jeudi 16 mai 2013

Le président de la Fédération des communautés juives de Hongrie destitué suite à un vote de défiance

La tenue de la la réunion annuelle du Congrès juif mondial ne semble pas avoir été appréciée par certains dirigeants communautaires juifs hongrois, Péter Feldmajer (photo) ayant été destitué de son poste après un vote de défiance quelques jours après l'événement...  Le choix de la Hongrie a également fait débat chez les dirigeants juifs d'autres pays.  Ce n'est pas en médiatisant une situation difficile qu'on la résout, surtout lorsqu'on fait appel à des médias européens très hostiles à Israël.

Source: Hu Lala

Rarement la Hongrie n'a accueilli autant de journalistes étrangers que lors du Congrès juif mondial qui s'est tenu à Budapest au début de ce mois de mai. Avec le même objectif: jeter une lumière crue sur l'antisémitisme qui a fortement augmenté depuis le milieu des années 2000 en Hongrie et sur la popularité du parti d'extrême-droite Jobbik.  Le président de la Fédération des communautés juives de Hongrie (Mazsihisz), Péter Feldmajer, considère lui que Viktor Orbán est sincère lorsqu'il exclu toute forme d'alliance avec Jobbik. Selon lui, malgré le "battage médiatique" exagéré qu'elle a entraîné, la tenue du Congrès à Budapest était essentielle pour renforcer des liens très distendus entre les Juifs hongrois et ceux dans le reste du monde. C'est par ailleurs la dernière interview donnée par Péter Feldmajer en tant que président du Mazsihisz, celui-ci ayant été destitué de son poste après un vote de défiance ce lundi, pour des raisons qui restent encore inconnues.

Traduction - réalisée par Hélène Bienvenu - d'une interview publiée le 9 mai sur le site internet du Népszabadság sous le titre Feldmájer Péter: Teljesen egyértelmű elutasítás.

Qui a eu l’idée d’organiser le Congrès juif mondial à Budapest et pourquoi?
On en a parlé ensemble avec les représentants du congrès juif mondial. C’est mon but depuis longtemps que la communauté juive internationale prenne conscience de l’existence des Juifs de Hongrie, pour que ces derniers puissent en quelque sorte apparaître sur l’atlas juif mondial.

Jusqu’à présent, ils n’y figuraient pas?
Non, à peine. Le hongrois est une langue isolée. De plus, les Juifs hongrois ont toujours été très patriotes. Je ne veux pas trop entrer dans les détails historiques et religieux mais les Juifs hongrois ont suivi une trajectoire distincte des autres communautés juives. Les importantes communautés juives de Pologne ou de Russie ont par exemple été considérées comme des nations à part. Après la Shoah, les autorités communistes ont coupé tout lien entre la communauté de Hongrie et la communauté juive ailleurs dans le monde.


Est-ce que cela a été facile d’appeler le gouvernement hongrois et le premier ministre Viktor Orbán à la coopération avec le Congrès juif mondial, pour notamment intervenir lors de la séance plénière?
Lorsque l’on s’est retrouvé l’an dernier lors d’une rencontre informelle avec monsieur le Premier ministre, c’est sans hésitation qu’il a donné son consentement.

Lors de la séance plénière, l’extrême droite a organisé une marche dite “anti-sioniste” plus que déplacée. [...]

"Il n'y a pas lieu de s’alarmer outre-mesure"
Lors de la manifestation, les hommes politiques du Jobbik ont tenu des propos insupportables, mais l’évènement n’a fédéré qu’un petit millier de curieux. L’antisémitisme dur ne ferait donc pas tant recette en Hongrie…  Bien sûr, même s’il n’y avait eu qu’un seul homme, ça aurait déjà été de trop, mais c’est incontestable que sur près de 2 millions de Budapestois, le fait qu’un si petit nombre se soit rassemblé ne donne pas lieu de s’alarmer outre mesure. S’il n’y avait pas eu autant (sans doute trop) de battage médiatique, il y en aurait eu encore moins.

Le premier soir de la séance plénière, Viktor Orbán s’est exprimé. Les dirigeants du Congrès Juif mondial ont critiqué quelques heures plus tard le chef du gouvernement dans un communiqué pour ne pas avoir condamné assez fermement l’extrême droite. Étrange manière de procéder. L’assemblée générale s’est tenue encore pendant plusieurs jours, ses dirigeants auraient pu trouver l'occasion de présenter leurs critiques.
Vous n’êtes pas sans avoir que moi-même je me suis exprimé là dessus, j’ai affirmé que les dirigeants du Congrès auraient pu réagir différemment. C’était mon opinion alors, et je le pense encore aujourd’hui: les propos du premier ministre sont à interpréter à la lumière de l’interview qu’il avait donné préalablement au journal israélien Jedió Ahronó. Dans cette interview, Viktor Orbán rejette catégoriquement l’antisémitisme et prend ses distances avec l’extrême droite en excluant toute forme d’association avec le Jobbik. Je tiens à ajouter que Monsieur Ronald Lauder, président du congrès, a aussi pris ces arguments en compte et s’est excusé auprès de Viktor Orbán.

C’est cela que je n’arrive pas à comprendre. La condamnation se base sur les propos proférés lors de l’assemblée générale, elle est plus précisément née des manques du discours…
En ce qui me concerne, la question c’est plutôt pourquoi cette interview n’a pas été traduite en anglais lors du Congrès juif mondial et présentée sur les tables des participants, avant que l’assemblée ne se déroule. Je ne crois pas que cela soit du devoir de MAZSIHISZ ou des dirigeants du congrès de s’en préoccuper.

Et donc qui aurait dû s’en préoccuper? Le gouvernement hongrois?
Ce n’est pas à moi d’en décider.

Pensez-vous qu’il faille graver dans le marbre les propos de Viktor Orbán adressés à ce journal israélien?
Peut-être que tout le monde n’est pas d’accord avec moi, mais moi j’en suis convaincu : si un dirigeant est aussi ferme dans ces propos, alors il faut le prendre au sérieux.

C’est un peu dérangeant que l’antisémitisme soit ainsi mis à l’ordre du jour - comme si cela ne concernait que les Juifs de Hongrie. A mon avis l’antisémitisme en Hongrie concerne tous les Hongrois, quelle que soit leur religion et origine.
Le Congrès mondial a adopté un rapport sur la popularité grandissante de l’extrême droite et des mouvements néonazis, en comparant les cas de la Grèce, la Hongrie et l’Allemagne. Dans le rapport, il ressort clairement que ces mouvements ne sont pas des menaces à l’encontre uniquement des communautés juives mais de la démocratie dans son entier. Ce n’est pas un hasard si l’intervention de Mariann Jónás - une représentante de la communauté Rom - que nous avions invitée par mon intermédiaire - a été autant applaudie. C’est dans le même esprit que le Congrès a conclu son assemblée en affirmant que l’antisémitisme est une préoccupation contre laquelle toute l’Europe doit lutter.

Qu’est ce que ce Congrès tenu à Budapest a bien pu apporter? Y a–t-il eu des avancées?
Oui, bien sûr, il y en a eu. Beaucoup même. Les réalisations ont été à la hauteur de mes espérances. Des gens sont venus du monde entier pour se familiariser avec la culture juive hongroise, avec Budapest et la Hongrie. Tout le monde avec qui j’ai eu l’occasion de discuter a insisté sur l’excellent accueil reçu et la beauté de la ville. On a parlé des problèmes lors de l’assemblée, mais je suis sûr que les invités sont rentrés chez eux plein de bons souvenirs. Et qu’ils parleront de la Hongre en bien. Enfin, j’ajouterais que l’événement a déclenché un intérêt médiatique colossal. Je dirais même que depuis l’effondrement du communisme, rares ont été les événements a avoir attiré autant de journalistes étrangers.

1 commentaire :

Gilles-Michel De Hann a dit…

Viktor Orban a repris les principales idées du parti d’extrême-droite, le Jobbik : nationalisme exacerbé, valeurs
« chrétiennes », création d’un État fort. Lutte aussi contre les
« feignants », entendez les chômeurs.

Ceux-ci sont contraints désormais à des travaux « d’intérêt général » obligatoires dans des « camps de travail ». D’une pierre, deux coups, puisque ces sans-emploi sont en majorité des Roms, haïs à l’égal des Juifs par l’électorat d’extrême-droite.

Même nationalisme au niveau économique : Orban décide de se passer désormais du FMI et de suivre sa propre politique pour redresser la Hongrie. Il bloque les négociations destinées à remplacer le forint par l’euro.

Jobbik est le successeur en ligne directe du parti nazi hongrois, les Croix fléchées.

Mise à l'écart sous le régime communiste, l’extrême-droite en est ressortie lorsque ce dernier s’est effondré.

Même idéologie : pureté du sang magyar (ses dirigeants passent des tests génétiques attestant qu’ils n’ont pas d’ancêtres juifs).

Supériorité de la «race hongroise». Retour de toutes les minorités hongroises d’Europe centrale - et des territoires où elles vivent - dans la mère patrie.

Même haine des Juifs, des Roms, de tous les étrangers. Mêmes défilés de milices en uniformes. Et même violence, à peine contenue par les autorités. Voilà derrière qui courent Orban et son parti.

Que dire de la réhabilitation de l’amiral Miklós Horthy ?

Descendu à ce stade, nul ne peut prédire jusqu’où se vautrera Orban dans l’espoir de conserver le pouvoir. Mais ces faits ont suffi à Elie Wiesel. Le Prix Nobel de la paix lui a renvoyé la « Grand-Croix de la République hongroise », qu’il avait reçu en 2004.

Jobbik, procède par étapes dans sa volonté d’en revenir au temps du nazisme hongrois, ces quelques mois avant la fin de la guerre où les Croix fléchées dirigèrent le pays.

Prochaine étape : réhabilitation du chef des Croix fléchées, Ferenc Szalasi, qui fut durant cinq mois le Premier ministre nazi de Hongrie ?

Beaucoup confondent mémoire courte avec bonne conscience.