"(...) Mais ces phases du conflit sont aussi une épreuve: elles mettent à l'épreuve la maturité des gens, des publics, des sociétés. La nôtre est assez mûre, mais elle a besoin de contempler - de consommer - des sacrifices humains, dûment organisés. Cela ne l'aide ni à penser ni à se questionner sur les causes. Elle donnera toujours (pour un temps) sa sympathie au plus apparemment victimisé; en attendant de se ressaisir, jusqu'à la prochaine fois. Or il est clair que les intégristes de Gaza, comme naguère ceux du Liban, jouissent d'être victimisés (ou plutôt de victimiser leurs proches), plutôt que de chercher de meilleures conditions de vie pour leur population.
Le Tiers, lui, est vraiment interpellé; en voici un exemple que certains m'ont transmis d'une vidéo prise dans "You tube". C'est un groupe de "jeunes de banlieue", chacun masqué d'un keffié, qui menace un directeur de salle au cas il la loue pour un meeting de soutien à Israël; car dans ce meeting on lève des fonds qui peuvent aller à l'armée, laquelle commet des "crimes", etc. Si ces jeunes sont masqués c'est qu'ils savent que c'est illégal, que c'est une méthode maffieuse de "faire la loi". Si cette "loi" d'un groupe prévaut sur la loi collective, alors le Tiers s'effondre, ici même, en plein espace républicain. Et comme ce conflit est appelé à durer - très - longtemps, on voit que le Tiers ici sera longtemps et très souvent interpellé sur ce qu'il en est de sa dignité.
Quant à nos médias, on comprend qu'ils nous servent ces images fortes et sanglantes; qu'ont-ils à se mettre sous la dent et à offrir ? Eux aussi sont confrontés à l'étonnante médiocrité de leur quotidien; les seuls moments d'émotion garantie sont les cadavres qu'ils nous envoient pour le dîner.
Le conflit durera tant que chacune des deux parties n'a pas décidé d'assumer sa propre faille plutôt que de l'imputer à l'autre. Ce sera long, et le Tiers fera en sorte que ce soit vivable.
Mais Israël ne peut pas être en paix active et définitive avec ses voisins car la "haine identitaire" est trop forte, et chacun sait très bien où elle se trouve. Il y aura au mieux un état de paix minimale c'est-à-dire de non-agression mutuelle. Et Israël sera un peu comme un ghetto en terre hostile. Mais justement, vu tout ce qui s'est passé dans les ghettos, y compris en Orient et au Maghreb, il ne peut pas se permettre cette fois-ci de recevoir à tout moment des pierres - en l'occurrence des fusées. Voilà pourquoi cette guerre était inévitable; il eût fallu une maturité surhumaine de part et d'autre pour économiser la violence avant de mieux marquer la trêve. (…)
P.S. On a dit que ceux qui soutenaient passionnément les Palestiniens au point de vomir Israël étaient surtout intéressés par leur rejet de l'Etat juif et s'en foutaient des gens de Gaza. C'est peut-être plus subtil: ils font coup double, ils font jouir en même temps leur compassion sur le dos des victimes les plus voyantes, et leur vieille vindicte antijuive, sur le dos de l'Etat hébreu."
Texte
repris du site de l'auteurPhotos: manifestation du Hamas
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