samedi 14 janvier 2012

Yad Vashem remet en cause le titre de Juste accordé à un Belge

Source: Le Soir (De Foy va-t-il perdre son titre de «Juste»?, par Serge Dumont)

«Juste parmi les nations» depuis 1975, Robert De Foy [photo] aurait ordonné l’expulsion de ses parents et leur renvoi en Pologne, ainsi que l’arrestation d’une autre famille.

Aux côtés de la reine Elizabeth et du prince de Ligne, l’ex-administrateur de la Sûreté publique Robert De Foy (1893-1960) est l’une des plus hautes personnalités belges à bénéficier du titre de «Juste parmi les nations». La plus haute distinction honorifique israélienne est décernée à Jérusalem par Yad Vashem, l’institution chargée d’étudier l’Holocauste et d’en perpétuer le souvenir. Depuis 1963, la Commission d’attribution présidée par un ancien juge à la Cour suprême a décerné 23.792 titres de Juste. Mais elle en a également retiré six et celui accordé à De Foy le 11 décembre 1975, à titre posthume, risque d’être le septième.

L’affaire est devenue publique lorsque le périodique new-yorkais Forward, porte-parole du courant libéral au sein de la communauté juive américaine, a publié le témoignage de Sonia Pressman-Fuentes, une féministe fort connue aux Etats-Unis dont les parents s’étaient enfuis de Berlin en 1933 pour s’installer à Anvers [When 'Savior of Jews' is Deeply Flawed]. La plaignante, qui se base sur les recherches de l’historien Franck Caestecker (université de Gand), affirme que De Foy aurait ordonné l’expulsion de ses parents ainsi que leur renvoi en Pologne, où ils étaient nés. L’ordre n’ayant pas été suivi par le bourgmestre d’Anvers Camille Huysmans, De Foy a ordonné l’arrestation de la famille Pressman.

Un personnage ambigu
Promu secrétaire général du ministère de la Justice durant l’Occupation, De Foy a aidé 1.300 Juifs à échapper à la déportation. Il a également écrit à l’occupant allemand pour protester contre les rafles de Juifs. C’est ce courage indéniable qui lui a valu d’être distingué par Yad Vashem.


En revanche, lorsqu’il dirigeait la Sûreté durant la période troublée de l’avant-guerre, le haut fonctionnaire a posé des actes plus ambigus en arguant de la politique restrictive envers les étrangers mise en place par le gouvernement de l’époque.

Jusqu’à un récent voyage effectué en Belgique, Sonia Pressman-Fuentes n’avait jamais entendu parler de l’ex-administrateur de la Sûreté. A l’en croire, l’historien Caestecker lui aurait fourni des documents d’époque démontrant l’implication de De Foy dans l’expulsion de ses parents ainsi que dans celles de 227 autres Juifs.

Ces archives, parmi lesquelles des prises de position xénophobes et antisémites de l’administrateur de la Sûreté publique datant de 1926, ont été transmises à Yad Vashem en septembre 2010. Selon nos informations, les chercheurs de l’institut «avaient conscience des questions soulevées par le cas de De Foy», mais ils ne connaissaient pas l’existence des papiers livrés par Sonia Pressman-Fuentes. Ceux-ci alimenteront en tout cas les échanges à huis clos de la Commission chargée depuis mardi de statuer sur le sort du titre accordé à l’ex-administrateur de la Sûreté.

Ces dernières heures, des échanges ont également eu lieu entre l’ambassade de Belgique à Tel-Aviv et Yad Vashem pour éviter sans doute que cette affaire ne fasse trop de bruit.

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