"L'attitude du futur Pie XII ne peut être dissociée de celle des responsables politiques de l'époque, qui, pareillement avertis des agissements des nazis, refusèrent de prendre au tragique ces informations. La cécité des dirigeants des démocraties occidentales et, dans une large mesure, des intellectuels face au national-socialisme demeure l'une des grandes énigmes de ce temps. Seul, sans doute, Winston Churchill se montra très tôt clairvoyant et refusa de croire, comme tant d'autres, à l'éventualité d'un adoucissement de la tyrannie établie par Hitler en Allemagne."
Source: extrait de l'article d'Éric Roussel paru dans le Figaro sur le livre de Hubert Wolf "Le Pape et le Diable - Pie XII, le Vatican et Hitler : les révélations des archives", traduit de l'allemand par Marie Gravey. CNRS Éditions, 340 p., 25 €.
"[...] La République de Weimar, où il exerça ses fonctions, constituait le cadre le plus déconcertant pour cet esprit réfractaire à la culture laïque. Ayant récusé la plus infime référence à une volonté divine, le régime l'inquiétait au plus haut point. Il évita pourtant de paraître entrer en conflit avec l'autorité politique légalement constituée. En contrepartie d'un accès des fidèles aux sacrements, il renonça à intervenir dans les affaires de l'État, et cette prise de position initiale explique sa conduite postérieure, objet de polémiques.
Quand les nazis prirent le pouvoir, en janvier 1933, Eugenio Pacelli, nommé entre-temps secrétaire d'État, ne changea pas fondamentalement d'attitude. Hostile jusque-là à une alliance entre le Zentrum, parti d'inspiration catholique, et les diverses formations de gauche, il déconseilla l'affrontement avec les nouveaux maîtres de l'État et, "le revolver sur la tempe" - son expression -, il accepta la signature d'un concordat, un pacte avec le diable qui garantissait la pastorale et la stabilité de l'Église dans le cadre de la dictature nationale-socialiste.
Stricte réserve
D'après les archives, Mgr Pacelli semble avoir fait preuve d'une stricte réserve : rien ne permet notamment d'affirmer qu'il ait incité les députés du Zentrum à voter en 1933 les pleins pouvoirs à Hitler, ou qu'il ait poussé les prélats allemands à lever leurs mises en garde contre le nazisme. "Ces démarches sont à mettre sur le compte de l'Église allemande", souligne Hubert Wolf.
Ces points importants ainsi éclairés reste le problème de l'opportunité d'une dénonciation solennelle par le Saint-Siège des persécutions antisémites dans le IIIe Reich. Une telle initiative aurait-t-elle pu éviter le pire ? Ou bien n'aurait-elle fait que déchaîner la fureur des hitlériens ? À cette question, Hubert Wolf apporte des réponses nuancées, toujours fondées sur des documents irrécusables. Des pièces mises à la disposition des historiens, il ressort que, si Eugenio Pacelli réprouvait l'antisémitisme hitlérien, et qu'il se montra toujours disposé à aider les personnes menacées, il resta en revanche opposé à une condamnation formelle par le Saint-Siège des théories hitlériennes. Sur ce point, les archives confirment une différence d'appréciation entre Pie XI, que la mort empêcha de rendre publique une dénonciation énergique du nazisme, et son successeur, manifestement plus prudent, soucieux du sort des catholiques à l'intérieur du Reich.
Quoi qu'il en soit, l'attitude du futur Pie XII ne peut être dissociée de celle des responsables politiques de l'époque, qui, pareillement avertis des agissements des nazis, refusèrent de prendre au tragique ces informations. La cécité des dirigeants des démocraties occidentales et, dans une large mesure, des intellectuels face au national-socialisme demeure l'une des grandes énigmes de ce temps. Seul, sans doute, Winston Churchill se montra très tôt clairvoyant et refusa de croire, comme tant d'autres, à l'éventualité d'un adoucissement de la tyrannie établie par Hitler en Allemagne."
- L'aryanisation de Jésus par les Chrétiens dans l'Allemagne nazie
Crédit photo: Wikipédia
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