Le sociologue livre un regard pessimiste sur le climat actuel et inscrit la condition juive dans le paysage d'une dégradation globale.
"A.J. : Comment analysez-vous l’inquiétude des Juifs de France, qui semble aujourd’hui être une lame de fond très puissante au sein de la communauté?
S. T. : Est-ce qu’ils sont inquiets? Si je lis l’interview récente du président du CRIF, Roger Cukierman, au Figaro, le compte-rendu qu’il en fait est plutôt «soft». En fait, je ne suis pas sûr que l’immense majorité de la communauté juive partage une telle inquiétude. C’est cela qui est inquiétant. Elle est réelle, bien sûr, dans certains milieux, mais elle n'est pas relayée suffisamment sur le plan social et politique. La société ne veut pas l'entendre.
Ce qui est accablant, c’est que cela fait quatorze ans que cela dure et qu'on doive encore démontrer qu’il y a de l’antisémitisme, qu'il n’est pas seulement à l’extrême droite, mais aussi à l’extrême gauche, dans les médias, la culture, l’édition... Les Juifs sont restés très sobres et modestes, silencieux pour beaucoup, face à cet environnement. Sur quoi ouvre cette évolution, c'est l'inconnue.
A.J. : Les Juifs de France se trouvent-ils à la croisée des chemins?
S. T. : Oui, tout à fait et je l’écrivais déjà en 2006 dans «L’avenir des Juifs de France» (Grasset). Le modèle de communauté juive d’après-guerre n'est plus porté par la société française. Il y a, certes, des communautés, des institutions juives, mais le paysage n'est plus le même. La question du sens d’une continuité juive en France se pose même sans crise!
Le nouvel antisémitisme a «criminalisé» l'identité juive et la communauté juive est trop longtemps restée passive malgré quelques entreprises courageuses qui n'ont pas été relayées. La crise antisémite est inséparable de la crise structurelle de la société française. Son origine est simple: l’unification européenne ébranle une France à l'Etat-nation centralisé et centraliste le plus puissant d'Europe au moment même où un puissant flux migratoire fait vaciller son identité. Or, l'identité juive était adossée à ce modèle.
«Une société perturbée dans laquelle les Juifs sont des boucs émissaires»
A.J. : Le développement de «loups solitaires» endoctrinés à l’islam radical pourrait-il faire entrer la judéophobie dans une nouvelle ère ?
S. T. : Je conteste la notion de «loup solitaire» ou d'«enfants perdus du Djihad», qui minorise, en les «psychologisant», l'idéologie, les réseaux qu'il y a derrière des terroristes. Depuis 15 ans, la situation est la même. Il a fallu attendre l'’affaire Merah pour un début de prise de conscience. Souvenons-nous du meurtre d’Ilan Halimi : pendant 15 jours, la France s’est demandé si c’était un acte antisémite! L’opinion publique fait l’autruche et cherche des moyens de se rassurer.
Les pouvoirs publics ont fait, quant à eux, beaucoup d’erreurs: l'occultation, la non-dénonciation, la non-punition des actes antisémites pendant un an et demi, le recours à une sorte de pacification inter-religieuse pour traiter une menace de sécurité publique, la minimisation de la nature de la menace qui est pleinement politique. Manuel Valls connaîtra-t-il l'évolution de Sarkozy après qu'il a quitté le ministère de l’Intérieur ; les deux ont affronté le problème de face mais ce fut une période dans leur carrière politique. J’attends de voir.
Manifestation "patriotique" "Jour de colère" à Paris:
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Slogans: "Juif, la France n’est pas à toi!" et "Juifs hors de France!" "La France aux français! Juifs! Sionistes hors de France" "Europe Pédo Criminelle Sioniste Satanique" etc.
1 commentaire :
Les antisémites disent que le pouvoir est inféodé au Crif. De la façon dont son Président traite les problèmes du nouvel antisémitisme en France en minimisant tout, je crois absolument le contraire: c'est le Crif qui est inféodé au pouvoir.
En 2006, personne ne voulait reconnaître le caractère antisémite évident du meurtre d'ILan Halimi : il a fallu que sa mère et ses soeurs se battent pour que les juges reconnaissent cette circonstance aggravante, ce qui est lamentable.
Le ver de l'islamisme antisémite soutenu par la gauche était déjà dans le fruit.
La France nie le nouvel antisémitisme parce que la population arabo-musilmane est en nombre et en position de force et aucun politique ne veut les fâcher, même à droite, et quasiment tous les "intellectuels" sont de la gauche antiraciste, donc les victimes pour eux, ce sont d'abord les immigrés africains, musulmans pour le plupart.
L'avenir des juifs n'est plus en France, ni en Europe : il faut juste qu'une certaine partie de cette population l'intègre dans "son logiciel".
PS : Le PS va exploser (et l'UMP n'est pas en meilleur état) : d'un côté, il y aura ceux de l'aile gauche qui vont rejoindre EELV et Le Front de Gauche et de l'autre, ceux de l'aile droite et du centre. Comment a t-on pu imaginer un seul instant qu'on pouvait marier la carpe et le lapin?
Comme, comment peut-on imaginer un seul instant qu'on puisse réunir des pro-israëliens et des anti-israëliens. Il faut grandir : nous ne sommes pas dans un monde de Bisounours.
Moi, ma famille, ma fille n'invitons pas chez nous des familles qui veulent la fin de notre état et de notre peuple et personne ne le ferait : simple question de dignité pour les miens.
Donc, aux prochaines élections présidentielles, nous aurons soit l'extrême droite, soit la gauche de la gauche recomposée avec Mélenchon, l'ancienne ministre du Logement (EELV) et l'actuel Ministre de l'Economie (aile gauche du PS) : sale temps pour les juifs qui seront encore là et sale temps aussi pour Israël. Mais nous survivrons comme pendant la tempête.
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