Kafka: le héros, symbole du Juif, s'entend dire: "Vous n'êtes pas du château, vous n'êtes pas du village, vous n'êtes rien du tout".  Si nous considérons maintenant, dans la configuration globale de l'histoire, le rapport du Juif à cette société occidentale dans laquelle il a essayé de s'intégrer et dont il a été éjecté - cette société qui l'a laissé seul à l'heure du plus grand besoin -, alors le symbolisme du Château revêt une profonde signification que Hannah Arendt n'a pas mentionnée: le héros du roman, le Juif, est un étranger qui croit avoir été autorisé à pénétrer dans le système social représenté par le château du village.  Certes, il y a été formellement invité (cela même est-il certain?), mais quand il essaie de s'adapter au système, il s'aperçoit que personne n'est disposé à l'accepter."
Le nazisme en questions 1933-1939, Fayard, Pluriel, 2011, p. 119.

dimanche 3 décembre 2017

Taguieff: Judéophobie: "le peuple juif est un intrus dans le genre humain"


Pierre-André Taguieff, historien des idées, philosophe et politologue:

"Dans la première figure de l'ennemi (l'ennemi de tous les peuples), on retrouve une nouvelle version  du plus ancien stéréotype antijuif: l'accusation de "la haine du genre humain".  Dans la deuxième figure (l'ennemi de la libération des peuples), on reconnaît le renversement d'un thème d'accusation qui était central dans le vieil antisémitisme politique: le Juif révolutionnaire se transforme en son contraire, en Juif contrerévolutionnaire, stigmatisé comme "fasciste", "raciste" ou "impérialiste", dénoncé en tant que maître actif du club des "nouveaux maîtres du monde".  Avec la troisième figure de l'ennemi (le Juif ennemi de l'islam) surgit le spectre d'une guerre de civilisations: dans la perspective de l'islamisme radical, l'Occident "américano-sioniste" est accusé de mener une guerre d'extermination contre l'Oumma.  Le terrorisme jihadiste se présente dès lors comme une réponse légitime à cette aggression supposée.

Toutes ces accusations convergent vers une conclusion qu'on peut ainsi formuler: le peuple juif est un intrus dans le genre humain.  Dans le vieil antisémitisme, les Juifs faisaient figure d'intrus dans les nations européennes, de peuple de trop venu d'Orient, sans territoire, au sein de l'Occident chrétien.  Amalgamés avec les Occidentaux, ils sont désormais traités comme des intrus au Moyen-Orient et, plus largement, dans la société mondiale.  Doublement diabolisés en tant que "sionistes" et Occidentaux, ils sont rejetés comme le peuple en trop par excellence - ce que traduit la rumeur qu'Israël serait un État en trop.  Un État-monstre, le seul à être supposé tel.  Telle est la nouvelle matière symbolique exploitée depuis près d'un demi-siècle par les ennemis, déclarés ou non des Juifs."

La Judéophobie des Modernes, Des Lumières au Jihad mondial, Odile Jacob, 2006, p. 498.


vendredi 1 décembre 2017

"Quel dommage qu'on ne vous ait pas transformé en savon"

Keith Lowe, historien britannique:

"(...) des années de propagande nazie ne pouvaient être effacées en l'espace de quelques mois, et l'antisémitisme déclaré continuait d'exister partout; il s'exprimait parfois de manière tout à fait choquante.  Des juifs qui retournèrent dans la ville grecque de Salonique en 1945 furent parfois accueillis avec des réflexions plus que déplacées: "Ah, vous avez survécu?" ou "Quel dommage qu'on ne vous ait pas transformé en savon".  À Eindhoven [Pays-Bas], des rapatriés juifs furent reçus en ces termes par un fonctionnaire qui consignait leur identité: "Encore un juif? Ils ont dû oublier de vous gazer".  Dans les villes allemandes de Garmisch et de Memmingen, les bandes d'actualités cinématographiques qui mentionnaient la mort de 6 millions de juifs provoquèrent des hurlements: "Il n'en ont pas tué assez!", suivis d'applaudissements assourdissants."

L'Europe barbare, 1945-1950, Éditions Perrin, Tempus, 2013, p.p. 313-314.

Lire également:
Jean Lacouture: "Je vais vous raconter un souvenir à peine publiable"

mercredi 29 novembre 2017

Pierre Manent: Le peuple juif, en revenant en Israël, a accompli sa "sortie d'Europe"

Pierre Manent, philosophe:

"Le peuple juif, en revenant en Israël, a accompli sa "sortie d'Europe". Je veux dire: grâce au rétablissement de son État, il a cessé d'être dépendant spirituellement des nations européennes dans lesquelles il vivait ou vit encore. C'est l'issue d'une très longue séquence historique. Ce n'est pas seulement la conséquence de la destruction des Juifs d'Europe; c'est aussi la suite de l'effacement de soi auquel les nations européennes travaillent depuis vingt ans avec un zèle qui étonne. Étant ainsi "sorti d'Europe", le peuple juif invite l'Europe à dire son nom. Il lui demande son nom."

La raison des Nations, Gallimard, 2006,  p. 96.

mardi 28 novembre 2017

Jean Lacouture: "Je vais vous raconter un souvenir à peine publiable"

Jean Lacouture (1921-2015), journaliste et écrivain, décrit un spectacle à Paris après la guerre:

"Je vais vous raconter un souvenir à peine publiable: il y avait près des Champs-Élysées un cabaret, Le Vernet, où se produisait un chansonnier, au demeurant assez sympathique, Jean Rigaux. Il était un des grands chansonniers d'avant la guerre. Pendant la guerre, Rigaux, qui était plutôt de gauche s'était terré, alors que d'autres poursuivaient leur carrière avec un opportunisme honteux.

Un soir je suis invité dans ce cabaret par deux amis. Au cours du spectacle, une espèce de jeu implique les spectateurs qui pour poser des questions doivent décliner leur nom.  Dans la salle trois personnes posent successivement une question en précisant: "Je m'appelle Lévy""Je m'appelle Bronstein""Je m'appelle Samuel". Et Rigaud de lâcher: "Mais c'était pas des fours crématoires, c'était des couveuses!"

Il y a eu quelques rires gênés. Moi-même, je n'ai pas eu la dignité élémentaire de sortir à ce moment-là."

Voyage dans le Demi-Siècle, Entretiens croisés avec Gérard Chaliand et Jean Lacouture, Éditions Complexe, 2001. p.p. 38-39.

lundi 27 novembre 2017

Albert Camus, réflexion sur l'antisémitisme en France

Albert Camus, écrivain, philosophe, Prix Nobel de littérature en 1957:

"On est toujours sûr de tomber, au hasard des journées, sur un Français, souvent intelligent par ailleurs, et qui vous dit que les Juifs exagèrent vraiment. Naturellement, ce Français a un ami juif qui, lui, du moins… Quant aux millions de Juifs qui ont été torturés et brûlés, l’interlocuteur n’approuve pas ces façons, loin de là. Simplement, il trouve que les Juifs exagèrent et qu’ils ont tort de se soutenir les uns les autres, même si cette solidarité leur a été enseignée par le camp de concentration."

Albert Camus, "La Contagion", Combat, 10 mai 1947, cité par Michel Winock dans  La France et les Juifs de 1789 à nos jours, Seuil, 2004, p. 285


samedi 25 novembre 2017

Laurent Bouvet: "On ne peut faire le tri dans l’antisémitisme, pas plus que dans le racisme"

Laurent Bouvet, politologue, universitaire et essayiste:

Il est difficile, pour certains, de dénoncer l’antisémitisme. Parce que dénoncer l’antisémitisme aujourd’hui, ce n’est plus dénoncer principalement l’extrême-droite comme par le passé mais une partie de la gauche, de l’extrême-gauche essentiellement, et des groupes identitaires qui se réclament de l’islam ou de l’immigration. 
Or à mes yeux, on ne peut faire le tri dans l’antisémitisme, pas plus que dans le racisme. Et quand on entend certains propos qui se disent «antisionistes» en reliant systématiquement toute question concernant les juifs à Israël et à la situation au Proche-Orient, on comprend bien que l’enjeu est ailleurs que dans le soutien à la lutte des Palestiniens. Bien des intervenants ne connaissent souvent rien à la situation là-bas. Il s’agit d’une manière «acceptable» socialement ou du moins non qualifiable pénalement de dire son antisémitisme. Sachant que celui-ci se dit de plus en plus à ciel ouvert sur les réseaux sociaux. 
On l’a vu encore récemment dans l’affaire Filoche, l’antisémitisme d’aujourd’hui recouvre à la fois une vision classique du juif comme «riche», «cosmopolite», «ami des puissants», «tirant les ficelles», etc., et une vision plus contemporaine de type «choc des civilisations» dans laquelle les musulmans s’opposent aux juifs comme aux chrétiens. L’antisémitisme concentre ainsi les maux de l’époque : obscurantisme, complotisme, dérive identitaire.
Source: Crif


jeudi 23 novembre 2017

mercredi 22 novembre 2017

Bernard Darmon: "Auschwitz ad nauseam"

Bernard Darmon @ Times of Israel:
"Le 8 novembre, les élus Front National ont reçu l’annonce de la possibilité, pour ceux le souhaitant, de se joindre aux voyages à Auschwitz, organisés, comme tous les ans, au profit des lycéens franciliens.

Deux élus du groupe Front national se sont inscrits. Par un message téléphonique de ce jour, 16 novembre, le conseil régional me fait savoir que, puisque deux élus du Front National sont inscrits, aucun élu ne pourra finalement participer à ce voyage", s’indigne à juste titre Wallerand de Saint-Just l’élu FN.

"La demande du FN aurait pu susciter légitiment le trouble. Pour préserver la sérénité de ces déplacements à Auschwitz, plus aucun élu – que ce soit du FN ou d’autres groupes – ni collaborateurs n’accompagneront les lycéens, excepté des membres de l’exécutif", justifie un proche de Valérie Pécresse.
Il est temps que la mémoire de la Shoah cesse d’être prise en otage par des partis politiques ou des organes communautaires, qui l’utilisent, et s’en servent comme faire-valoir.
Les morts de la barbarie nazie, qu’ils soient Juifs, Tsiganes, opposants politiques, homosexuels, ou handicapés doivent reposer en Paix.
Il est temps que les gardiens de cette mémoire refusent qu’elle soit entachée par des calculs politiques ou par une marchandisation honteuse.

mardi 21 novembre 2017

Ce que pense Justin Vaïsse, le 'stratège du Quai d'Orsay', de Tariq Ramadan et d'Yussuf Al-Qaradawi

Le Monde (22.02.2013) qualifie Justin Vaïsse de "stratège du Quai d'Orsay":
"Justin Vaïsse, 39 ans, vient d'être appelé par Laurent Fabius pour diriger, à partir du 1er mars[2013], le centre de réflexion de la diplomatie française au Quai d'Orsay. L'ancienne Direction de la prospective est en même temps rebaptisée Centre d'analyse, de prospective et de stratégie (CAPS). Le ministre des affaires étrangères souhaite augmenter la visibilité de l'organisme. "La diplomatie a besoin de prospective, expliquait-il, le 5 février, dans un discours à l'Ecole normale supérieure. C'est pourquoi j'ai décidé de renforcer, au sein du Quai d'Orsay, une unité (...) qui aura pour tâche de me fournir, à partir d'analyses précises, toute une série de conseils et d'avis sur le monde de demain..."
Dans un article (2010, Brookings Institution), Justin Vaïsse critiquait sévèrement  le livre de Christopher Caldwell, chroniqueur au Financial Times et au Weekly Standard, Une révolution sous nos yeux: Comment l’islam va transformer la France et l’Europe.  L'article fut également publié par la revue Esprit.  Justin Vaïsse lui reproche de comporter "de nombreuses erreurs, distortions et surtout omissions au sujet des musulmans d’Europe, aboutissant à peindre un tableau partial et trompeur qui débouche naturellement, pour ceux qui l’acceptent, sur une validation tautologique des hypothèses culturalistes de l’auteur selon lesquelles on ne peut pas être à la fois Européen et musulman".

A propos des responsables musulmans Tariq Ramadan et Yussuf Al-Qaradawi,  "deux des cibles favorites de Caldwell", il affirme:
"Contrairement à ce qu’avance Caldwell page 287, la condamnation du recours au terrorisme par les responsables musulmans d’Occident a été constante, répétée et explicite – mais on n’y prête jamais attention. On pense notamment à la très solennelle et explicite déclaration de Topkapi du 2 juillet 2006, à laquelle participaient notamment le CFCM ainsi que Tariq Ramadan et Yussuf Al-Qaradawi, deux des cibles favorites de Caldwell."
Voici ce qu'écrit Fiammetta Venner à propos d'Youssouf Al-Qaradawi dans le Huffington Post:

"Le djihad contre les Juifs et les Américains
Pour le prédicateur le débat est impossible : « Il n'y a pas de dialogue entre nous et les Juifs, hormis par le sabre et le fusil» . À noter, l'imam ne parle pas des Israéliens. Ce sont bien les « Juifs » qu'il accuse de verser le sang des «Arabes». Lors de cette émission, il explique d'ailleurs que même s'il se retient de déclarer tous les Juifs coupables lorsqu'il parle aux Occidentaux, il assume en réalité une vision proprement raciste de cette communauté : « L'iniquité des Juifs, en tant que communauté, est visible et patente. Laissez-moi m'expliquer : en Occident, ce que je peux dire (...) à leur sujet [est que certains d'entre eux] sont iniques, et que d'autres ne le sont pas. Et ceci est tout à fait possible. Mais l'iniquité des Juifs est une grande iniquité, une grave iniquité, une iniquité incomparable et manifeste. Par conséquent, lorsqu'il m'a été suggéré que les Juifs participent au dialogue lors d'une prochaine rencontre, j'ai refusé. J'ai dit non, nous ne devons pas dialoguer avec eux tant que leurs mains seront tachées de notre sang ». Une vraie leçon en double discours.

Qaradhawi a beau justifier sa défiance en mettant en avant l'occupation de la Palestine, c'est bien en se fondant sur le Coran qu'il encourage l'action des groupes islamistes les plus violents. Voici un extrait de l'une de ses conférences donnée dans l'Ohio en 1995 à l'invitation de la Muslim arab youth association :
"Voici ce que disent [les hadiths]. Vous continuerez de combattre les Juifs et ils vous combattront jusqu'à ce que les Musulmans les tuent. Et le Juif se cachera derrière la pierre et l'arbre, et la pierre et l'arbre diront 'Oh serviteur d'Allah, oh Musulman, voici un Juif derrière moi venez le tuer'. (...) Nos frères du Hamas, en Palestine, la résistance islamique, le Djihad islamique (...) nous rendent notre foi (10)".
L'approbation publique de ces organisations, classées comme terroristes par le Département d'État, lui a valu d'être interdit de séjour aux États-Unis en 1995. En réalité, Qaradhawi fait plus que les approuver. Il est l'un des rares religieux ayant délivré des Fatwas autorisant les attentats-kamikazes en dépit du Coran, qui interdit explicitement le suicide.  
C'est notamment en se référant à l'interprétation de Qaradhawi que le Hamas -- la branche des Frères musulmans en Palestine -- se dit autorisé à mener ses opérations. L'imam, lui, ne perd jamais une occasion de féliciter les candidats au martyr. Comme sur Al Jazira, le 25 avril 2004 :
"Certains clercs s'opposent aux opérations martyres en Palestine. Par ces opérations, Allah a compensé les Palestiniens pour leur manque de force. Ils ne possèdent pas d'hélicoptères Apaches, d'avions de guerre, de tanks ni de missiles comme les sionistes. Allah leur a offert ces bombes humaines en guise de compensation. C'est la justice divine [qui s'opère]. [Dieu] offre aux faibles une arme d'autodéfense contre laquelle les forts ne peuvent rien, malgré tout leur arsenal militaire et nucléaire"."
Quant à Tariq Ramadan, il suffit de se référer à ce que Caroline Fourest et bien d'autres ont écrit sur lui.  On notera que, dans sa chronique du Figaro, Natacha Polony qualifie Tariq Ramadan de "Tartuffe"...

lundi 20 novembre 2017

Karl Popper: Les Sages de Sion "ont pris la place des dieux de l'Olympe homérique"

Karl R. Popper (1902-1994), philosophe:

"On ne croit plus aux machinations des divinités homériques, auxquelles on imputait les péripéties de la Guerre de Troie.  Mais ce sont les Sages de Sion, les monopoles, les capitalistes ou les impérialistes qui ont pris la place des dieux de l'Olympe homérique."

Prédiction et prophétie dans les sciences sociales (1948), cité par Pierre-André Taguieff dans L'imaginaire du complot mondial.

dimanche 19 novembre 2017

Le terme de 'Nakba' apparaît pour la première fois en 1938 dans un livre de George Habib Antonius

«Nakba», quasi universellement accepté comme synonyme de «création de l’Etat d’Israël en 1948»
Richard Zrehen (1949-2011), éditeur:

(...) Le terme de «Nakba» apparaît pour la première fois dans un livre de George Habib Antonius, The Arab Awakening : The Story of the Arab National Movement, publié à Londres par H. Hamilton, en 1938, pendant la «révolte arabe» (1936-1939), soulèvement conduit par le Haut Comité Arabe (présidé par le Grand Mufti de Jérusalem) contre les Britanniques – et protestation contre l’émigration juive dans la Palestine du Mandat.

De parents grecs orthodoxes, George Habib Antonius (1891-1941), élevé en Egypte et ayant fait ses études en Angleterre, est le premier a avoir consacré un ouvrage au nationalisme arabe, ce qui a longtemps fait de lui l’«historien» de référence sur le sujet pour le monde «académique» anglais et américain.
[...]. 
En 1938 paraît enfin le grand œuvre, The Arab Awakening : The Story of the Arab National Movement. Extrait de la préface : «J’ai entrepris de mener ma tâche à bien dans un esprit d’équité et d’objectivité et, bien qu’approchant le sujet sous un angle arabe, de parvenir à des conclusions non partisanes». 
En janvier 1939, G. H. Antonius arrive à Londres, pour servir de Secrétaire à la Délégation arabe devant participer à la Table-Ronde sur l’avenir de la Palestine… 
En 1941, on le retrouve à Bagdad, où il évolue dans l’entourage du Grand Mufti de Jérusalem, pour lequel il ne cache pas son admiration, et qui a déjà noué des contacts avec l’Allemagne nazie ; Bagdad, où il finira bientôt ses jours. 


Retour à «Nakba», quasi universellement accepté comme synonyme de «création de l’Etat d’Israël en 1948»: qu’en dit G. H. Antonius, voix on ne peut plus politiquement autorisée, dans son livre de 1938?
Page 312, il écrit: «L’année 1920 porte un nom maudit dans les Annales arabes: c’est l’année de la Catastrophe (Am al-Nakba). L’année du premier soulèvement armé pour protester contre les conditions d’après-guerre imposées par les Alliés aux Pays Arabes, année où des émeutes sérieuses ont eu lieu en Syrie, en Palestine et en Irak».

Quelles conditions, précisément ? 

La séparation entre la Syrie et le Liban, sous contrôle français, et la Palestine, sous contrôle britannique. En effet, le gros des arabes de Palestine avait émigré du Liban et de Syrie au cours des 50 années précédentes, attiré par l’accroissement de l’activité économique entraîné par l’arrivée d’immigrants juifs. Ces «émigrés de l’intérieur» se considéraient comme des Syriens – les Syriens aussi les considéraient comme tels –, et ces arabes de Palestine étaient enflammés à l’idée qu’une frontière, tracée par des puissances coloniales au milieu de leur patrie, puisse séparer les Syriens du Nord des Syriens du Sud – qu’on appellerait, dans les années 1960, «Palestiniens»…

Le 6 mai 2008, on pouvait lire ceci sur le site de la chaîne de télévision franco-allemande Arte:  
«60 ans d’Israël. Le 14 mai 1948 (!) l'ONU décida de créer l'Etat d’Israël – contre la volonté des Palestiniens (!!). Ce fut le début des conflits (!!!) au Proche-Orient. ARTE propose une programmation exceptionnelle à l'occasion des 60 ans de la création de l'Etat d'Israël.»
Lire l'article complet

vendredi 17 novembre 2017

Fatiha Boudjahlat: Plenel, "les juifs de maintenant ne l'intéressent guère, l'antisémitisme qu'ils subissent ne le mobilise guère"

Fatiha Boudjahlat, enseignante, cofondatrice avec Céline Pina du mouvement Viv(r)e la République:
"Plenel surcompense son rendez-vous raté avec l'histoire. Il se rêvait Jean Moulin, Zola, Schindler... aussi longtemps qu'Israël n'existait pas. Il a décidé de se consacrer aux nouveaux «juifs des années trente», les musulmans. Les juifs de maintenant ne l'intéressent guère, l'antisémitisme qu'ils subissent ne le mobilise guère, pas plus que la rédaction de Mediapart. Y a t -il seulement dans notre pays une Sarah Halimi du côté des musulmans? Ou un Ilan Halimi? Ah si, le CCIF a rapporté le vol d'un câble de cuivre dans une mosquée. Un jet de lardons sur une autre aussi. Pour combien de tags antisémites? Combien d'agressions anti musulmanes? Pour combien d'agressions anti-juives? Mediapart ne devrait pas être économe de sa capacité d'indignation et de condamnation: Tous les crimes haineux devraient nous mobiliser. Ces musulmans, Plenel les veut et ne les reconnaît que comme islamistes, dans la radicalité religieuse et politique."
Source: Figaro Vox

jeudi 16 novembre 2017

Jean-François Chemain: L’antisémitisme, c’est comme le cholestérol: il y a le "bon" et le "mauvais"

Jean-François Chemainprofesseur d'histoire en ZEP:
"L’antisémitisme, c’est comme le cholestérol: il y a le "bon" et le "mauvais". Chacun peut en effet constater que le discours antisémite est, aujourd’hui, complètement banalisé. Un grand quotidien du soir s’émouvait, pas plus tard qu’hier, de la cohabitation, au sein de la "Génération Gaza#", de "trentenaires n’ayant jamais manifesté", de "bobos muslims" et de "vieux antisémites". Touchant spectacle, en effet. Dans les dîners en ville, comme dans les salles des profs, on se lâche, ainsi qu’au bon vieux temps.

On nous ressert pourtant toujours, ad nauseam, des discours convenus sur "les heures les plus sombres de notre Histoire", l’époque de l’Occupation, de Pétain et de Xavier Vallat. Sans oublier, bien sûr, l’affaire Dreyfus… En quoi, diantre, l’antisémitisme de ces temps-là différait-il de celui du nôtre? J’interroge, naïvement, on me répond, doctement et un brin agacé: "il ne faut pas confondre antisémitisme et antisionisme!". Il y aurait donc de bonnes raisons de détester les Juifs, et de mauvaises? Que ne leur a-t-on pas reproché, aux Juifs! "Déicides" (les catholiques, jadis), "capitalistes" (l’extrême-gauche, au XIXe siècle), "apatrides" (l’extrême-droite, fin du XIXe siècle et début du XXe), "inférieurs et parasites" (les nazis), et maintenant "sionistes". Voltaire, notre icône nationale, leur attribuait tous les défauts, sauf un: "Pourquoi les Juifs n’auraient-ils pas été anthropophages? C’eût été la seule chose qui eût manqué au peuple de Dieu pour être le plus abominable peuple de la terre" (Dictionnaire philosophique, article "anthropophagie")."
Source: Valeurs Actuelles

mercredi 15 novembre 2017

Jorge Luis Borges: "Tu seras un Israélien, tu seras un soldat. Tu prendras des bourbiers pour asseoir ta patrie, des déserts pour l’élever." (poème)

Jorge Luis Borges (1899-1986), écrivain et poète argentin:


Israël 1969 
Jérusalem, au bord des eaux de Babylone 
Je redoutais que ne guettât Israël
avec une douceur insidieuse
la nostalgie que les diasporas séculaires
accumulèrent comme un triste trésor
dans les villes de l’infidèle, dans les juiveries,
au couchant de la steppe, le long des rêves,
la nostalgie de ceux-là qui te désirèrent,
Jérusalem, au bord des eaux de Babylone.
Étais-tu autre chose, Israël, que cette nostalgie,
que cette volonté de sauver
parmi les inconstantes formes du temps
ton vieux livre magique, tes liturgies,
ta solitude avec Dieu ?
Non pas. La plus ancienne des nations
est aussi la plus jeune.
Tu n’as pas tenté les hommes par les jardins
ni par l’or fastidieux
mais par la rigueur, terre dernière.
Israël leur a dit sans paroles:
Tu oublieras qui tu es.
Tu oublieras l’autre laissé là-bas.
Tu oublieras qui tu étais dans les pays
qui te donnèrent leurs soirs et leurs matins
et qui n’auront pas ta nostalgie.
Tu oublieras la langue de tes pères et tu apprendras la langue du Paradis.
Tu seras un Israélien, tu seras un soldat.
Tu prendras des bourbiers pour asseoir ta patrie, des déserts pour l’élever.
Tu seras aidé par ton frère dont tu n’as jamais vu le visage.
Nous ne te promettons qu’une chose:
ton poste dans la bataille.
Éloge de l’ombre, dans L’or des tigres, NRF, Gallimard, 1976
Traduction et mise en vers par Nestor Ibarra

mardi 14 novembre 2017

Karl Lagerfeld: "On ne peut pas tuer des millions de juifs pour faire venir des millions de leurs pires ennemis après"

Karl Lagerfeld, directeur artistique de Chanel, grand couturier, photographe, réalisateur et éditeur allemand. :
"On ne peut pas tuer des millions de juifs pour faire venir des millions de leurs pires ennemis après."

"Je connais quelqu'un en Allemagne qui a pris un jeune Syrien, qui parlait un peu anglais. Au bout de quatre jours, vous savez ce qu'il a dit à la dame? 'La meilleure invention de l'Allemagne, c'est l'holocauste'. Il était dans la rue la minute qui suit, je vous le dis tout de suite."
Source: Atlantico
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"One (Germany) cannot - even if there are decades between them - kill millions of Jews so you can bring millions of their worst enemies in their place."

"I know someone in Germany who took a young Syrian and after four days said, 'The greatest thing Germany invented was the Holocaust'".
Source: Daily Mail
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"Dazu muss ich etwas schreckliches sagen. Wir können nicht Millionen von Juden töten und Millionen ihrer schlimmsten Feinde ins Land holen". 

"Ich habe eine Bekannte in Deutschland, die einen syrischen Flüchtling bei sich aufnahm. Er sprach nur wenig Deutsch, aber nach vier Tagen sagte er, "die beste Erfindung Deutschlands ist der Holocaust."
Source: Die Presse
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lundi 13 novembre 2017

Jean-Claude Milner: "Autrefois, l’Europe se sentait encore redevable aux juifs exterminés"

Jean-Claude Milner, linguiste, philosophe et essayiste:
"Vous avez dit illimitation. Jusqu’à une date relativement récente, l’Europe élargie avait une limite. En gros, l’Oural. Au-delà de ça, on pouvait avoir les meilleures relations du monde mais ça n’allait pas de soi, c’était autre chose. Maintenant, je crois que l’on peut dire très sérieusement qu’à partir du moment où l’appartenance européenne a été définie par des critères plus formels que substantiels: l’acceptation du libre marché, l’acceptation de la libre circulation des biens et des personnes, l’acceptation en gros de la démocratie, à partir de ce moment-là, il suffit d’une distance géographique pas trop importante pour y être inclus. Voir la Turquie, cas fort intéressant. Mais si l’on dit la Turquie, pourquoi pas l’Algérie? Pourquoi pas le Maghreb? Et si l’on dit l’Algérie et le Maghreb, pourquoi pas toutes les rives méditerranéennes? Et dès lors la question de l’État d’Israël se pose. Autrefois, dans la période où l’Europe se sentait encore redevable aux juifs exterminés, la relation entre Israël et l’Europe était naturelle. Aujourd’hui, les Européens considèrent que la guerre est terminée. Que c’est vraiment pour solde de tout compte. C’est comme cela qu’il faut lire par exemple les déclarations de reconnaissance de faute par quoi Chirac a marqué les débuts de son septennat. Ça peut se lire d’une autre manière, mais je pense qu’on peut le lire aussi comme la déclaration d’un solde de tout compte: la dette est reconnue, elle est close.

Aujourd’hui, l’Europe, globalement, considère que l’État d’Israël en particulier, que l’affirmation juive de façon plus large, est une figure de limite et que par voie de conséquence elle est structurellement en position d’obstacle à l’égard de ce mouvement d’illimitation qui est maintenant celui où l’Europe s’est engagée."
Source

Lire également:
Eric Hoffer: "Ce qui adviendra à Israël sera notre sort à tous"

samedi 11 novembre 2017

Eric Hoffer: "Ce qui adviendra à Israël sera notre sort à tous"


Eric Hoffer (1902-1983) était un philosophe américain - son premier livre, The True Believer, Thoughts On The Nature Of Mass Movements (Le Vrai Croyant), publié en 1951, est considéré comme un classique - il n'était pas juif:

"Les Juifs sont un peuple particulier: ce qui est permis à d'autres nations est interdit aux Juifs. D'autres nations expulsent des milliers, et même des millions de gens, et il n'y a pas de problème de réfugiés. La Russie l'a fait, la Pologne, la Tchécoslovaquie l'ont fait, la Turquie a expulsé un million de Grecs, et l'Algérie un million de Français. L'Indonésie a expulsé, Dieu sait combien de Chinois, et personne ne dit un mot au sujet des réfugiés. Mais dans le cas d'Israël, les Arabes déplacés sont devenus d'éternels réfugiés.

Tout le monde insiste sur le fait qu'Israël doit reprendre tout Arabe. Arnold Toynbee appelle ce déplacement des Arabes une atrocité plus grande que tout ce qu'ont commis les Nazis.


D'autres nations victorieuses sur les champs de bataille dictent les conditions de la paix. Mais quand Israël est vainqueur il doit supplier pour obtenir la paix. Chacun attend des Juifs qu'ils soient les seuls vrais Chrétiens sur terre.


D'autres nations, quand elles sont vaincues, survivent et se rétablissent, mais si Israël était vaincu une seule fois, il serait détruit. Si Nasser avait triomphé, l'été dernier, il aurait effacé Israël de la carte, et personne n'aurait levé le petit doigt pour sauver les Juifs. Aucun engagement pris envers les Juifs par quelque gouvernement que ce soit, dont le nôtre, ne vaut le papier sur lequel il est écrit.


Le monde entier s'indigne quand on meurt au Vietnam, ou quand deux noirs sont exécutés en Rhodésie. Mais quand Hitler massacra les Juifs, personne ne protesta auprès de lui.


Les Suédois, qui sont prêts à rompre leurs relations diplomatiques avec les Etats-Unis à cause de ce que nous faisons au Vietnam, ne bronchèrent pas quand Hitler massacrait les Juifs. Ils envoyèrent à Hitler du minerai de fer de première qualité, des roulements à bille, et assurèrent l'entretien de ses transports ferroviaires de troupes destinés à la Norvège.


Les Juifs sont seuls au monde. Si Israël survit, ce sera uniquement grâce aux efforts des Juifs. Et aux ressources juives.


Pourtant, en ce moment même, Israël est notre seul allié inconditionnel et fiable. Nous pouvons compter sur Israël plus qu'Israël peut compter sur nous. Il suffit seulement d'imaginer ce qui se serait produit, l'été dernier, si les Arabes, avec leurs soutiens russes, avaient gagné la guerre, pour comprendre à quel point la survie d'Israël est vitale pour l'Amérique, pour l'Occident en général.


J'ai une prémonition qui ne me quittera pas: ce qui adviendra d'Israël sera notre sort à tous. Si Israël devait périr, l'holocauste fondrait sur nous. "

LA Times, 26 mai 1968
Traduction française de Norbert Lipszyc

Source: Debriefing (Menahem Macina)

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Publié par Michael Ledeen @ National Review: