Circulez il n'y a rien à voir. Vrai? Faux? |
La classe politique et les médias européens sont à côté de la plaque. Par paresse ou par ignorance, ou les deux, ils persistent à privilégier un script obsolète - vieux de 30 ans - lorqu'ils font leurs déclamations sur les affaires du Moyen-Orient. Selon ce script "l'occupation", les "colonies", le "tunnel", le "mur" et les autres "motifs de crise" sont la cause de tous les maux de la planète et la clé de la tranquillité, de la paix, voire de l'utopie se trouverait dans la naissance de la Palestine.
Selon cette lecture, la résolution du problème palestinien permettrait de résoudre les problèmes du monde. Ou au minimum ceux de la région. Ce raisonnement était faux il y a 30 ans et il reste tout aussi faux aujourd'hui, comme me l'a confié une source politique arabe. "Ne vous méprenez pas," me confia-t-il avec conviction au cours d'un dîner la semaine dernière, "Nous sommes au bord d'une catastrophe. Et elle n'a rien à voir avec le conflit israélo-palestinien".
Il a ajouté: "Les Palestiniens n'ont jamais figuré parmi les dix premières priorités d'un seul gouvernement arabe. Les dirigeants arabes se foutent des Palestiniens. Ils ont simplement utilisé la question palestinienne pour détourner l'attention de leurs propres échecs - pour dissimuler leur incompétence, leurs insuffisances et leur corruption. Leurs mesures de sécurité répressives n'ont jamais été destinées à combattre 'l'agression sioniste', mais à réprimer la colère de leur propre peuple. Cela a été purement et simplement un exercice de cynisme. Et les gouvernements occidentaux ont gobé ces explications".
A présent, d'après lui, le monde arabe - et le reste du monde islamique - est confronté à la réalité. C'est une réalité qui n'a rien à voir avec le printemps arabe, la démocratie, l'émancipation et la liberté. Et elle n'a rien à voir non plus avec la rage et violence prétendument provoquées par le conflit israélo-palestinien, les théories du complot, l'impérialisme occidental, le trafic d'influence auquel se livreraient des Juifs, l'agression des croisés, les caricatures insultantes ou des vidéos postées sur YouTube (bien que tout ceci sert de prétexte pour organiser des manifestations de violence). [...]
Le monde arabe, qui est en déclin par rapport à l'Occident depuis 300 ans, est sur le point d'imploser (les 57 États islamiques comptent pour environ 20% de la population mondiale, mais représentent moins de 7% de sa production).
Aujourd'hui, le Moyen-Orient est au bord d'une éruption de violence fratricide qui est susceptible de balayer l'ordre existant et modifier radicalement l'ordre régional avec d'importantes implications stratégiques pour l'Occident.
La région se déchire et les conflits sont sur le point de déborder les frontières en grande parties artificielles sur la base de deux lignes de faille, ethnique et religieuse. Elles ont émergé clairement après la chute de l'Irak de Saddam Hussein en 2003. La division ethnique entre musulmans sunnites et chiites, le clivage religieux entre les mouvements extrémistes islamistes wahhabite et salafiste encore plus extrémiste. Les différences ne sont pas seulement idéologiques, elles sont existentielles.
Les conflits sont susceptibles de toucher les principaux acteurs régionaux: l'Arabie saoudite sunnite, l'Égypte et la Turquie, l'Iran chiite, et, le plus riche de tous, le Qatar pro-salafiste, où le PIB annuel s'élève à plus de 100.000 dollars par personne. Les mouvements jihadistes comme Al-Qaïda saurant sans aucun doute profiter de l'anarchie pour tenter de gagner de nouveaux adeptes.
Tout comme le commerce mondial s'est mondialisé, la violence islamique s'est également mondialisée. Il est peu probable que ces conflits puissent être circonscrits au seul Moyen-Orient. Il vont rapidement se propager à d'autres états islamiques en Asie (principalement au Pakistan, à l'Indonésie et à la Malaisie) et en Afrique (principalement aux États du Maghreb: la Tunisie, le Maroc, l'Algérie et la Libye, mais aussi aux États sub-sahériens ayant d'importantes populations musulmanes, comme le Nigéria).
Ils ne sont pas de nature à provoquer des grandes batailles classiques entre Etats avec des armées et des canons (bien que ceux-ci, comme en Syrie, seront utilisés contre les "rebelles"). Au contraire, on assistera au genre d'insurrection qui a dévasté l'Irak, avec des bombes humaines, voitures et camions piégés, à des affrontements inter-communautaires, inter-ethniques et inter-tribaux, le tout provoquant des mouvements de population considérables qui répondront aux exigences de plus en pressantes de nettoyage ethnique.
Sous ces pressions, les allégeances se déliteront et les garants de l'ordre - l'armée, la police et les services de renseignement - se fragmenteront. En fin de compte, les bureaucraties et les directions politiques se désintégreront. Nous avons déjà vu de tels scénarios. Mais ce que nous n'avons pas encore vu c'est ce qui se passe maintenant sous nos yeux. Jusqu'à présent, personne n'a été témoin des scènes finales.
Personne ne prédit l'issue, la seule certitude étant que la fin de la partie est totalement incertaine. Le conflit sera long, incontrôlable et la diplomatie occidentale, qu'elle choisisse d'être dure ou nuancée, sera sans effet. Il n'y aura pas d'hommes en chapeaux blancs et en chapeaux noirs. Il n'y aura que des gars méchants et des gars encore pires.
Selon ma source c'est cette sombre perspective qui se dessine dans sa région. Mais l'instabilité politique du Moyen-Orient a également une incidence dans la politique intérieure de l'Europe et de l'Occident en général. Pour l'Occident - et en fait pour le monde industrialisé - le cauchemar ne fait que commencer. Deux priorités sont susceptibles de se trouver en bonne place dans le programme de n'importe quelle insurrection.
La première est la fermeture de ce qu'on appelle dans le domaine du transport les "points d'étranglement" à travers lesquels les hydrocarbures et le commerce doivent naviguer. Au Moyen-Orient, ce sont principalement le golfe Persique et le canal de Suez.
La seconde est une attaque sur les richesses de l'Arabie Saoudite par des sécessionniste chiites qui forment le groupe dominant dans sa région orientale. Celle-ci abrite les gisements de pétrole (les chiites saoudiens peuvent compter sur l'aide des chiites du côté de la frontière irakienne qui est également une région riche en pétrole).
Le résultat net de ces événements se traduira par une hausse brutale et prolongée des prix du pétrole, qui se répercutera sur le prix de presque tous les autres biens. Il pourrait également y avoir une pénurie grave de pétrole jusqu'à ce que le goulot d'étranglement du Golfe puisse être débloqué.
En outre, la fermeture du canal de Suez - une voie d'eau qui a moins de 700 pieds de large et relie les mers Méditerranée et Rouge - obligera les navires à emprunter une voie beaucoup plus longue l'Europe et l'Asie en passant par le Cap, ce qui aggravera encore l'effet sur le coût des importations et des exportations.
D'autres conséquences sont prévisibles en Occident, en particulier dans des pays comme la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne, qui abritent d'importantes populations musulmanes, et qui ne seront pas à l'abri de poussées de violence. Cela conduira à des mesures de sécurité supplémentaires et à l'érosions d'autres traditions démocratiques, comme la liberté d'expression, la liberté d'information et la liberté de la presse.
Le printemps arabe, qui a été salué - à tort - à l'Ouest comme signalant la naissance de la démocratie au Moyen-Orient, est davantage susceptible d'être le prélude à une convulsion régionale et mondiale. Si tel était le cas, il est temps de se préparer à un changement d'époque.
1 commentaire :
En ce qui concerne les médias en France, l’utopique « printemps arabe » tant encensé a deux causes. La première est que 70% des journalistes sont de gauche et qu’ils aiment tenir un discours auto-valorisant. La deuxième plus terre à terre est que les publicitaires n’aiment pas beaucoup, pour des raisons mercantiles, les articles qui contrarient les dirigeants des pays arabes. Imaginez un dirigeant français devant signer un contrat avec le Qatar. Sera-t-il mieux reçu s’il se présente avec un badge « I love Tel Aviv » ou bien en soulignant que le gouvernement français à donné soixante millions d’euros pour les « fonctionnaires » de Gaza ?
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