vendredi 6 avril 2012

De Marion von Dönhoff à Günter Grass: longue tradition de nazification d'Israël en Allemagne

La comtesse Marion Hedda Ilse von Dönhoff [photo], née le 2 décembre 1909 au château de Friedrichstein en Prusse-Orientale et morte le 11 mars 2002 au château de Crottorf, près de Friesenhagen en Rhénanie-Palatinat, est une aristocrate allemande, qui fut rédactrice en chef et directrice de l'hebdomadaire Die Zeit, dont elle fut cofondatrice, et l'une des grandes figures du journalisme allemand d'après-guerre. Or Henryk M. Broder rapporte dans un article dans Der Spiegel paru à l'occasion des 60 ans de l'Etat d'Israël que:

"Il y de longues années, un article publié dans hebdomadaire allemand Die Zeit, lançait un appel aux "hommes responsables du gouvernement d'Israël." L'auteur les invitait à  réfléchir et reconnaître "qu'ils étaient déjà profondément engagés dans la voie qui avait récemment conduit un autre peuple à la ruine."  C'était le 23 septembre 1948, quatre mois seulement après la fondation d'Israël. L'auteur? La journaliste et intellectuelle allemande Marion Dönhoff."

On voit parfaitement où elle voulait en venir.  En fait, la critique et la délégitimation d'Israël n'ont jamais cessé en Allemagne, mais les Allemands - en tout cas certains intellectuels médiatiques se plaignent de ne pas pouvoir critiquer Israël de crainte d'être traités d'antisémites... comme vient de le faire Günter Grass.  Il faut néanmoins saluer la presse allemande qui semble avoir été à la hauteur ce qui a beaucoup déplu à Grass (on aimerait dire autant au sujet de la presse française toute dévouée à Stéphane Hessel).  Rappelons au passage que 57% des Allemands croient qu'Israël mène une guerre d'extermination contre les Palestiniens. 

Source: Deutschiger (Le poème de Günter Grass : “Was gesagt werden muss”)

Günter  Grass (prix nobel de littérature 1999) a publié un poème sur Israël qui n’a pas manqué de soulever de nombreuses critiques en Allemagne. La Deutsche Welle (Günter Grass provoziert mit einem Gedicht) présente le contenu du poème sujet à polémique et brosse un tableau rapide des premières réactions. Die Süddeutsche Zeitung publie également un article des réactions qui ont suivi la publication du poème : il n’est pas rare d’accuser Grass d’antisémitisme (Grass-Gedicht ruft wütende Reaktionen hervor).
Le mot “Antisemitismus” fait également le titre d’un article de die Zeit (Der Antisemitismus will raus) mais cet article est intéressant et constructeur dans sa critique, bref il ne se contente pas de s’horrifier et de pointer du doigt en criant à l’antisémitisme. Josef Joffe dévoile le moteur inconscient d’une génération innocente mais héritière de l’holocauste :
“Wie in dem legendären Spruch, der dem israelischen Psychiater Zvi Rex zugeschrieben wird:“Die Deutschen werden den Juden nie Auschwitz verzeihen.” Denn allein deren Existenz ist die ewige Anklage gegen Grass und die schuldlosen Nachgeborenen.” (source).
La vente de sous-marins à Israël par l’Allemagne n’est pas suscitée par des restes tenaces de culpabilité mais par la nécessité de donner à Israël les moyens de dissuader toute velléité d’attaque iranienne.
La SZ a également publié un article critique comme pour se défendre d’avoir publié le poème de Grass (le poème a en effet été publié par die SZ, la Republica et le New York Times). L’article Dichten und meinen reproche à Grass: “Sein Gedicht steckt voller Übertreibungen, die für den Schriftsteller allerdings typisch sind” pour admettre plus loin que ces “exagérations” font partie de la forme poétique choisie par Grass.
Car il s’agit effectivement d’un poème et non d’un simple texte à prendre au sens littéral. Die Frankfurter Allgemeine Zeitung a publié un article (Was Grass uns sagen will) analysant le poème d’un point de vue littéraire: ne pas s’en tenir au sens premier, chercher le littéraire sous le littéral, bref, donner une interprétation du poème. Frank Schirrmacher peut ainsi conclure :
Nein, das ist kein Gedicht über Israel, Iran und den Frieden.(…) Es ist ein Machwerk des Ressentiments, es ist, wie Nietzsche über das Ressentiment sagte, ein Dokument der „imaginären Rache“ einer sich moralisch lebenslang gekränkt fühlenden Generation. Gern hätte er, dass jetzt die Debatte entsteht, ob man als Deutscher Israel denn kritisieren dürfe. (source)

2 commentaires :

prof a dit…

Un très bon article. Je ne le dis pas assez souvent. Merci pour ce travail à vous.

Monique a dit…

Une partie non négligeable de la population allemande est toujours antisémite et antisioniste mais leur très lourd passé envers les juifs les empêchent de se laisser aller totalement dans leur expression. Par contre dans le reste de l'Europe, on se lâche de plus en plus depuis longtemps. Qu'en sera-t-il dans une ou deux générations pour les allemands ? J'ai quelques craintes.