jeudi 18 octobre 2012

Le voyage controversé, en octobre, du Parlement Européen en Iran

Où sont les belles âmes indignées?  Qui s'indigne à propos de cette visite dans un pays qui bafoue les droits de l'homme? "Le dernier rapport annuel d’Amnesty International répertorie 634 exécutions en Iran en 2011. Cela place l'Iran à la première place mondiale des Etats bourreaux, par habitant. Le nombre d'exécutions publiques en Iran a quadruplé par rapport à l'année précédente.  Un autre rapport d'Amnesty International affirme qu'au moins 143 enfants ont été condamnés à mort dans les prisons iraniennes, en attendant d’être exécutés quand ils auront atteint l’âge de 18 ans."

Abbas ResaiHufftington Post UK (version française ICI)

Une fois de plus, le Parlement européen envisage d'envoyer une délégation à Téhéran. Le voyage, prévu pour la fin du mois a été confirmé par la délégation du Parlement pour les relations avec l'Iran, juste avant l'été.

Décrit comme un "exercice de réconciliation", le voyage de sept jours doit commencer le samedi 27 octobre et pourrait compter jusqu'à 14 membres du Parlement européen selon le procès-verbal de la réunion de la délégation qui a eu lieu en juillet et publié sur le site du Parlement le mois dernier. Des responsables iraniens ont également confirmé que la visite d’octobre figure sur leur agenda. Bien que la délégation se soit efforcée à maintes reprises de se rendre en Iran ces dernières années, aucune visite ne s'est concrétisée au cours de la législature actuelle.

La première tentative en 2009 a échoué en raison du "climat politique défavorable" créée par l’élection présidentielle frauduleuse de Mahmoud Ahmadinejad. En septembre 2010, le parlement a autorisé une délégation à Téhéran, subordonnée en partie par la levée de la peine de mort contre une femme iranienne condamnée par lapidation pour adultère. Cette condition n'a pas été respectée et la délégation n'a donc pas effectué le voyage. La délégation a fait une troisième tentative en octobre 2011, mais a dû faire face à un tollé général qui provoqué l'annulation du voyage à la dernière minute.

Plusieurs personnes ont été pendues en public lors du dernier voyage d'une délégation parlementaire européenne en Iran en 2007. Le voyage a été salué par les médias iraniens.

L'idée d'avoir une délégation européenne désignée pour les relations avec l'Iran est tout d’abord apparue en 2004, lorsque l'ambassade iranienne a travaillé dur pour établir une liaison officielle avec le Parlement européen. Le lobby iranien au sein de l'UE a justifié cela comme un instrument pour encourager le soi-disant président modéré, Mohammad Khatami. Il est assez ironique de constater que la délégation a été créée seulement après que l'extrémiste Mahmoud Ahmadinejad ait pris le pouvoir en 2005 et par conséquent pouvait difficilement servir son but. Néanmoins, le rapprochement s’est simplement intensifié et les délégations des deux côtés ont commencé à échanger des visites interparlementaires.

Les principes du Parlement européen régissant les activités de la délégation stipulent qu'une délégation devrait "contribuer à la promotion, dans les pays tiers, des valeurs sur lesquelles l'Union Européenne est fondée, à savoir les principes de liberté, de démocratie, de respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales". Le bilan des dernières années suggère le contraire dans le cas de l'Iran.

Le dernier rapport annuel d’Amnesty International répertorie 634 exécutions en Iran en 2011. Cela place l'Iran à la première place mondiale des Etats bourreaux, par habitant. Le nombre d'exécutions publiques en Iran a quadruplé par rapport à l'année précédente.

Un autre rapport d'Amnesty International affirme qu’au moins 143 enfants ont été condamnés à mort dans les prisons iraniennes, en attendant d’être exécutés quand ils auront atteint l’âge de 18 ans.

Le système électoral iranien strictement contrôlé, permet uniquement aux plus fidèles de briguer un siège au Majlis, le parlement iranien, que la délégation a l'intention de visiter. Près d'un tiers des membres actuels du Majlis sont des ex-commandants du corps des gardiens de la révolution et auraient été impliqués dans des violations des droits de l'homme.

Le Canada a rompu ses relations diplomatiques avec l'Iran le mois dernier et a expulsé des diplomates iraniens, citant des violations des droits de l’homme par l’Iran et qualifiant ce pays de "plus grande menace à la paix internationale et à la sécurité dans le monde d'aujourd'hui".

Entre-temps, dans un geste surprenant dans le sens inverse, le Parlement européen a adopté une résolution, proposée par son puissant président allemand de la commission des Affaires étrangères Elmar Brok, appelant l'UE à ouvrir un bureau à Téhéran [voir point 47].

L'Allemagne, le plus important partenaire commercial européen de l’Iran, semble avoir son mot à dire. Jusqu'à l'année dernière, la délégation du Parlement européen pour l’Iran a toujours été présidée par un député européen allemand écologiste (Vert). Certains rapports suggèrent que la coordination avec l'ambassade d'Iran est toujours effectuée par un conseiller vert allemand. Selon l’édition chiffrée de 2012 de "The Economist World", l'Allemagne est en troisième position mondiale, après les Emirats Arabes Unis et la Chine, concernant les exportations vers l'Iran.

L'Iran n'a jamais permis à des organismes indépendants d’examiner la situation des droits de l'homme. En mars 2011, l'ancien ministre des Affaires étrangères des Maldives, Ahmed Shaheed, a été nommé par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, Rapporteur spécial sur la question des droits de l'homme en Iran. Malgré ses demandes répétées, il n'a jamais obtenu de visa pour l'Iran. Ce qui est tout à fait contraire à l'attitude des autorités iraniennes invitant la délégation du Parlement européen ce mois-ci.

Des critiques soutiennent souvent, quelles que soient les bonnes intentions de ce peuple, que ce genre de voyage apporterait du crédit à la théocratie.

"Nommez un seul objectif atteint par tous ces voyages et négociations avec l'Iran", demande Sohrab Saidi, un exilé iranien à Cologne. "Y a-t-il eu des progrès sur les droits de l'homme? Ont-ils arrêté leur programme d'armes nucléaires ou reculé sur l’exportation du terrorisme dans la région?»

L’isolement croissant de l'Iran l'a laissé avec peu d'alliés tels que l'Irak et la Syrie, dont les dirigeants actuels semblent totalement dépendants de l'Iran pour leur survie. Un voyage de l'UE pourrait donc sérieusement stimuler le moral des dirigeants iraniens et servir leur propagande intérieure, disent les critiques.

"Les mollahs ne pouvaient attendre de plus beau cadeau que la publicité d’une telle visite", a déclaré une militante des droits de l’homme basée à Londres, Leila Azari, qui a perdu un parent en Iran au cours du soulèvement de 2009. "Au moment où la communauté internationale se doit de les punir pour leur cruauté, certains semblent être uniquement interessés par le business", a-t-elle déploré.

D'autres sont encore plus préoccupés.  "Je ne peux pas croire qu'ils agissent ainsi en ce moment alors que nous souffrons tant de l'ingérence iranienne", a déclaré Hassan Addaher, coordinateur du mouvement d'opposition syrienne à Bruxelles. "Nous n'oublierons pas ceux qui ont soutenu les mollahs sanguinaires qui tuent notre peuple".
Deux semaines avant le voyage, le dernier mot reste entre les mains de «la Conférence des Présidents" - organisme du Parlement faisant autorité - composé du président Martin Schulz et des dirigeants des groupes politiques.

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