lundi 3 août 2009

Antisémitisme en Espagne

"L'auteur choisit d'utiliser le terme "humain", mettant en relief un des éléments les plus extrêmes du discours antisémite classique: la nature inhumaine des juifs explique leur comportement."

Source: traduction libre d'un article paru dans El blog de la Embajada de Israel en España

Le mardi 30 juin 2009, le quotidien El País publiait cette caricature franchement antisémite du caricaturiste Romeu.

Le personnage en rouge demande:
- "Mais comment se fait-il qu’Israël peut violer en toute impunité toutes les lois humaines et internationales?"

L'autre personnage, un juif orthodoxe, répond:
- "Ca nous coûte beaucoup d'argent".

S'il vous plaît faites bien attention à la manière dont le premier personnage formule la question. Il n'utilise pas le terme "humanitaire" qu’il est convenu d'utiliser par rapport au droit international. Au contraire, l'auteur choisit d'utiliser le terme "humain", mettant en relief un des éléments les plus extrêmes du discours antisémite classique: la nature inhumaine des juifs explique leur comportement. Ce n’est pas la première fois que des caricatures antisémites de Romeu paraissent dans El País.

Cette caricature est un excellent exemple d'un phénomène très intéressant: le retour aux sources de l'antisionisme, qui est devenu l'antisémitisme moderne. Et qui englobe sans complexes et sans contradictions intellectuelles les stéréotypes qui caractérisaient jadis l’antisémitisme classique: les juifs sont riches, manipulateurs, vindicatifs, avides, assoiffés de sang, tueurs de Dieu et inhumains.

Il est très important de souligner que cette caricature n'a pas paru dans une publication néo-nazie marginale et clandestine, mais dans le journal le plus influent d’Espagne. Il va sans dire que les rédacteurs de ce journal n’auraient jamais accepté de publier des messages racistes et stéréotypés de ce type visant d'autres groupes comme les musulmans, les femmes ou les autres minorités.

La pente glissante est courte entre les opinions des antisionistes et l’antisémitisme clair et net. Cette caricature, loin d'être une exception, est symptomatique d'un mode de pensée d'un public généralement identifié à la gauche. Des caricatures et des articles antisémites paraissent régulièrement dans El País et autres grands organes de presse prétendument démocratiques. Le public est exposé à ce type de messages depuis longtemps. Il n’est donc pas étonnant que ces stéréotypes étant bien établis donnent lieu ensuite à des actions hostiles (agressions physiques, harcèlement dans les campus, etc) et pas seulement contre des cibles israéliennes mais aussi contre les juifs et les non juifs qui sont criminalisés du fait qu’ils sont perçus comme étant des amis d'Israël et des juifs.

La caricature reproduite ci-dessous est un autre exemple de ce qui est supposé être une critique d’Israël et qui contient des éléments antisémites. Elle fut publiée dans Público, un autre journal espagnol identifié aux valeurs de la gauche. La caricature fut diffusée au lendemain du discours du Président Obama au Caire.
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La croix porte l'inscription: "You can't"
La radio proclame: "Paix... Amour... Et... Concorde... C'est-à-dire... Bonne volonté... Avenir... Eh Eh Eh... Etat palestinien..." (Espagne: peut-on concentrer tous les mythes antisémites en une seule image ?)

- Courageuse Espagne: Israël, paria des nations
- Des parlementaires américains alarmés par l'antisémitisme en Espagne écrivent à Zapatero
- "El País" fait la leçon à l'ambassadeur d'Israël en Espagne
- Espagne - article antisémite dans le journal El Mundo
- L'antisémitisme reste élevé en Europe, surtout en Espagne
- En Espagne la généalogie des banquiers juifs sert à expliquer la crise bancaire
- ADL: nouvelle étude sur l'antisémitisme en Europe
- Réflexions d'Enrique Krauze sur Gaza
- La Casa dos Bicos à Lisbonne accueillera la Fondation José Saramago

3 commentaires :

herge a dit…

article tres interessant, et je vous en remercie de l'avoir publie.

L'Espagne de toujours et de tout temps est antisemite.
Le pays qui a fait le plus de mal aux juifs, et plus encore que l'Allemagne est l'Espagne avec ses pogroms, ses expulsions, ses massacres, ses buchers et ses poursuites contre tout ce qui peut etre Juif.
L'Espagne n 'a pas change et pourtant 20% des iberiques ont un gene ancestral juif d'apres des experts d'ADN et d'un sondage sur des milliers de personnes.
L'Espagne devrait avoir honte de son passe, de son present, d'elle meme.

Gilles-Michel DEHARBE a dit…

Ces derniers temps le fascisme espagnol connaît un renouveau sans précédent.. Ses agressions se multiplient contre des immigrants, contre des groupes de gauche et leurs locaux, contre l’Antifa ou contre des homosexuels, pour ne citer que quelques exemples des groupes contre lesquels ils montrent historiquement une fureur particuliere, dans de nombreux cas avec la mort comme résultat.

En ce qui concerne sa présence mediátique dans les deux dernières années son activisme a grandi exponentiellement sur Internet, dans le nombre de sites web, blogs, forums et des pages comme youtube, pas liés directement mais idéologiquement non lointaines : Libertad Digital, hazteoir.org (lié aux mouvements opposés à la légalisation de l’avortement les plus actifs), forumlibertas, , foros digitales de La Razón et ABC. Ils sont entrés, de plus, avec virulence dans les autres du champ opposé : Público, El Pais.

Mais la présence sociale est devenue beaucoup plus vaste et diverse que la présence mediatique.

Historiquement le fascisme espagnol pendant les vingt dernières années se concentrait dans les aires d’actions suivantes : football, par l’amplification scénique et irraisonnable que le contexte du champ lui permet; des agressions sur des immigrés, parce qu’il permettait de trouver la “compression” sournoise de secteurs ou ouvertement des fascistes; des agressions contre des homosexuels et des transsexuels ou travestis, comme manière d’établir la liaison avec l’homophobie enfoncée du pays; des agressions sur des militants de gauche et antifascistes, parce qu’ils constituent ses ennemis naturels et son objectif pour l’entraînement préféré dans la violence; des cliniques et des professionnels qui pratiquent l’interruption volontaire de la grossesse, quand l’anti-avortement s’est connecté avec un composant émotif et sanglant, très au goût de la droite catholique, l’une de ses références. L’Université comme le deuxième environnement massif, très utile pour sa propagande. D’autres groupes victimes de ses agressions l’étaient d’une manière plus petite, bien que non d’une forme insignifiante : les prostituées, des mendiants, des toxicomanes, des personnes âgées, des journalistes, des nationalistes basques et catalans …

La nouvelle réalité de l’action des fascistes en Espagne est un cadre social beaucoup plus vaste et diversifié que précédemment.

Le comportement des secteurs intégristes et trabucaires de l’Église Catholique, amplement majoritaires, a créé un contexte favorable de visualisation des groupes fascistes dans les manifestations de Provida, et les variantes (Hazteoir.org, Adevida, Derecho a Vivir, Médicos por la Vida,……) et les évêques espagnols.

C’est le cas de groupes comme Alternative Espagnole (AES), un parti créé par Blas Piñar et son gendre.

Qu’est-ce qui a changé ces dernières années ?

Une forte mobilisation des secteurs de la droite (PP) traditionnel et de l’Église Catholique contre divers aspects relatifs aux droits sociaux (le laïcisme, un agrandissement de la loi de l’avortement…) . Rappelons comment l’archevêque de Pamplona demandait en Mai 2007 le vote pour des organisations fascistes comme Falange Española des JONS, Alternativa Española ou Comunión Tradicionalista Católica.

Gilles-Michel DEHARBE a dit…

L'Eglise espagnole, a non seulement béni le soulèvement du 17 juillet 1936, mais y a collaboré très concrètement et massivement.

Il suffit de rappeler qu'en ce mois de juillet 1936, l'autorité suprême, le pape Pie XI, salue " la contre-révolution " et bénit " les croisés du Christ et de l'Espagne " et que le 23 août 1940, Franco signe un décret disposant que le cardinal Isidro Gomá serait enterré avec " tous les honneurs d'Etat en raison des inestimables services rendus à la patrie ", lequel cardinal n'est rien d'autre que celui qui rédigea, en 1937, la lettre épiscopale de soutien au coup d'état militaire et l'inventeur de l'expression " croisade chrétienne " pour qualifier l'épopée franquiste.

Comment douter alors de la dimension politique de l'intervention de l'Eglise ?

Autre symbole : une gigantesque croix domine de ses 150 mètres la tombe de Franco, exposée au fond d'une lugubre abbaye creusée à même la roche, dans le Valle de los Caídos, près de Madrid.

L'organisme public Patrimonio Nacional, en charge du Valle, ne fait lui aucune référence sur Internet à la tombe de Franco. On y évoque tout juste la grande Basilique sépulcrale où sont enterrés des morts des deux camps s'étant affrontés pendant la guerre civile.

Les historiens estiment pourtant que les restes de 30 000 à 60 000 Espagnols ont été transportés sur les lieux, souvent contre l'avis des familles, à partir de la fin des années 50. En mal de reconnaissance internationale, le régime franquiste avait alors décidé d'afficher sa mansuétude en ouvrant les portes de cette crypte monumentale, nouvellement construite, aux franquistes comme à leurs anciens ennemis. Ils condamnaient ainsi les défunts républicains à reposer aux côtés de la dépouille de José Antonio Primo de Rivera, le fondateur de la Phalange, et de celle du dictateur, après sa mort en 1976.