vendredi 25 septembre 2009

La Suède, qui préside l’UE, n’a pas quitté la salle pendant le discours d’Ahmadinejad à l’ONU

Cette incohérence (habituelle), dans ce cas de la présidence suédoise, explique la déception des citoyens européens envers l'Union europénne. Cette profonde désaffection se traduit par le taux très faible de participation aux élections européennes de 2009 (France: 40.63%, Allemagne 43.3, Pays-Bas 36.75%).

Dimanche: l’Union européenne avait publié une déclaration de la présidence suédoise condamnant les propos d’Ahmadinejad sur l’Holocauste et Israël, soulignant qu’ils "encouragent l'antisémitisme et la haine". Jeudi: La Suède, qui préside l’UE, n’a pas quitté la salle pendant le discours d’Ahmadinejad à l’ONU.

Source: AFP et EJP

Les délégations de l'UE s'étaient entendues pour quitter la réunion si le président iranien Mahmoud Ahmadinejad "niait l'Holocauste ou appelait à la destruction d'Israël", a indiqué une porte-parole du ministère suédois des Affaires étrangères. La délégation suédoise ainsi que d'autres délégations européennes sont restées dans la salle, parce que "les critères fixés pour un départ de l'Union européenne de la réunion n'ont pas été remplis", a indiqué à l'AFP Cecilia Julin. Interrogée sur ces critères, elle a expliqué qu'il s'agissait de "nier l'Holocauste et d'(appeler à) la destruction d'Israël. C'était l'accord entre les pays européens", a-t-elle dit.

La Norvège, non membre de l'UE, a elle aussi estimé jeudi que le président iranien n'avait pas franchi la "ligne rouge". "A l'instar de la présidence suédoise de l'Union européenne et d'un certain nombre d'autres pays européens, nous sommes restés dans la salle parce qu'aucune des lignes rouges tracées au préalable par l'UE n'a été franchie", a déclaré à l'AFP Bjoern Jansen, porte-parole du ministère norvégien des Affaires étrangères.

Une douzaine de délégations, dont la française et l'américaine, ont quitté mercredi soir à New York la salle de l'Assemblée générale de l'ONU afin de protester contre le discours du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, jugé "antisémite".

Interrogée sur les différences de comportement entre pays européens dans la salle, la porte-parole suédoise a répondu que la présidence de l'UE "ne commente pas sur qui est resté et qui est parti. Je pense qu'il y avait d'autres raisons pour les autres pays qui ont décidé de partir", a-t-elle dit. De sources diplomatiques à Stockholm, la position européenne sur le discours du président iranien a été établie lors de discussions à New York.
Lors de son allocution, le président iranien s'est livré à un long réquisitoire contre l'état actuel du monde, reprenant à mots voilés la rhétorique classique du complot juif.

"Il n'est plus acceptable qu'une petite minorité domine la politique, l'économie et la culture dans une large partie du monde grâce à ses réseaux sophistiqués, instaure une nouvelle forme d'esclavage et nuise à la réputation d'autres nations (...), afin d'atteindre ses objectifs racistes", a-t-il dit.

Dimanche dernier, l’Union européenne avait publié une déclaration de la présidence suédoise condamnant les propos d’Ahmadinejad sur l’Holocauste et Israël, soulignant qu’ils "encouragent l'antisémitisme et la haine".

3 commentaires :

Gilles-Michel DEHARBE a dit…

La place qu’occupe la question iranienne dans le champ diplomatique des nations européennes est unique. En développant sa propre approche des relations avec Téhéran, l’Union européenne a adopté une politique d’engagement à l’égard de l’Iran qui a délibérément pris le contre-pied de l’approche américaine d’isolement. Ce faisant, l’Europe n’a pas seulement dépassé sa méfiance et ses craintes relatives à un régime source de tensions diplomatiques intenses, et dont les actions ont directement affecté certains Etats membres, elle a aussi cherché à imposer sa propre conception de l’action diplomatique. L’Iran a constitué pour les Européens un "laboratoire" pour leur politique étrangère.

Le régime islamique a toujours eu conscience de l’importance des Européens. " Ni Est, ni Ouest, mais la République islamique ", dit un des plus célèbres slogans révolutionnaires. L’Iran a refusé la bipolarité du monde au nom du troisième pôle de l’islam.

Voir : Les enjeux diplomatiques face à la menace iranienne / Dore Gold.

http://www.jcpa-lecape.org/ViewArticle.aspx?ArticleId=129

Gilles-Michel DEHARBE a dit…

Quel héritage pour l’Europe ?

L’Europe de Steiner est une Europe historique, avant d’être un territoire défini par sa géographie au demeurant instable et mouvante. Et pourtant. C’est surtout l’Europe de l’Esprit et de l’humanisme, tous deux mis à mal par les tragédies du siècle passé qui se sont produites sur le sol européen (d’Auschwitz au Goulag, et dernièrement dans les Balkans), Europe où pèse une sérieuse hypothèque : celle d’une barbarie toujours susceptible de revenir ; à charge pour chacun d’assumer la responsabilité -élitiste - " de ce qu’il y a de mieux dans l’esprit humain " pour faire triompher les valeurs de la Culture.

L’Europe est encore convulsive; elle a du mal à se construire, gestionnaire d’une dualité de ses références fondatrices grecque et hébraïque, de la tension chiasmatique entre logos et thora, philosophie et loi - et enfin d’une aspiration eschatologique, une idée de sa propre fin qui serait à nulle autre semblable.

Inquiétante possibilité d’une fin de l’aventure européenne et de sa grandeur passée, possibilité actuellement occultée par l’adhésion sans recul à des valeurs principalement anglo-saxonnes entretenant la fuite dans un consumérisme effréné, alors que sur le plan économique nombre d’indices montrent justement qu’à ce niveau la fin pourrait se profiler dans le siècle présent : la Chine, l’Inde et certains pays dits émergents étant dès à présent en passe de rivaliser avec- sinon de doubler à leur propre jeu - les occidentaux, et de retourner les armes du libéralisme économique contre l’Occident qui croyait pouvoir dominer le marché.

Mais le pire n’est pas là, selon Steiner, dans la simple décrépitude économique ou sociale, il réside dans le refus d’assumer la responsabilité que nous donne notre propre héritage dans ce qu’il a de plus humanisant, quand l’humain est en péril. Refus que d’autres nommeraient le refus
de "l’élection".

Elitisme de Steiner qui est celui d’une éthique de la responsabilité. Pour Steiner l’avenir de l’Europe doit s’envisager d’abord en dehors de la menace - qualifiée de radicale - de la " progression exponentielle et détergente de l’anglo-américain et l’uniformité des valeurs et de l’image du monde que cet espéranto dévorant apporte avec lui. ".

Steiner rappelle d’ailleurs les propos de Max Weber qui à la fin de la première guerre mondiale, prophétisait " l’américanisation, la réduction à une bureaucratie gestionnaire de la vie de l’esprit en Europe ".

La dignité de l’Homme, c’est la découverte de la sagesse, la quête d’un savoir désintéressé, la création de beauté. Gagner de l’argent et inonder nos vies de biens matériels de plus en plus dénués d’intérêt est une passion profondément vulgaire, dévastatrice... Ce n’est plus la censure politique qui tue, c’est le despotisme du marché de masse et les retombées du vedettariat commercialisé ".

Gilles-Michel DEHARBE a dit…

L’influence de Jérusalem, de la tradition hébraïque, distillée en profondeur en Europe a joué et jouent encore un rôle unificateur des cultures européennes. L’éthique et l’exigence spirituelle juives ont partout pris une part conséquente à la création artistique. Stefan Zweig rappelle le rayonnement européen des artistes juifs dans la Vienne du Monde d’Hier : musiciens, écrivains, acteurs, interprètes… Cette pénétration tant humaine que culturelle des fils d’Israël en Europe, dans le temps et dans l’espace, éclaire la Shoah d’un jour particulier : " L’Europe s’est suicidée en tuant ses Juifs " affirmait George Steiner en 1969, alors que le traité de Rome avait à peine dix ans !!!

Il ne se trouve guère de nœud vital dans la texture de l’existence occidentale, dans la conscience du monde et de soi-même des hommes et des femmes occidentaux (et, par conséquent, des Américains) qui n’ait été touché par l’héritage hébraïque. C’est vrai du positiviste, du théiste ou de l’agnostique autant que du croyant.

Le défi monothéiste, la définition de notre humanité comme dialoguant avec le transcendant, le concept d’un Livre suprême, la notion de loi inextricable des commandements moraux, jusqu’au sens que nous avons de l’histoire comme d’un temps tenant vers un but, ont leur origine dans la singularité et la dispersion énigmatiques d’Israël. C’est un cliché que de citer Marx, Freud et Einstein, comme les pères de la modernité, les artisans de notre condition actuelle. Mais le cliché recouvre une situation d’une complexité considérable : celle du judaïsme séculier et de la traduction en termes et en valeurs profanes d’antécédents profondément judaïques. La passion de Marx pour la justice sociale et son historicisme sont en concordance directe avec la fureur d’Amos ou de Jérémie. L’étrange hypothèse posée par Freud d’un crime originel -le meurtre du père - reflète, très clairement, le scénario de la chute d’Adam. Il y a de nombreux points merveilleusement proches de la promesse des Psaumes et de Maïmonide dans la confiance d’Einstein en un ordre cosmique, dans son refus tenace du chaos.

Le judaïsme et ses deux principaux post-scriptum, le christianisme et le socialisme utopique, sont des descendants du Sinaï, même là où les Juifs n’étaient qu’une poignée méprisée et traquée.