mardi 30 novembre 2010

Très hostiles à Israël, les Allemands se plaignent de pas pouvoir critiquer Israël ...

On se demande dans quel monde (ou plutôt dans quelle Allemange) habite Peter Schneider.  Une grosse majorité d'Allemands expriment à longueur de sondage leur farouche antipathie (voire haine) pour Israël.  Mais on veut nous faire croire que l'Allemage est minée par la culpabilité d'avoir été responsable de l'extermination de six millions de Juifs européens dont 1.5 et demi d'enfants... et que ça suffit. Un sondage effectué par la BBC révèle que de tous les pays européens c'est précisement le peuple allemand supposé être si accablé qui exprime la plus grande antipathie pour Israël ...  Ce sondage est commenté par l'intellectuel britannique Robin Shepherd dans A State Beyond the Pale, p. 91.

"In Germany, 77 percent of respondents expressed a negative view [de l'influence d'Israël dans le monde], a figure which was actually higher than the 73 percent having a negative view in the United Arab Emirates and only 1 percentage point below the figure for Egypt.  [...] With the above poll showing the German people leading the pack in Europe in terms of hostility to Israel, one inevitably turns one's attention to the specific question of Germany's Nazi past.  [...] In a poll [par l'université de Bielefeld] of three thousand German citizens conducted in 2004, 51 percent of respondents who expressed an opinion said that Israeli treatment of the Palestinians was similar to Nazi treatment of the Jews. An astounding 68 percent said that Israel was conducting a 'war of extermination' against the Palestinians. Influential and respected people in Europe are validating a discourse which equates Israel with Nazism. We should not be surprised to see it trickling down to the masses. "

Extrait d'un article de Peter Schneider par paru dans Le Monde "Trop de "plus jamais ça !" .  C'est donc la vision très particulière - et qui est réfutée par les sondages - de M. Schneider ...

"Le chapitre le plus difficile des leçons de l'Histoire concerne la façon d'envisager les crimes allemands contre les juifs et la relation avec Israël. Il n'existe aucun autre domaine où l'exigence imposée aux Allemands de se confronter avec les leçons du passé a été plus pressante et plus contraignante. Vu le caractère singulier de la culpabilité allemande, ces leçons semblaient empreintes d'évidence. Pourtant, tout le monde sait qu'il a fallu de nombreuses exhortations et protestations de la part d'Israël et de la communauté internationale pour rappeler l'Allemagne à ses devoirs de débitrice, conséquence de la reconnaissance de sa culpabilité. Après des années passées à débattre du montant de la "réparation", de la restitution des biens juifs ou de leur compensation, on semble avoir atteint un certain niveau de consensus. De la même façon, l'application avec laquelle la République fédérale défend le droit à l'existence d'Israël a conduit à une nouvelle confiance entre l'Allemagne et Israël. Mais quelles sont les conséquences de ces leçons sur le présent et le futur ?

Faut-il en déduire que les Allemands sont dans l'obligation de défendre aussi la politique de colonisation de l'actuel gouvernement israélien - et de presque tous les précédents ? Est-ce qu'un ami d'Israël, convaincu que cette politique de colonisation met en danger l'existence même d'Israël, a le droit de défendre son avis en Allemagne ? A-t-il le droit d'émettre des doutes sur le caractère démocratique d'un Etat qui n'accorde pas les mêmes droits à ses citoyens arabes et à ses citoyens juifs ?

Bien sûr qu'il en a le droit, répondent la plupart des associations juives. Mais, dans la pratique, celui qui affiche de tels scrupules est vite accusé d'antisémitisme, surtout d'ailleurs par des non-juifs qui s'attachent avec un zèle particulier à gérer le passé.

L'an dernier, le ministre des affaires étrangères de l'époque, Frank-Walter Steinmeier, a été reçu par Benyamin Nétanyahou, qui lui a dit que "la Judée et la Samarie" ne pouvaient pas être "vidées de leurs juifs" (Benyamin Nétanyahou recourt ici au néologisme judenrein utilisé par Hitler et les nazis pour désigner leur projet de chasser tous les juifs hors du Reich). Quelqu'un a-t-il ici relevé cette phrase pour ce qu'elle est : un chantage moral ? Un observateur allemand a-t-il le droit de douter de la volonté de paix d'un gouvernement israélien qui interrompt les pourparlers de paix pour agrandir le territoire d'Israël ? Alors qu'un débat a lieu sur ces questions en Israël et aussi aux Etats-Unis entre intellectuels juifs et non juifs, on enregistre chez nous une attitude d'évitement.

Je ne veux pas ici cautionner un quelconque "débat définitif". La recherche sur les crimes nazis et la reconnaissance de la culpabilité qui en découle restent l'un des plus beaux résultats de la politique allemande de l'après-guerre, et je pense que ma génération a contribué pour une part à ce résultat. Mais lorsque des sentiments de culpabilité conduisent à des attitudes d'évitement quasi automatiques et que leur influence sur les décisions politiques est passée sous silence, ils engendrent des tabous et des distorsions politiques.

De toute évidence, c'est une chose de reconnaître une défaillance historique collective, c'en est une autre d'en tirer les bonnes leçons. Il n'y a aucun lien direct de cause à effet entre la reconnaissance d'une faute et une politique intelligente orientée vers l'avenir. La fixation sur la façon d'éviter de graves fautes passées peut tout à fait conduire à un blocage de la pensée et à de nouvelles fautes graves.

Traduit par Pierre Deshusses
© 2010 "Der Spiegel"

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