vendredi 8 avril 2011

Des Juifs belges victimes de la Shoah déboutés par fournées de dix; qui s'en préoccupe?

Source: Agence Diasporique d'Information

Ce mercredi après-midi, la Commission civile d'invalidité de Bruxelles avait à examiner les dossiers de 10 Juifs, rescapés de la Shoah, qui demandent à l'État une reconnaissance de l'invalidité qu'ils conservent suite aux persécutions dont ils ont été victimes.

Pour l'ensemble de la fournée, Mme Schifflers, commissaire de l'État, a recommandé que cette demande leur soit refusée. Motif : ces personnes n'avaient pas la nationalité belge au 1er janvier 1960 ou, si elles l'avaient acquise entre la fin de la guerre et le 1er janvier 60, elles ont quitté le pays quelque temps depuis la fin de la guerre. C'est la loi ! Et le Service des victimes de la guerre a décidé de la faire appliquer sans attendre sa modification. Alors que certaines victimes qui rencontrent les conditions d'attribution de l'invalidité attendent plusieurs années avant que leur cas ne soit examiné, ce service estime ne pas pouvoir attendre - parfois même 1 an - avant de refuser tous ceux qui peuvent l'être.

Et cette situation risque de ne pas de changer de sitôt. En effet, seuls quelques membres de l'Association pour la Mémoire de la Shoah s'étaient déplacés pour dire leur indignation. Où sont restés tous les autres ? Les Susskind [JCALL], les Kornfeld et autres Wajnblum toujours si promptes à prendre la parole au nom de la communauté juive, à lutter contre la résurgence de l'antisémitisme [!] ou à s'indigner  [!] à propos du conflit israélo-palestinien  [!] et ici étrangement absents dès lors qu'il s'agit de défendre les droits individuels des Juifs les plus vulnérables, les plus misérables au plan psychologique et parfois au plan financier ? Cette absence, ce manque de solidarité, indigne et questionne. Comment se fait-il que l'Association pour la Mémoire de la Shoah soit la seule association juive qui semble accorder quelque importance à ce combat ?


Ce n'est sans doute pas la question que se posent les responsables politiques du pays lorsqu'ils examinent la proposition de loi destinée à ouvrir le droit à tous les rescapés de la Shoah qui possèdent la nationalité belge, quelle que soit la date où ils ont acquis cette nationalité, à être reconnus comme invalide de guerre. Pour ces responsables, cette situation vaut réponse; le message est clair : hormis quelques-uns, les juifs s'en foutent, par conséquent il n'y a pas lieu de modifier la loi.

J'ai donc accompagné Cisia Lenkowitz devant le président Debruyne, flanqué de ses assesseurs : Mme Blanquet représentant le ministre De Crem et M. Mouthuy, représentant des victimes de la guerre. Après que Mme Schifflers ait lu ses conclusions, M. Debruyne a donné la parole à Cisia. Avec courage et avec une grande dignité, cette dame de plus de 80 ans a parlé de son enfance à Anvers, du déménagement de la famille vers Bruxelles en 1940, de la traque des juifs durant laquelle elle a été cachée et durant laquelle ses proches ont été assassinés. Elle a parlé d'elle : l'adolescente sortie de la guerre dans un milieu dévasté qui n'a pas pensé immédiatement à demander la nationalité belge - démarche onéreuse à l'époque. Elle a parlé de son mari, Bernard, rescapé comme elle et résistant armé, avec lequel elle s'est mariée à 17 ans, il y a maintenant plus de 65 ans. le couple est devenu belge en 1967. Cisia a dit son incompréhension que sa présence en Belgique depuis plus de 80 ans ne permette pas que son invalidité soit enfin reconnue par l'État belge.

Cisia a été écoutée avec attention. Toutefois la décision de la commission civile - mise en délibéré - fait peu de doute : comme les autres, elle sera déboutée.

De nouvelles fournées semblables sont prévues les 27 avril, 11 et 17 mai prochains. Même heure, même endroit : 13h30 / Square de l'Aviation, 31 à Anderlecht.

Paru le 06/04/2011 Auteur : Eric Picard

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