"Il allait droit au but et réclamait le massacre de tous les Juifs. [...] Mais les nazis, eux, le considérèrent toujours comme le seul véritable antisémite français."
A propos de la décision de célébrer Louis-Ferdinand Céline, il nous a paru intéressant de lire ce qu'écrivait Hannah Arendt sur l'écrivain en 1951, donc très loin de la polémique et des sensibilités actuelles :
"[...] la France avait produit un antisémite exceptionnel, qui avait compris toute la puissance et toutes les possibilités de la nouvelle arme. Cet homme était un romancier de valeur: en France, en effet, l’antisémitisme n'était pas socialement et intellectuellement discrédité comme dans les autres pays d’Europe.
La thèse de Louis-Ferdinand Céline était simple, ingénieuse, et elle avait juste ce qu’il fallait d’imagination idéologique pour compléter l’antisémitisme rationaliste des Français. Selon Céline, les Juifs avaient empêché l’unité politique de l’Europe, provoqué toutes les guerres européennes depuis 843 et tramé la ruine de la France et de l’Allemagne en suscitant leur hostilité mutuelle. Céline avança cette abracadabrante explication de l’histoire dans L’École des cadavres, ouvrage écrit au temps de Munich, et publié en 1938. Un pamphlet publié précédemment sur le même sujet, Bagatelles pour un massacre (1937) ne donnait pas encore cette nouvelle clé de l’histoire européenne, mais était déjà remarquablement moderne. Céline n’établissait pas de distinctions entre Juifs nationaux et étrangers, entre bons et mauvais Juifs; il ne proposait pas des lois compliquées (l’une des caractéristiques de l’antisémitisme français): il allait droit au but et réclamait le massacre de tous les Juifs.
Le premier livre de Céline fut reçu avec faveur par de nombreux intellectuels français, d'une part assez satisfaits de cette attaque contre les Juifs, et à demi convaincus que ce n’était qu’une nouvelle attitude littéraire [1]. Pour les mêmes raisons, les fascistes français ne prirent pas Céline au sérieux. Mais les nazis, eux, le considérèrent toujours comme le seul véritable antisémite français."
[1] Voir en particulier une recension de la Nouvelle revue française, par Marcel Arland (février 1938), qui trouve "la position essentielle de Céline [..] solide". André Gide ("Les Juifs, Céline et Maritain", avril 1938) pense que Céline, en décrivant seulement la "spécialité" juive, est parvenu à peindre non pas la "réalité" mais"l'hallucination que la réalité provoque".
Hanna Arendt, Sur l'antisémitisme, Seuil-Points, pp. 115-116
- Céline : un complice de la perpétration de la Shoah, par Guy Millière
- Céline: on ne peut pas exonérer un écrivain de sa responsabilité sous prétexte qu’il a une bonne plume, un éditorial du président du CRIF, par Richard Prasquier
Ce site est dédié aux millions d'Européens qui, malgré d'incessantes campagnes de désinformation, ne croient pas que les Juifs ne sont capables que du pire; ne dissimulent pas leur antisémitisme dans le langage de l'antisionisme; et savent qu'Israël représente ce qu'il y a de meilleur dans une démocratie.
3 commentaires :
Ce texte devrait être publié par tous les journaux "intellectuels"; cela mettrait un terme à la glorification de Céline en "chemise brune" (livre de Kaminsky).
Si l’antisémitisme a toujours été un sentiment diffus en Europe (« pogroms », attaques à l’improviste contre les Juifs polonais, par exemple, ou autodafés de l’Eglise Catholique), l’un des exemples les plus éclatants de cette haine est l’affaire Dreyfus.
Tout ce qui est allé de « travers », un jour, dans l’Histoire française, est imputé aux Juifs, qui aurait été la communauté à avoir tiré le plus grand profit de la Révolution française. L’Action Française compte parmi ses plus fervents adeptes des intellectuels, des militaires, des membres du clergé, des commerçants et des employés de bureau. L’Eglise catholique, qui n’a jamais été en faveur des idéaux de la Révolution française, soutient ouvertement l’antisémitisme, au travers des journaux catholiques La Croix et Le Pèlerin, diffusés au total à 500.000 exemplaires environ. Cependant, après la Première Guerre mondiale et la victoire française, l’Action Française voit le nombre de ses partisans décliner.
Mais la crise économique de 1929 marque le retour de l’antisémitisme en tant que mouvement politique, qui, fait notable, se fraie même un chemin dans la classe ouvrière, pourtant traditionnellement de gauche. En janvier 1934, le suicide du courtier juif russe Stavisky et les révélations au sujet de ses liens avec des politiciens corrompus provoquent de graves émeutes antisémites, ainsi qu’une tentative de coup d’Etat contre le gouvernement. Tout au long des années 30, la France est inondée d’un raz-de-marée de publications antisémites, qui pavent le chemin, en définitive, à la collaboration avec les Nazis sous Vichy.
La victoire du Front populaire en 1936, fait pour la première fois accéder un Juif à la tête du gouvernement Français, Léon Blum, mais il est très vite qualifié de Juif voulant favoriser ses « congénères ». On remarque que les Juifs sont souvent accusés d’être communistes, et d’être des grands capitalistes, idée reprise par Hitler. Pour arriver au pouvoir, et rassembler les mécontents, rien de tel que de trouver un bouc émissaire. Les Juifs sont donc rendus responsables de tous les maux : défaite de la 1ere guerre mondiale, traité de Versailles, crise économique…En France la presse d’extrême droite attaque Léon Blum :
"Pour la première fois, la France subit la honte d’être gouvernée par un ministère dont le chef est un juif –et quel juif ! Plein de haine pour tout ce qui est français et national, Léon Blum considère la race juive comme une race élue et supérieure, et il n’agit et n’agira que pour assurer le triomphe de la race maudite depuis le calvaire du Christ. HUMILIATION SANS PRECEDENT pour la France. Mais les Français auront leur revanche, et déjà l’antisémitisme, qui était en sommeil depuis quelques années, tend à se réveiller en France comme en Allemagne."
D’après L’action française mensuel, juin 1936.
Cet article est une violente diatribe contre le chef du gouvernement, Léon Blum. Il s’en prend, non à ses idées politiques et à ses réformes, mais à l’homme lui-même et en particulier à sa religion. Il lui reproche d’être juif et de considérer les autres juifs comme "une race élue et supérieure". L’argument utilisé à l’encontre des juifs, selon lequel ils auraient tué et crucifié le Christ, n’est pas nouveau : de tout temps, cette accusation a été lancée et elle est clairement antisémite. L’auteur se félicite de ce que le "racisme religieux" se développe de plus en plus en France et en Allemagne et , loin d’en avoir honte, le revendique même clairement.
Mais le pacifisme, constitue également un vecteur de l’antisémitisme à gauche dans les années 1930.
À lire : Archives Juives, 2010/1 (Vol. 43)
Dossier : Années Trente. L'emprise sociale de l'antisémitisme
Auteur : Michel Dreyfus
Les "bruissements antisémites de la SFIO"
Le pacifisme diffus de la gauche non communiste.
Les anarchistes et Céline.
Les pacifistes.
Céline n'est ni un grand antisémite ni un grand écrivain. Il est juste une grosse fumisterie vénérée par quelques esprits pervers qui sont sans doute eux violemment antisémites. Car il est très suspect d'accorder un telle valeur littéraire à un écrivain aussi médiocre.
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