dimanche 31 décembre 2017

Gol Kalev: "Cent ans après leur entrée dans Jérusalem, peut-être est-il temps pour les Européens de retourner enfin chez eux…"


Gol Kalev, journaliste et directeur de l'America-Israel Friendship League:
"Ce n’est pas en investissant l’argent des contribuables européens pour promouvoir les boycotts, le chaos et le désespoir dans d’autres pays que l’on soulagera le Vieux Continent des malheurs qui le touchent. Cela n’aidera pas non plus les Palestiniens et ne fera pas progresser la paix. Pour changer le cours des choses, les Européens doivent entreprendre une réévaluation honnête et courageuse de leur implication vieille d’un siècle dans la région. Lawrence d’Arabie, qui s’enthousiasmait de pousser les Arabes à la révolte pendant les années de guerre, a passé la période d’après-guerre à réévaluer ses engagements. «Vous ai-je dit que je considérais ce que j’ai fait en Arabie comme moralement indéfendable?», écrivait-il à un ami. N’est-il pas temps pour les Européens de reconnaître que certaines de leurs actions pourraient bien se révéler, cette fois encore, moralement indéfendables?

Dore Gold n’est pas optimiste. Fort de son expérience d’ambassadeur d’Israël aux Nations unies et de conseiller du Premier ministre Benjamin Netanyahou, il confie: «J’ai rencontré d’anciens hommes d’Etat européens qui sont convaincus de savoir ce qui est le mieux pour les habitants du Moyen-Orient.» Une attitude qui, selon lui, sera difficile à faire évoluer. Cent ans après leur entrée dans Jérusalem, peut-être est-il temps pour les Européens de retourner enfin chez eux…"
Lire l'article complet @ Jerusalem Post

vendredi 29 décembre 2017

René Girard: Céline "participe de la crispation contre le judaïque"


René Girard (1923-2015), anthropologue et philosophe.  Il est "l'inventeur de la théorie mimétique":

"Evidemment, le cas Céline est prodigieusement intéressant dans la mesure où il participe, hélas, de cette espèce de résurrection de la grande victime émissaire du monde occidental et du christianisme sacrificiel, le juif.  Il participe de la crispation contre le judaïque."

Entretien avec Philippe Muray, Les Grands Entretiens d'Art Press, 2015, p. 24.

jeudi 28 décembre 2017

Gérard Chaliand: Lorsqu’il y a un attentat en Israël, les médias israéliens n'invitent pas "la maman, la fiancée et les copains des victimes en faisant une déploration sur des jours et des jours"


Gérard Chaliand, expert en géostratégie:
"Lorsqu’il y a un attentat en Israël, les médias israéliens rapportent qu’un autobus a été attaqué, qu’il y a eu trois morts, point final. Ils ne vont pas commencer à montrer les cadavres, le carnage et ils ne vont surtout pas inviter la maman, la fiancée et les copains des victimes en faisant une déploration sur des jours et des jours.

Il y a informer et puis il y a la litanie en boucle dont nos médias sont à la fois les prisonniers et les vecteurs. Ils devraient se contrôler, informer sans diffuser la propagande de l’adversaire en l’amplifiant et arrêter de lui rendre service en tirant le maximum de ce qu’ils peuvent comme émotion autour d’un attentat."
Source: L'Echo

mercredi 27 décembre 2017

Jean-Claude Milner: "La question juive se rouvre à l’échelle de l’Europe entière"

Jean-Claude Milner:
Il est l’une des voix les plus brillantes du paysage intellectuel français. Quelques mois après la sortie de Considérations sur la France (Cerf, 19 euros), Jean-Claude Milner creuse, en exclusivité pour Actualité Juive, la question de l’avenir des Juifs dans une Europe en proie à des bouleversements culturels majeurs.

Actualité Juive: Vous avez inauguré fin octobre le séminaire René Cassin, lancé à l’initiative de la Fondation du judaïsme français, avec une conférence intitulée «Les Juifs ont-ils un avenir dans l’Europe du XXIe siècle?». Quelle était l’origine de votre questionnement ?

Jean-Claude Milner : Je m’étais interrogé, il y a une dizaine d’années, sur les penchants criminels de l’Europe démocratique (Verdier, 2003), en pointant que la question juive, dans la forme que lui avait donnée l’Europe moderne, depuis la fin du XVIIIe siècle, ne se posait plus. La solution mise en place par Adolf Hitler avait atteint son but: il y avait maintenant en Europe occidentale et centrale un nombre suffisamment faible de Juifs pour qu’ils ne fassent plus question.

La situation s’est modifiée, car l’Europe elle-même a évolué. Elle est devenue, sans forcément sans rendre compte, un des lieux du monde musulman. Il existe désormais un islam européen. Autonome ou pas à l’égard des islams extra-européens ? Ce n’est pas décidé.

Or, la question juive continue de se poser pour l’islam et, sur ce point, l’islam européen ne fait pas exception. Certes, il rencontre comme un fait l’extermination de la Deuxième Guerre mondiale. Mais il la considère comme une histoire qui lui est totalement étrangère, strictement intra-européenne, presque provinciale. Par un mouvement de bascule, la question juive se rouvre à l’échelle de l’Europe entière; elle s’accompagne d’une tendance à relativiser le processus de destruction qui culmine dans les camps de la mort. Pour la jeunesse européenne, Auschwitz n’est plus et sera de moins en moins un absolu.

A.J.: Quel rapport cet islam européen pourrait-il entretenir avec Israël? 
J-CM. Le proisraélisme occidental, jusque dans les années 1960, était une expiation de la Shoah. Mais au fur et à mesure de l’effacement de cette mémoire, s’est affirmé un anti-israélisme spontané en Europe occidentale. L’existence d’Israël est aujourd’hui présentée comme intolérable au nom de la politique de Benyamin Netanyahou. Mais demain, cette existence sera présentée comme nécessairement intolérable, Netanyahou ou pas.

Ce qui est vrai pour l’Europe non-musulmane, l’est encore plus pour l’islam européen. Puisque, à ses yeux, la Shoah ne le concerne pas, l’existence d’Israël ne s’inscrit pas un instant dans une logique de réparation. 
Lire la suite @ Actualité Juive

Lire également:
Jean-Claude Milner: "Autrefois, l’Europe se sentait encore redevable aux juifs exterminés"

mardi 26 décembre 2017

Jean Szlamowicz: "On a toujours rendu les Juifs responsables de l'antisémitisme, même quand Israël n'existait pas"


Jean Szlamowicz, maître de conférences à Paris IV-Sorbonne, linguiste et traducteur:

"(...) dès qu'un Juif est agressé, la majorité de la presse commence par nier le caractère antisémite de l'agression (les Juifs sont paranoïaques), ensuite par l'attribuer à l'extrême droite, ensuite par l'atténuer (les agresseurs ne savent pas ce qu'ils font, ce sont des déments solitaires), puis par l'excuser (le chômage, le racisme), avant de retourner le schéma victimaire (ce sont les agresseurs qui sont abandonnés par la République, qui sont victimes de racisme) et, in fine, de rendre Israël responsable des actes antisémites (les agresseurs ne font qu'exprimer leur solidarité politique contre l'occupant).  Après tout, on a toujours rendu les Juifs responsables  de l'antisémitisme, même quand Israël n'existait pas.  Cette circularité parsemée de clichés pseudo-sociologiques est le paradigme explicatif même qui obscurcit les manifestations d'antisémitisme.  À cet égard, on peut dire que l'antisémitisme est saturé de langage et de représentations."
Pardès n°55 – Qu’est-ce qu’un acte antisémite?, sous la direction de Shmuel Trigano, 2014, p. 20.

dimanche 24 décembre 2017

Marc Ferro: Jérusalem, "ce mythe de l'origine palestinienne"

Compte tenu de l'actualité - la reconnaissance, par le Président Donald Trump, de Jérusalem comme capitale d'Israël - et des polémiques suscitées, cet éclairage de l'historien Marc Ferro est republié (publié initialement le 11/10/2017 et lu 836 fois).

Marc Ferro, historien:
"Ce mythe de l'origine palestinienne secrète une fonction bien précise: enraciner l'Islam à Jérusalem en déclarant que là se trouve le berceau des trois religions: judaïsme, christianisme, islam - alors que l'Islam est né en Arabie, à la Mecque et à Médine, et que Jérusalem n'est même pas mentionnée dans le Coran. Ce mythe a ainsi pour fonction d'opposer, en ce qui concerne la Palestine, une autre légitimité à celle du christianisme et à celle d'Israël."
Le Choc de l'Islam, XVIIIe-XXIe siècle, Odile Jacob

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samedi 23 décembre 2017

D. Schnapper: L'antisémitisme est "l'indicateur le plus sûr d'un processus de décomposition des démocraties"


Dominique Schnapper, sociologue et présidente du Musée d'art et d'histoire du judaïsme (MAJ):
"L'antisémitisme est toujours inquiétant pour la République.  Il est de toute évidence contraire à ses valeurs. Et il est également annonciateur et marqueur de faiblesses et de trahisons graves.  L'antisémitisme est un signe et un signal qu'il ne faut ni cacher, ni sous-estimer, ni relativiser.  C'est l'indicateur le plus sûr d'un processus de décomposition des démocraties.  L'antisémitisme est un problème pour les juifs, mais c'est aussi un problème pour la République."
Le Figaro

jeudi 21 décembre 2017

Père François Jourdan: On fait accréditer que l'islam est ‘abrahamique'

Père François Jourdan, islamologue et théologien eudiste. Il est l'auteur de Islam et Christianisme, comprendre les différences de fond.
"Le Figaro: Une fois que le concile Vatican II a «ouvert les portes de l'altérité et du dialogue», écrivez-vous «on s'est installé dans le dialogue superficiel, le dialogue de salon, faussement consensuel.» Comment se manifeste ce consensualisme sur l'islam?

François Jourdan: Par l'ignorance, ou par les connaissances vues de loin et à bon compte: c'est la facilité. Alors on fait accréditer que l'islam est ‘abrahamique', que ‘nous avons la même foi', que nous sommes les religions ‘du Livre', et que nous avons le ‘même' Dieu, que l'on peut prier avec les ‘mêmes' mots, que le chrétien lui aussi doit reconnaître que Muhammad est «prophète» et au sens fort ‘comme les prophètes bibliques' et que le Coran est ‘révélé' pour lui au sens fort «comme la Bible» alors qu'il fait pourtant tomber 4/5e de la doctrine chrétienne… Et nous nous découvrons, par ce forcing déshonnête, que «nous avons beaucoup de points communs»! C'est indéfendable."
Figaro Vox

Lire également:
Sylvain Gouguenheim: Ni le christianisme ni le judaïsme ne sont des "religions du Livre"

mercredi 20 décembre 2017

Jean d'Ormesson: quand Mitterrand se plaignait du "lobby juif", puissant et nocif

"Mitterrand, ami de Bousquet et dénonciateur du lobby juif, est la contrepartie de l'Europe réussie" (Jean-Claude Milner)

Renaud Dély dans Libération (1999): "Jean d'Ormesson révèle des propos tenus en 1995 - Quand Mitterrand parlait du «lobby juif» (extrait):

"Dans le Rapport Gabriel, vrais-faux mémoires à paraître début septembre chez Gallimard, l'écrivain raconte son ultime entrevue avec le défunt. La scène se passe à l'Elysée, le 17 mai 1995, quelques minutes avant que le Président ne transmette ses pouvoirs à son successeur, Jacques Chirac. Entre thé, confitures et discussion à bâtons rompus sur «la maladie des hommes d'Etat», Jean d'Ormesson aborde l'affaire Bousquet. L'automne précédent, le journaliste Pierre Péan a révélé que François Mitterrand a conservé jusqu'au soir de sa vie des relations d'amitié avec René Bousquet, ancien secrétaire général de la police de Vichy. «Beaucoup reprochent au Président les liens qui l'unissent à ce personnage qui a joué un rôle important dans la collaboration avec l'Allemagne hitlérienne, écrit Jean d'Ormesson. François Mitterrand m'écoute sans irritation apparente. Et il me regarde. "Vous constatez là, me dit-il, l'influence puissante et nocive du lobby juif en France. Il y a un grand silence.»"
Libération rapporte également les propos du fils du président, Jean-Christophe Mitterrand: «Les lobbies juifs existent»

mardi 19 décembre 2017

Shlomo Venezia: "Peut-être pouvait-on l’épargner et ne pas l’envoyer dans la chambre à gaz"


Shlomo Venezia (1923-2012), écrivain. Il est déporté depuis Athènes vers Auschwitz-Birkenau fin mars 1943. Il est incorporé aux Sonderkommandos. 

Témoignage sur les Sonderkommandos («équipes spéciales» qui étaient chargées par les SS de vider les chambres à gaz et de brûler les corps des victimes, avant d’être éliminées à leur tour au bout de quelques mois):
"(...) Cet homme était un cousin de mon père, il avait 20 ans. Il était plus âgé que moi. Il m’a dit: «Tu ne me reconnais pas? Je suis Léon, Léon Venezia.»

Je suis resté d’abord interdit, puis j’ai commencé à lui parler, à le calmer, le tranquilliser. Il était désespéré parce qu’il savait qu’il allait mourir. Il m’a demandé d’aller parler avec l’Allemand qui peut-être pourrait le sauver. Mais je lui ai répondu que nous n’étions que des Stücke, des «morceaux» qui ne valent rien, qui ne comptent qu’au moment de l’appel. [...]

Je suis allé cependant voir l’un d’eux que je savais être, si je puis dire, presque quelqu’un de normal. On pouvait presque lui parler. Je lui ai dit que j’avais un cousin de mon père qui était ici. Peut-être pouvait-on l’épargner et ne pas l’envoyer dans la chambre à gaz. Je savais que ce n’était pas possible. Et, en effet, il a répondu par un geste pour dire qu’il n’en avait rien à faire. Je suis revenu vers Léon. Je lui ai dit que je lui avais parlé, mais qu’on ne pouvait rien faire. Je lui ai dit de rester tranquille et que nous allions tous mourir. Mais, bien sûr, c’était lui qui allait mourir. Je lui ai demandé s’il avait faim, j’étais sûr qu’il avait faim. Je suis alors monté là où nous dormions car dans mon lit j’avais caché du pain et des conserves. Je les lui ai apportés. Il n’a pas mâché, il a avalé. Il est resté presque le dernier, et a eu le temps de me demander si on souffrait en mourant. Je lui ai répondu que l’on ne souffrait pas, que c’était très rapide, qu’il devait rester calme.

Que dire à quelqu’un de votre famille? Que faire?

Je l’ai pris par le bras et l’ai accompagné presque jusqu’à la porte de la chambre à gaz. Il y est entré et la porte s’est refermée. Dix à douze minutes après, il n’était plus là. Cela a été pour moi insoutenable, j’étais désespéré. Mes amis m’ont aidé, ils m’ont tenu à l’écart à l’extérieur et ils ont sorti son corps parmi les premiers, de sorte que je ne le vois pas. Puis nous avons récité ensemble un kaddish pour lui."
Revue Cités, PUF, 2008/4 N° 46, p.p. 123-124.

Lire également: 
Norbert Elias: Le chemin qui mène aux chambres à gaz dans une solitude totale

dimanche 17 décembre 2017

Arthur Koestler: "La qualité de Juif c'est la condition humaine portée à l'extrême"

Arthur Koestler (1905-1983), écrivain et journaliste hongrois:

"Sur un globe terrestre d'écolier, l'État d'Israël n'occupe pas plus de place qu'un grain de poussière.  Il n'y a cependant pas de problème politique, social et culturel dont on n'y puisse trouver le prototype et, en outre, à un rare degré d'intensité et de concentration.  La petitesse même de ce pays de sept cent cinquante mille âmes facilite l'analyse de tendances qui ailleurs apparaissent diluées et diffuses.  Le fait qu'il a été si souvent dans le passé et qu'il est encore dans le présent au point focal des passions et des conflits mondiaux illumine ce grain de poussière d'un éclat phosphorescent. 

Finalement, c'est un État de Juifs et de Juifs du type le plus exacerbé, ce qui a pour conséquence que les phénomènes microscopiques de ce microscopique pays deviennent le reflet de lois valables universellement: car la qualité de Juif n'est pas une question de race - c'est la condition humaine portée à l'extrême.

La résurrection au bout de deux mille ans d'Israël en tant que nation est un phénomène aberrant de l'histoire.  Mais, dans toutes les sciences, l'observation de phénomènes aberrants révèle des données importantes pour l'établissement des lois universelles. [...]

Ainsi cette race d'éternelles victimes, au corps couverts de cicatrices, aux nerfs à vif, fait éclater au grand jour, avec l'atroce précision d'une planche anatomique, une condition de l'homme qui nous est en général miséricordieusement cachée."

Analyse d'un miracle, Paris, Circé, 1998, p. 52.  Cité par Michel Laval dans L'homme sans concessions, Arthur Koestler et son siècle, Calmann-Lévy, 2005, p.p. 510-511 (Prix de la biographie du Point, Prix du Palais littéraire et musical, Prix du Fonds social juif unifié)

samedi 16 décembre 2017

Pierre Goubert: Les "morts dans la boue ou dans les chambres à gaz. Etait-ce pour quelque chose?"


Pierre Goubert (1915-2012), historien:
"Vint l'étrange défaite, la longue occupation, l'enfer sur terre, les douleurs silencieuses, les petites lâchetés, les gros bénéfices et les rares héroïsmes, un peu trop chantés. La France exsangue, désolée et pourtant si heureuse d'être libérée en 1944 (essentiellement par les Américains, il arrive qu'on paraisse l'oublier) va connaître, après le franc-deux sous, le franc-presque rien (...)

Au-delà du fait que la France ne représente plus que 1% du monde, comme l'a finement dit un augure de passage, il semble malheureusement sûr qu'elle paraît avoir perdu, au-delà des rodomontades officielles ou politiques, ce qui fut sa force et son âme.  Il lui restait quelque chose comme un peu de sagesse et d'esprit; les machineries et les bavardages vont-ils l'étouffer?

L'on se prend à songer à ceux qui sont morts dans la boue ou dans les chambres à gaz. Etait-ce pour quelque chose?"
Initiation à l'histoire de France, Fayard, 1984. Grand Prix Gobert 1985, p.p. 371-372.

jeudi 14 décembre 2017

Claude Lanzmann: "Pour moi le meurtre, qu'il soit d'ailleurs individuel ou de masse, est un acte incompréhensible"


Claude Lanzmann, journaliste, écrivain et cinéaste:
"On peut tenter de rendre compte du génocide par le chômage en Allemagne, la République de Weimar, la propagande antisémite, les caricatures du Stürmer, ou d'autres explications, psychanalytiques par exemple: l'image du père chez Hitler, etc.  Comme s'il y avait un engendrement possible de cela! Pour moi le meurtre, qu'il soit d'ailleurs individuel ou de masse, est un acte incompréhensible.  Ces historiens, je me disais parfois qu'ils étaient en train de devenir fous, à vouloir comprendre.  Il y des moments où comprendre, c'est la folie même. Tous ces présupposés, toutes ces conditions qu'ils énumèrent sont vrais; mais il y a un abîme; passer à l'acte, tuer.  Toute idée d'engendrement de la mort est un rêve absurde de non-violent."
Les non-lieux de la mémoire, Revue française de psychanalyse, 1986, n° 33: "L'amour de la haine". Cité par Liliane Kandel dans Féminismes et Nazisme, Odile Jacob, 2004, p. 19.

mercredi 13 décembre 2017

Pierre-André Taguieff: l'irresponsabilité de "certains adeptes du culte célinien"


Pierre-André Taguieff, historien des idées, philosophe et politologue:
"Ce qui me paraît particulièrement irresponsable, chez certains adeptes du culte célinien, c’est de présenter benoîtement l’auteur des pamphlets comme un «écrivain génial» qui, emporté par ses passions (ce qui est bien humain, comme on sait), se serait laissé tenter, dans certaines circonstances, par la polémique, sur un mode ludique. Il se serait simplement fait plaisir en donnant dans l’outrance. Rien de plus, donc rien de bien grave. La vérité est tout autre. Le docteur Destouches, antisémite frénétique et admirateur d’Hitler, a joué pleinement le rôle d’un agitateur antijuif, d’un propagandiste prohitlérien et d’un agent d’influence du nazisme à partir de la publication de Bagatelles pour un massacre, fin décembre 1937. Son second pamphlet, L’École des cadavres, paru un an plus tard, n’est qu’un long tract, fait de bric et de broc, en faveur du régime nazi et de son idéologie raciste et antisémite. Le futur collaborationniste, dès 1937-1938, avait ainsi prêté allégeance à la dictature hitlérienne et puissamment contribué à sa propagande. Dans les deux pamphlets se bousculent les usages de faux (tels les Protocoles des Sages de Sion) et les citations d’auteurs fabriquées ou déformées pour les besoins de la cause antijuive. Une édition critique doit comporter les mises au point requises sur ces pratiques de faussaire et de propagandiste sans scrupules. Ce qui nécessite des recherches patientes et une parfaite connaissance des sources. Et, bien sûr, le savoir historique permettant les contextualisations sans lesquelles une lecture critique des textes céliniens est impossible."
Source: CRIF


mardi 12 décembre 2017

Brice Couturier: "Pourquoi cet acharnement sur un pays minuscule et démocratique luttant pour sa survie dans un océan de despotisme?"


Brice Couturier, journaliste, producteur de radio et essayiste:
"Quand j'entends certains journalistes français vomir leur haine d'Israël, mentir délibérément sur la question de l'aide financière (un milliard d'euros par an) apportée aux différentes autorités palestiniennes et la mettre sur le même plan que le commerce de l'UE avec Israël, je me demande toujours: quelle est la part de l'antisémitisme? Quelle est celle de l'islamogauchisme? Pourquoi cet acharnement sur un pays minuscule et démocratique luttant pour sa survie dans un océan de despotisme?"

Source

Lire également:
Les 21 pays arabes possèdent 800 fois plus de terres qu'Israël

lundi 11 décembre 2017

Henri Temple: Les Palestiniens chrétiens sont de plus en plus minoritaires, menacés ou chassés, alors que les Israéliens arabes (musulmans ou chrétiens), eux, prospèrent


Henri Temple, avocat, juriste et homme politique :
Comme bien souvent quand Donald Trump prend une décision, elle est surinterprétée de façon épidermique et superficielle par les « commentateurs ». Pourtant, il y a déjà plus d’un demi-siècle que les États-Unis avaient reconnu que Jérusalem était bien la capitale d’Israël. Mais les «commentateurs» oublient de l’indiquer. Comme ils omettent de signaler que Donald Trump a rappelé, hier, qu’il était favorable à la solution de deux États: palestinien (Jérusalem-Est) et israélien. D’autres questions sont laissées dans l’ombre.

Emmanuel Macron a cru bon de reprendre le président américain en indiquant l’avoir mis en garde, redoutant que cette déclaration ne mette le feu aux poudres: une « provocation ». Et, donc, il suffirait qu’une des parties menace «d’ouvrir les portes de l’enfer» pour que l’on doive se soumettre?

Il y a des questions bien plus graves: les Palestiniens chrétiens sont de plus en plus minoritaires, menacés ou chassés alors qu’ils étaient majoritaires il y a cinquante ans à Nazareth, alors que les Israéliens arabes (musulmans ou chrétiens), eux, prospèrent même si leur statut n’est pas si facile.

Enfin, il y a la question des lieux saints. L’esplanade des Mosquées est administrée par la Jordanie. Pour les lieux saint chrétiens, la France en est historiquement protectrice (et, d’ailleurs, souvent constructrice du temps des rois français de Jérusalem) depuis l’accord passé entre François Ier et Soliman le Magnifique, par lequel fut reconnu à la France la prérogative de protéger les pèlerins en Terre sainte et les lieux saints. La France est la seule puissance étrangère à posséder des biens dans Jérusalem. Mais elle a oublié que cela engage sa responsabilité et sa dignité.

De l’Empire ottoman aux autorités israélienne et palestinienne, ce rôle lui a été reconnu continûment sur une quarantaine de congrégations et près de 130 établissements, qui sont ainsi définis comme étant «sous protection française». Toutefois, la question de l’internationalisation des lieux saints chrétiens majeurs (Golgotha, Saint-Sépulcre, Jardin des Oliviers, Via Dolorosa, Nazareth, Bethléem, l’abbaye de Latroun) est oubliée. Manque de fermeté.

L’accord dit Chauvel-Fischer, signé avec Israël en 1948-1949, et l’accord Laboulaye-Middein, signé avec l’Autorité palestinienne en 1997, permettent à la France de continuer à protéger une quarantaine de communautés chrétiennes françaises et leurs établissements (écoles, dispensaires, orphelinats, etc.) en Israël et en Palestine. Cette présence trop molle n’a pas empêché ces communautés de régresser. À Jérusalem-Est et dans les Territoires palestiniens, les chrétiens dans leur ensemble ne représentent plus qu’environ 1 % de la population, et la coexistence est plus difficile qu’auparavant.
Lire la suite @ Boulevard Voltaire

La déclaration du Président Ronald Trump de confirmer que Jérusalem est la capitale de l’État d’Israël et qu'il avait l'intention d'y transférer l’ambassade des Etats-Unis a donné lieu à de nombreux articles et commentaires. La plupart sont médiocres et recyclent les poncifs habituels.  Certains sont remarquables: celui de Henri Temple, "Le président Trump confirme Jérusalem capitale de l’État d’Israël et y transfère l’ambassade. Et la France ?" reproduit partiellement ci-dessus. Trois autres vous sont également signalés (Stephen Daisley, Harry de Quetteville, Archbishop Cranmer):

Stephen Daisley, Donald Trump is right: Jerusalem is the capital of Israel (Spectator)
Those who insisted for years that the peace process was dead now say that Trump has killed it. Those who asserted that US foreign policy was controlled by the Israel lobby now lament the surrender of America’s neutrality. Those who championed recognition of Palestine without negotiations are suddenly sceptical about unilateralism.  (...)
There is a polite, cuddly racism to the way their international admirers treat the Palestinians. They deserve a homeland but they cannot have someone else’s, and Jerusalem is someone else’s capital. Yes, it is a sacred place for the three Abrahamic faiths — something Israel protects fiercely — but it belongs to only one of them. Jerusalem has been sacked, burned, occupied and but has never been the capital of any other sovereign nation other than Israel. It’s not just the the capital of Israel but the spiritual heart of Judaism.  
Jerusalem is the capital of Israel. That cannot be wished away, shouted down or flooded in myth and revisionist history. Donald Trump, a man with a strained relationship to reality, is being damned for finally telling the truth.

Harry de Quetteville, Donald Trump has exposed a sad truth: that the Arab world no longer cares about Palestine (The Telegraph)
"When, a short decade ago, I was a correspondent in Jerusalem for this newspaper, there were some universally accepted certainties about the Israel-Palestine conflict. The first, and most important, was that ending it was the gateway to wider Middle East peace. If only a solution could be found, if only the lions would lie down with the lambs, a warring region would settle into democracy. The only problem was that both sides thought they were the lambs. (...)
A third certainty was also universal, but largely unspoken. This was that although the Arab world pretended to care deeply about the fate of the Palestinians, they didn’t give a fig. It was a useful stick with which to beat Israel and the West, but not much more. There was no equivalent expenditure of diplomatic might, economic heft, patience and nous. (...)

dimanche 10 décembre 2017

G. Bensoussan: "Ressasser que l’antisémitisme au Maghreb y a été importé par le colonisateur français relève du réconfort moral"


Georges Bensoussan, historien:

"Cette perception du juif comme l’ennemi, à quand remonte-t-elle ?
(...) Ressasser que l’antisémitisme au Maghreb y a été importé par le colonisateur français (ou plus récemment, comme en Algérie, par les enseignants wahhabites saoudiens) relève du réconfort moral. Pas de l’histoire.

Qu’on étudie les montagnes d’archives relatives au Maghreb des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, avant l’arrivée du colonisateur, pour y constater que le mépris et l’humiliation des juifs étaient dans ces sociétés une donnée de base. Les juifs y étaient des “chiens”, ce mot couramment utilisé encore dans le monde arabe pour les désigner, voire, pour reprendre les termes du Coran, des «singes» (sourate 2, verset 65 et sourate 7, verset 166). En 2010, Paul Fenton et David Littman publiaient aux Presses de l’université Paris-Sorbonne un fort volume de documents traduits de l’arabe et de l’hébreu, sur la condition des juifs au Maghreb du XIIe au début du XXe siècle (l’Exil au Maghreb). L’accueil réservé à ce livre scientifique fut glacial tant il est vrai que toute connaissance est risque de reconnaissance. (...)

Quand l’Occident du XVIIe siècle et des Lumières érige le sujet en valeur cardinale et promeut la raison critique contre la soumission, dans le monde arabo-musulman contemporain la communauté demeure une dimension essentielle de l’existence. Ce qui explique, comme une étude récente l’a montré, que si le fanatisme qui passe à l’acte demeure en effet le fait d’une poignée, au nom de la communauté et des liens qu’elle tisse, la majorité ne se résout pas à condamner, publiquement, cette fraction. Ici, la réalité première n’est ni l’individu ni l’État, mais la communauté des croyants, l’oumma."
Source: Valeurs Actuelles

samedi 9 décembre 2017

Marcel Gauchet: "Aujourd’hui, il y a un Etat juif, en conséquence de quoi certains reprochent son existence"


Marcel Gauchet, philosophe et historien:
"Par rapport à l’antisémitisme, ce que les nazis reprochaient aux Juifs, c’était d’être un peuple apatride, vivant en parasites aux dépens des autres patries. Aujourd’hui, il y a un Etat juif, en conséquence de quoi certains reprochent son existence… Il y a donc à la fois disparition de l’antisémitisme traditionnel dont l’antisémitisme racial de l’hitlérisme a été une sorte de pointe extrême, et à la fois réapparition sous un jour complètement différent d’un antisémitisme qui n’a plus rien de racial, qui n’est plus «spirituel», mais qui a trouvé une nouvelle cible. Il vient se greffer à l’existence d’Israël et aux problèmes afférant à un Etat menacé, pour en quelque sorte redonner vigueur au mythe du «complot juif», du projet de domination du monde – mais il ne se dit plus comme tel, parce qu’il n’est tout simplement plus plausible: il est très difficile de penser que le tout petit Etat d’Israël a un projet de domination mondial."  
Source: Le Soir
                          

vendredi 8 décembre 2017

J.-C. Milner: Quel avenir pour les Juifs dans l'Europe du XXIe siècle  

Source: AKADEM

Prospective

Quel avenir pour les Juifs dans l'Europe du XXIe siècle  (119 min)

J.-C. Milner - philosophe - P.  Saragoussi - Vice-Président de la Fondation du Judaïsme Français - R. Zagury-Orly - philosophe - J. Cohen - philosophe 

PLAN DE LA CONFÉRENCE

- Présentation du séminaire René Cassin
avec Pierre Saragoussi, Raphaël Zagury-Orly (10 min)

- La fin de l'Europe d'Après-Guerre
Le déni de la dette des camps de concentration (13 min)

- L'Europe divisée sur l'existence d'Israël
La présence juive, nouveau symbole de division (10 min)

- La constitution d'un Islam européen
Une émergence à prendre au sérieux (15 min)

- Vers de nouvelles persécutions

Vidéo     

mercredi 6 décembre 2017

Johnny Hallyday: “Je voulais voir le Mur des Lamentations, c’est mythique”




Johnny Hallyday, chanteur, compositeur et acteur, décédé aujourd'hui.

En concert à Milan en 1973

Déclarations faites par Johnny à l'occasion de son voyage en Israël en 2012, accompagné de son épouse Laetitia:
"J'ai beaucoup d'amis ici [en Israël]. J'ai failli venir au moment de la Guerre des Six jours, mais c'était fini avant que j'arrive",

"Je voulais voir le Mur des Lamentations, c’est mythique!"

"C'est une occasion formidable de venir ici. Je regrette de venir si tard mais mieux vaut tard que jamais."
A propos des pressions exercées par le lobby anti-israélien BDS (boycott/ désinvestissement/ sanctions) pour qu'il ne visite pas Israël et auxquelles il n'a pas cédé:
"Je suis au-dessus de ça, je m’en fiche ! Mon métier, c’est de chanter.  Je me produis dans les pays qui veulent bien m’accueillir et pour un public qui a envie de me voir. Le reste, ça m’est égal! Personne ne me dira jamais de faire ce que je n’ai pas envie de faire."
Source

mardi 5 décembre 2017

Saul Friedländer: Le Juif dans "Le Château" de Kafka


Saul Friedländer, historien:

"En 1944, Hannah Arendt évoquait, à travers la "tradition paria", la totale étrangeté, la solitude du Juif; elle citait cette phrase du Château de Kafka: le héros, symbole du Juif, s'entend dire: "Vous n'êtes pas du château, vous n'êtes pas du village, vous n'êtes rien du tout".  Si nous considérons maintenant, dans la configuration globale de l'histoire, le rapport du Juif à cette société occidentale dans laquelle il a essayé de s'intégrer et dont il a été éjecté - cette société qui l'a laissé seul à l'heure du plus grand besoin -, alors le symbolisme du Château revêt une profonde signification que Hannah Arendt n'a pas mentionnée: le héros du roman, le Juif, est un étranger qui croit avoir été autorisé à pénétrer dans le système social représenté par le château du village.  Certes, il y a été formellement invité (cela même est-il certain?), mais quand il essaie de s'adapter au système, il s'aperçoit que personne n'est disposé à l'accepter."
Le nazisme en questions 1933-1939, Fayard, Pluriel, 2011, p. 119.

dimanche 3 décembre 2017

Taguieff: Judéophobie: "le peuple juif est un intrus dans le genre humain"


Pierre-André Taguieff, historien des idées, philosophe et politologue:

"Dans la première figure de l'ennemi (l'ennemi de tous les peuples), on retrouve une nouvelle version  du plus ancien stéréotype antijuif: l'accusation de "la haine du genre humain".  Dans la deuxième figure (l'ennemi de la libération des peuples), on reconnaît le renversement d'un thème d'accusation qui était central dans le vieil antisémitisme politique: le Juif révolutionnaire se transforme en son contraire, en Juif contrerévolutionnaire, stigmatisé comme "fasciste", "raciste" ou "impérialiste", dénoncé en tant que maître actif du club des "nouveaux maîtres du monde".  Avec la troisième figure de l'ennemi (le Juif ennemi de l'islam) surgit le spectre d'une guerre de civilisations: dans la perspective de l'islamisme radical, l'Occident "américano-sioniste" est accusé de mener une guerre d'extermination contre l'Oumma.  Le terrorisme jihadiste se présente dès lors comme une réponse légitime à cette aggression supposée.

Toutes ces accusations convergent vers une conclusion qu'on peut ainsi formuler: le peuple juif est un intrus dans le genre humain.  Dans le vieil antisémitisme, les Juifs faisaient figure d'intrus dans les nations européennes, de peuple de trop venu d'Orient, sans territoire, au sein de l'Occident chrétien.  Amalgamés avec les Occidentaux, ils sont désormais traités comme des intrus au Moyen-Orient et, plus largement, dans la société mondiale.  Doublement diabolisés en tant que "sionistes" et Occidentaux, ils sont rejetés comme le peuple en trop par excellence - ce que traduit la rumeur qu'Israël serait un État en trop.  Un État-monstre, le seul à être supposé tel.  Telle est la nouvelle matière symbolique exploitée depuis près d'un demi-siècle par les ennemis, déclarés ou non des Juifs."

La Judéophobie des Modernes, Des Lumières au Jihad mondial, Odile Jacob, 2006, p. 498.


vendredi 1 décembre 2017

"Quel dommage qu'on ne vous ait pas transformé en savon"

Keith Lowe, historien britannique:

"(...) des années de propagande nazie ne pouvaient être effacées en l'espace de quelques mois, et l'antisémitisme déclaré continuait d'exister partout; il s'exprimait parfois de manière tout à fait choquante.  Des juifs qui retournèrent dans la ville grecque de Salonique en 1945 furent parfois accueillis avec des réflexions plus que déplacées: "Ah, vous avez survécu?" ou "Quel dommage qu'on ne vous ait pas transformé en savon".  À Eindhoven [Pays-Bas], des rapatriés juifs furent reçus en ces termes par un fonctionnaire qui consignait leur identité: "Encore un juif? Ils ont dû oublier de vous gazer".  Dans les villes allemandes de Garmisch et de Memmingen, les bandes d'actualités cinématographiques qui mentionnaient la mort de 6 millions de juifs provoquèrent des hurlements: "Il n'en ont pas tué assez!", suivis d'applaudissements assourdissants."

L'Europe barbare, 1945-1950, Éditions Perrin, Tempus, 2013, p.p. 313-314.

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