samedi 5 janvier 2013

Francis Balace: la guerre du Kippour est la prise de conscience collective des pays arabes

Interviewé par la RTBF sur l'exposition qui se tient actuellement à Liège sur les Golden Sixties, Francis Balace, professeur d'histoire à l'Université de Liège, fait cette analyse étonnante sur la guerre du Kippour [1]:

"[Aux Etats-Unis] les Sixties qu'est-ce que c'est? Un président des États-Unis qui se fait flinguer à Dallas. La guerre du Vietnam, vous me permettrez la vulgarité de l'expression, part en couilles [!] totales [!]. Ils sont littéralement empêtrés. L'offensive du Têt, la guérilla urbaine, etc. Et vous avez en même temps les signes de ralentissement tout simplement parce que dans les Sixties vous avez quoi? Vous avez la guerre du Kippour, c'est-à-dire une prise de conscience collective [!] des pays arabes qui va se manifester pour nous par ce qu'on appellera au début des années 70 le premier choc pétrolier et dont nous n'avons pas encore fini [!]de payer les conséquences[!]".

Henri Simonet (1931-1996), ministre des Affaires étrangères belge, Vice-President de la Commission européenne, avait cette opinion sur la réaction européenne:

"A la fin de 1973 - témoigne Henri Simonet - j'avais été le témoin humilié du retournement des ministres des Affaires étrangères de la Communauté qui, dans la panique provoquée par la menace de l'embargo pétrolier, s'étaient rués dans une attitude qui leur était pratiquement imposée par les pays arabes producteurs de pétrole et qui comportait, notamment, la reconnaissance des droits du peuple palestinien".  Et d'ajouter: "J'avais ressenti le comportement dont la Communauté avait fait preuve en 1973, à l'exception des Pays-Bas, comme médiocre et même assez veule"."

Par ailleurs le sénateur Alain Destexhe n'avait pas apprécié les propos de Francis Balace, qui critiquait en 2002 le dérapage de l'histoire qui selon lui constitue le "terrible Shoah business", à propos de la déportation des juifs "étrangers" vers la France (2002): "Émanant d'un historien reconnu et apprécié, les propos de Francis Balace dans la page «Forum» des 12 et 13 octobre m'ont surpris et peiné. Je ne sais pas si «tout a été dit» sur la déportation des Juifs de Belgique. En revanche, je suis convaincu que la majorité des Belges, en particulier les jeunes, ignore tout de ces événements et que les initiatives parlementaires en vue d'établir les faits dans la déportation et donc l'extermination de 30.000 Juifs de Belgique méritent mieux qu'un «jugement sévère». Lorsque Francis Balace, à propos de la «privation de liberté» - en fait l'arrestation et la déportation - des Juifs étrangers le 10 mai 1940 vers la France, déclare «Eût-on pu agir autrement à ce moment précis?», on se demande si c'est encore l'historien qui parle ou s'il porte déjà un jugement politique. L'histoire, précisément, nous apprend qu'il est presque toujours possible d'agir «autrement» à un moment donné: de Gaulle, par exemple, a agi «autrement» dans une France largement acquise à l'idée de la défaite. On est simplement édifié lorsque Balace écrit: «Comment distinguer un réfugié sincère d'un agent de l'ennemi?», justifiant ainsi l'arrestation arbitraire de Juifs allemands présents en Belgique ! Si « l'anachronisme est un péché mortel en histoire», chacun a pourtant le droit de porter un jugement sur l'histoire et les décisions prises par les hommes qui l'ont faite. N'est-ce pas au nom de ce droit que nous condamnons les nazis, les Khmers rouges ou le Hutu Power au Rwanda?"


[1] La guerre du Kippour (en hébreu : מלחמת יום הכיפורים), aussi appelée guerre du Ramadan dans le monde arabe ou encore guerre d'Octobre (en arabe حرب تشرين) ou guerre israélo-arabe de 1973 opposa, du 6 octobre au 24 octobre 1973, Israël à une coalition menée par l'Égypte et la Syrie.

Le jour du jeûne de Yom Kippour, férié en Israël, qui coïncidait avec la période du Ramadan, les Égyptiens et les Syriens attaquèrent par surprise simultanément dans la péninsule du Sinaï et sur le plateau du Golan, territoires respectivement égyptien et syrien occupés par Israël depuis la guerre des Six Jours. Profitant d'une supériorité numérique écrasante, les armées égyptiennes et syriennes avancèrent durant 24 à 48 heures, le temps qu'Israël achemine des renforts. Même si les attaquants bénéficiaient toujours d'une large supériorité numérique, l'armée israélienne put alors les arrêter. En une semaine, Israël retrouva son potentiel militaire et lança des contre-offensives qui lui permirent de pénétrer profondément en Syrie et de traverser le canal de Suez pour progresser au sud et à l'ouest en Égypte lorsque le Conseil de sécurité des Nations unies en coopération avec les deux superpuissances par l'intermédiaire du Royaume-Uni demanda un cessez-le-feu pour laisser place aux négociations. Alors que les armées israélienne et égyptienne se regroupaient, les combats reprirent sur les fronts syriens et égyptiens après l'heure du cessez-le-feu sans que l'on puisse déterminer qui en étaient le ou les responsables1. Sans en référer à l'état-major, les officiers de terrain israéliens — frustrés d'avoir été arrêtés à quelques centaines de mètres de la position qui achevait l'encerclement de l'armée égyptienne — se servirent de cette rupture du cessez-le-feu pour terminer la manœuvre.

1 commentaire :

Menahem's Diary a dit…

Cela ne devrait pas nous étonner: il y a longtemps que l'Europe caresse les pays arabes dans le sens du poil, pour les raisons que l'on sait.

Le dénigrement d'Israël fait partie des figures imposées de ce ballet cynique.

Menahem