mardi 21 juillet 2009

Grèce: Téléthon pour la reconstruction d'un hôpital chrétien à Gaza qui n'existe pas

Source: Timeo Danaos, etc., par Richard Zrehen (extraits)

"Début février 2009, une chaîne de télévision grecque consacre, pendant près d'une semaine, une grande partie de son temps d’antenne à donner des informations sur un Téléthon devant avoir lieu le 9 février, organisé afin de collecter des fonds "pour reconstruire l'hôpital chrétien de Gaza que les Israéliens ont détruit avec leurs bombes" pendant l’opération "Plomb durci "[1] de janvier dernier.

Au nombre des séquences diffusées, des messages du président de la République, M. Károlos Papoúlias, du ministre des Affaires étrangères, Mme Theodora (Dora) Bakoyannis, d’hommes politiques, de syndicalistes et de personnalités, beaucoup en profitant pour lancer de vives attaques contre Israël. La campagne permet de collecter 1,67 millions de dollars, selon les organisateurs de Téléthon, qui précisent que des petits grecs ont même cassé leurs tirelires pour offrir jusqu’à 14 dollars aux 'Palestiniens' dans le besoin…

Mais de quel hôpital s’agit-il, au juste, aucun hôpital chrétien ne figurant sur la liste, compilée par les Nations Unies et le Croissant rouge, des bâtiments de Gaza endommagés et/ou détruits dans la guerre Israël Hamas ?

On sait que la Grèce a un vieux problème avec les Juifs, remontant bien avant l’ouverture d’un bureau de l’OLP à Athènes, dans les années 1970, quand cette mode n’avait pas encore tout-à-fait pris en Europe, avant la bonne entente entre Yasser Arafat et Andreas Papandreou : au deuxième siècle avant l’ère commune, pour tout dire, depuis la mésaventure d’Antiochus Epiphane

On sait aussi que l’orthodoxie grecque n’a pas produit que des amis d’Israël, depuis George Habib Antonius jusqu’à Georges Habache et Waddie Haddad [voir Signifiant flottant et De mortuis nil nisi bonum dicendum est, mis en ligne respectivement le 12 mai 2008 et le 15 février 2008] en passant par Mgr Makarios, président de la République et primat de l’Eglise de Chypre, reconnaissant l’OLP en 1975 sans consulter son gouvernement …

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Jean Cohen a résolu d’en avoir le cœur net. Dans JTA (Jewish Telegraphic Agency) du 12 juillet 2009, elle publie les résultats de son enquête sous le titre : "Greek telethon for Gaza hospital a scam".

Extraits :
"ATHENES (JTA) – JTA s’est entretenue avec deux Palestiniens habitant à Gaza, l’un, membre, l’autre, ancien membre d’ONG, qui ont étudié l’affaire chacun de son côté. Tous deux ont déclaré que le seul hôpital chrétien opérant à Gaza, le Al Ahli Arab (Anglican) Hospital (fondé en 1907 par la Church Missionary Society), pleinement en service pendant les hostilités, n’a pas une éraflure récente"[2]. Le Al Ahli Arab Hospital est financé par l'Eglise d'Angleterre.

Interrogé au sujet de cet hôpital inexistant devant bénéficier des sommes recueillies pour sa reconstruction, Vangelis Panagopoulos, président d'ERT/NET, la station de télévision ayant diffusé le programme, a répondu : "ERT n'organise pas ces choses mais fournit simplement du temps d’antenne. L'événement a été organisé par la Confédération Générale des ouvriers grecs - principale organisation syndicale grecque - et le ministère des Affaires étrangères’".

Un porte-parole de la Confédération Générale des ouvriers grecs, pareillement interrogé, a dit à JTA : "Demandez au ministère des Affaires étrangères et au ministre Bakoyianni - ils savent".

Pendant le Téléthon, l'Union des Ingénieurs en Grèce (TEE), ayant annoncé qu'elle reconstruirait l'hôpital gratuitement, elle a aussi été interrogée par JTA et déclaré : "Nous avons participé au Téléthon en ayant l’impression que s’il y avait un projet de construction [pas de reconstruction], l’Union en serait chargé. Aucun "hôpital chrétien" n’a été mentionné’".

D’un autre côté, dans un communiqué publié au lendemain du Téléthon par ERT, on peut lire : "cet hôpital, entièrement conçu par les ingénieurs de la TEE, servira les habitants de la région".

Interrogé par JTA, à l’occasion d’une rencontre imprévue, M. Nikos Zafiropoulos, ambassadeur de Grèce en Israël, a declare n’être au courant de rien, le consulat de Grèce à Jérusalem gérant tous les problèmes concernant la Cisjordanie et Gaza.

5 jours plus tard, un journal financier grec, Kerdos, a publié un petit article invitant à formuler des propositions pour un projet qui serait financé par le million et demi de dollars du Téléthon… "Demande de soumission de projet pour Gaza à financer par l'argent recueilli au cours du Téléthon de solidarité, organisé en février dernier par la Chambre Technique Grecque et neuf organisations syndicales en coopération avec la télévision publique grecque… Une délégation des corps de métier concernés visitera le secteur dans un avenir proche afin de décider à quoi [!] sera affecté le million deux cent mille euros collecté pour ce projet devant rendre d’importants services aux habitants de la région".

[Essayant de mettre un terme ‘honorable’ à l’affaire,] le porte-parole du ministère des Affaires étrangère, M. Gregory Delavekouras, a finalement déclaré, "avec le ministère de la Santé, notre intention était de collecter des fonds pour la restauration des écoles et des hôpitaux de [Gaza], et plus spécifiquement du centre médical..."[3] Mais il s’est avoué incapable d’expliquer comment "le centre médical" s’était métamorphosé en "l'hôpital chrétien de Gaza" à la télévision…"

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Jean Cohen conclut son article ainsi : "Ce qui reste peu clair est ceci : les organisateurs ont-ils délibérément commis une fraude ou le Téléthon est-il tombé dedans accidentellement ?..." L’ancien ministre Alain Madelin soutient régulièrement que, dans un cas semblable, il faut chercher du côté de la bêtise plutôt que de celui du machiavélisme…

Acte manqué ?"
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[1] "Cette opération, au nom peu parlant dans les langues autres que l’hébreu, tire son nom d’un poème de ‘Haïm Nahman Bialik évoquant la toupie avec laquelle jouent les enfants pendant la fête de Hanoucca (dédication) ou Fête des Lumières, qui commémore la victoire des Juifs, menés par Juda Macchabée, contre les troupes du roi séleucide Antiochus Epiphane en -165, surtout la reprise et la purification du Temple de Jérusalem – une fiole d’huile consacrée ayant permis d’alimenter "miraculeusement" la flamme de la Menorah pendant les 8 jours nécessaires au pressage d’une nouvelle huile conforme, alors qu’elle aurait dû s’épuiser au bout d’une journée –, un Temple souillé par les sacrifices d’animaux interdits et la présence de statues de dieux grecs imposés par ce roi "païen".
En 2008 [= 5769] Hanoucca a commencé le dimanche 21 décembre à la nuit, pour finir le lundi 29 décembre. Le 27 décembre 2008, Israël a lancé ses premiers raids aériens sur la bande de Gaza.
La toupie (dreidel) est l’un des symboles les plus connus de Hanoucca. Le dreidel est une toupie à 4 côtés, avec une lettre hébraïque sur chacun des côtés : Noun (N), Guimel (G), ‘Hé (H), Shin (S ou CH), acronyme de Nes Gadol Haya Sham (Un grand miracle s’est produit ici). – On lance la toupie : si le Noun sort, rien ne se produit ; si c’est le Guimel, le joueur ramasse toutes les mises ; si c’est le ‘Hé, le joueur ramasse la moitié des mises ; si c’est le Shin, le joueur doit remettre une mise au pot.
Traditionnellement, les dreidels sont faits de plomb fondu, d’après
Operation Cast Lead, globalsecurity.org.

[2] Témoignage à mettre en regard de celui d’Andrew Hogg, ancien journaliste au Sunday Times et à l’Observer, désormais basé à Gaza : "Une roquette a laissé des marques sur un mur, il y a des impacts de balles sur le toit et du plastique au lieu de vitres aux fenêtres… ", "
Update from Gaza: Al-Ahli Arab Hospital", Global Ministries of the Christian Church (Disciples of Christ) and United Church of Christ, 10 février 2009

[3] "La clinique {pour la mère et l’enfant} située à Shujaiya, quartier de Gaza densément peuplé, a été détruite après que les personnes vivant dans l'appartement juste au-dessus ont reçu un appel des Israéliens leur recommandant de quitter les lieux. Une attaque de missiles a eu lieu 15 minutes plus tard. La clinique, soutenue par ACT (Action by Churches Together) International était fermée à ce moment pour raisons de sécurité… M. Dabbagh [directeur exécutif, dans la bande de Gaza du Département des Services aux réfugiés palestiniens du Conseil des Eglises du Moyen-Orient qui gère la clinique] dit que la raison pour laquelle le bâtiment a été ciblé reste un mystère. Il a vigoureusement insisté sur le fait que il n'avait pas été utilisé par le Hamas à des fins militaires…", Andrew Hogg, "
Gaza: Bombed clinic to rise from the rubble", ACT International, 30 janvier 2009

1 commentaire :

Gilles-Michel DEHARBE a dit…

Au delà de l'orthodoxie:

" Le poids ambigu du passé dans l’idée et dans la substance de l’Europe dérive d’une dualité primordiale. Et c’est là mon quatrième axiome. Il s’agit du double héritage d’Athènes et de Jérusalem. De cette parenté à la fois conflictuelle et syncrétique est issue en Europe toute l’argumentation théologique, philosophique et politique, des Pères de l’Eglise à Léon Chestov, de Pascal à Léo Strauss. Le topos est aussi riche et urgent aujourd’hui que jamais. Etre européen, c’est tenter de concilier, moralement, intellectuellement et existentiellement les idéaux rivaux, les exigences, la praxis de la cité de Socrate et de celle d’Isaïe".

- " Une certaine idée de l’Europe ", de George Steiner, chez Actes Sud.

George Steiner nous invite à regarder le présent, en proie au fondamentalisme renaissant. Il y voit une injonction pour l’Europe, à élaborer et promulguer un humanisme laïque, où la dignité de l’homme serait réinventée à la source de son passé : découverte de la sagesse, savoir désintéressé, création de beauté. Ce serait pour l’Europe une occasion de faire naître une contre révolution industrielle, dans un contexte de décroissance matérielle pour notre survivance écologique. Un vieux rêve dégradé, évanoui avec l’écroulement du mur en 89 a laissé la place à un système unipolaire, qui devient une autre forme de tyrannie barbare. C’est en Europe seulement, que nous pourrions revenir à la conviction qu’une vie qui n’est pas soumise à l’examen ne vaut pas la peine d’être vécue. C’est en Europe, que nous devons à nouveau rêver.

Et pourquoi pas en Grèce ?