jeudi 23 juillet 2009

Affaire Fofana: les Juifs réclament leur dû ?

"Le quotidien de gauche Libération a publié un petit article en page 13 titré : "Les organisations juives demandent un nouveau procès." Et le texte de poursuivre : "Seule la peine maximale de Fofana les satisfait..." Le sous-entendu est clair : alors que le reste de la France veut classer cette affaire, les Juifs, eux, réclament leur dû. C'est ça la France, et les Français sont polis. Personne ne viendra dire cela tout haut. Mais c'est ce qui se lit entre les lignes."

Source: article de Brett Kline dans le JPost

Depuis la fin du procès du "Gang des Barbares", le calvaire d'Ilan Halimi fait de nouveau la une de tous les journaux depuis une semaine. Lundi 13 juillet, la ministre française de la Justice a demandé un nouveau procès. La communauté juive s'en réjouit, mais sa décision ne fait pourtant pas l'unanimité.

Sur tous les membres de la famille Halimi, seul Rafy Abitbol, le beau-frère de la victime, était présent lors du verdict de la cour d'assises des mineurs de Paris.

Le procès à huis-clos du "Gang des Barbares" pour la torture et le meurtre d'Ilan Halimi en février 2006 a pris fin, le 10 juillet dernier. Un vendredi soir. Abitbol a laissé, presque à contre-cœur, sa femme, et une autre sœur d'Ilan terminer le dîner de Shabbat pour se rendre au Palais de Justice, île de la Cité.

Installé en face du box des accusés, il écoute, impassible, le verdict : Youssouf Fofana, le chef du "Gang des Barbares", écope de la prison à vie assortie d'une mesure de sûreté de 22 ans - sentence maximale applicable par la justice française - pour avoir kidnappé, séquestré et torturé à mort Ilan Halimi, 23 ans. 26 autres verdicts tomberont. Les peines iront de 6 mois de prison avec sursis à 18 ans de prison ferme. Plus deux acquittements.

Il faut savoir qu'en France, après trois ans de prison et de bonne conduite, une sentence de 18 ans peut être commuée en une peine de neuf ans, et une peine de 9 ans, réduite à 18 mois. En clair : le concierge de l'immeuble dans lequel Halimi a été séquestré et torturé sera peut-être libéré après cinq années passées derrière les barreaux tandis que la fille qui a servi d'appât pour l'enlèvement d'Ilan pourrait être relaxée au terme de 18 mois de prison.

Huit personnes ont déjà été relâchées ; parmi elles celles qui ont purgé leurs trois ans, pour n'avoir pas dénoncé le crime.

A l'annonce du jugement, Fofana a mimé des applaudissements. Un geste remarqué par la presse et le public dont la présence au tribunal a été exceptionnellement autorisée ce jour-là. Abitbol, lui, a eu un haussement d'épaules. "On ne saura jamais la vérité. Mais que dire ?", confie-t-il. "Je ne suis pas juge, et je ne crie pas vengeance. Je me sens vide. Je pense à Ilan. Cela ne changera rien."

Ce que la presse a appelé le "Gang des Barbares", selon les termes désinvoltes prononcés par Fofana lui-même, est une association de marginaux, regroupant petits criminels et voyous locaux, garçons et filles, pour la plupart originaires d'Afrique noire ou Arabes d'Afrique du Nord.

Comme d'autres en France, les membres du gang sont persuadés que les Juifs sont riches. Quand la presse a relaté l'histoire, tout le pays a été choqué.

Mais la plupart des Français sont restés sourds aux accusations d'antisémitisme de la communauté juive. Au sein des communautés noires et arabes musulmanes, les réactions ont différé selon le niveau d'intelligence de chacun. Les Arabes éduqués, avec un bon emploi, ont reconnu immédiatement le caractère antisémite. Ils ont exprimé leur peine pour la mère d'Halimi et leur colère envers Fofana qui osait affirmer que son acte était lié à l'Islam. D'autres, souvent des habitants des quartiers, abandonnés par le système éducatif français, ont déclaré que cette attaque vengeait la souffrance des Palestiniens, comme Fofana l'avait lui-même affirmé.

Où est la presse juive ?

Richard Prasquier
, président du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) et Gil Taieb, président de l'ABSI - Keren Or (association pour le bien-être des soldats israéliens) et vice-président du Consistoire de Paris, étaient aussi au tribunal ce vendredi 10 juillet, jour de verdict. Mais pas le reste de la communauté juive. Tout comme la presse juive, elle était complètement absente. C'était Shabbat, évidemment, mais tous ne sont pas religieux.

Alors comment se fait-il que la presse, qui avait largement relayé l'affaire Halimi, n'était pas au rendez-vous, pour faire face aux coupables d'un des actes antisémites les plus horribles en France depuis la Seconde Guerre mondiale ? "Franchement, je ne comprends pas où est passé la presse juive", a déploré Taieb.

Trois jours après la fin du procès, ce qu'espéraient les responsables de la communauté juive s'est produit. La garde des Sceaux Michelle Alliot-Marie a demandé un nouveau procès pour 14 accusés, en regard à leurs sentences jugées légères. Abitbol est content de cette décision. Mais il précise que ce qui lui importe, "ce n'est pas d'alourdir les peines, mais que le procès soit public". Abitbol a toujours pensé qu'un procès public aurait pu changer les choses, intéresser plus de Français, et qu'il aurait pu être didactique.

"Les Juifs réclament leur dû"

"Même si les gens regardent le procès comme une émission de télé-réalité ou un film d'horreur, cela m'est égal. Ils verront les atrocités qu'ont réellement fait subir les accusés à Ilan et comment ils ont fait souffrir un autre être humain pendant 24 jours, uniquement parce qu'il était juif... en France, au 21e siècle. Cela ne doit pas se reproduire."

Dans les médias, seule la presse écrite a rapporté les peines légères des complices de Fofana, mais seulement pour reprendre les mots de la communauté juive qui déclarait que justice n'avait pas été rendue.

Par exemple, le quotidien de gauche Libération a publié un petit article en page 13 titré : "Les organisations juives demandent un nouveau procès." Et le texte de poursuivre : "Seule la peine maximale de Fofana les satisfait..." Le sous-entendu est clair : alors que le reste de la France veut classer cette affaire, les Juifs, eux, réclament leur dû. C'est ça la France, et les Français sont polis. Personne ne viendra dire cela tout haut. Mais c'est ce qui se lit entre les lignes.

Florencia Simporé, une étudiante en journalisme française originaire du Burkina Faso, a écouté les informations pendant tout le week-end qui avait suivi le verdict. "Je n'ai rien vu sur les complices", se rappelle-t-elle. "Selon moi, il est évident que les journalistes ne s'intéressent qu'à Fofana", ajoute-t-elle, avant de préciser : "Mes amis de Côte d'Ivoire ont peur que cela nuise à leur image. Mais ils ne connaissent rien sur l'affaire de ce meurtre, sur ce garçon juif qui a été torturé puis assassiné."

Ilan Halimi, jeune et gentil garçon juif parisien, n'a jamais été le symbole de sa communauté.
Mais au vu des réactions que suscite l'intervention de la ministre de la Justice, les accusés qui vont de nouveau être jugés pourraient bien devenir le symbole des victimes noires et arabes de ce qu'ils perçoivent comme "l'influence juive" sur le système français.

Alors qu'un nouveau procès sera peut-être salutaire pour la famille Halimi et pour le système judiciaire français, il pourrait cependant se révéler négatif pour les Juifs de France, en particulier pour les jeunes qui vivent dans des zones difficiles.
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Dans la version anglaise, plus longue, de l'article Trials and tribulations, Brett Kline décrit cette scène très médiatique où l'un des avocats de la défense interpelle un jeune juif et qui fut profusément diffusée par les chaînes de télévision. "It looked good" à la télé, ajoute Brett Kline.

"In the hall of the courtroom, Myriam and a small group of friends appeared to be some of the very few Jews among the public, and they were looking around as if they were about to be attacked.

"I really feel uneasy here," she said, unwilling to give her last name. "They have killed so many Jews, they have killed..." Her jaw drops, and her friends offer only blank stares. One of them goes off and insults the defense lawyer, who was busy making statements in front of all the TV cameras. Instead of ignoring him, the lawyer, well-spoken and sure of himself, exploded in anger.

"Who the hell are you, what are you doing here?" he yelled right in the face of the short, swarthy young man, who was not expecting such a strong response, and who backed off, stammering. The cameramen loved it and moved in, filming every moment. "I am defending my clients and the French legal system, and you are calling me a jerk and an anti-Semite? You are an idiot. Get out of here," the lawyer yelled.

The threat of violence was there, but the altercation had no value, except for the cameras, and the lawyer knew it. That night and the next day, the hallway clash between the lawyer and the not-too-bright, frustrated young Jewish guy was prominently featured on every TV report in France. It looked good."

1 commentaire :

Gilles-Michel DEHARBE a dit…

Pour l’honneur de la communauté juive de France.

http://www.crif.org/index.php?page=articles_display/
detail&aid=15865&artyd=10

Une mise au point de Pierre Besnainou, président du Fond Social Juif Unifié, ancien Président du Congrès Juif Européen.

(article publié également dans le Figaro du 24 juillet 2009)