mercredi 14 août 2013

Les médias juifs français et l'affaire al-Dura, une analyse de Véronique Chemla

Un paysage médiatique français Juif contrasté par Véronique Chemla, extraits concernant l'affaire al-Durah:

"Laffaire al-Dura a opéré un clivage entre ces médias - du silence à de rares articles prudents -, et une unanimité pour ne présenter aucune analyse des implications de cette affaire. Seuls, mes articles dans Guysen ont éclairé les Internautes sur les enjeux de cette affaire gravissime.

L'Arche lui a consacré un long article au début puis à la fin des années 2000, et une enquête de Luc Rosenzweig, journaliste ayant mené des investigations pendant plusieurs années pour la Metula News Agency, dans son numéro de l'été 2013. 

Actu J a couvert les principaux rebondissements de cette affaire en étant divisée. Le 18 novembre 2004, après la conférence de presse au siège de France Télévisions, la journaliste de cet hebdomadaire est restée silencieuse alors que j'interpellais Arlette Chabot, alors directrice de l'information de France 2, sur l'absence de sang sur les vêtements de Jamal al-Dura supposé avoir été blessé par balles, etc.  Pour Michaël Blum, un de ses correspondants en Israël, "il n’y a pas eu de mise en scène d’Enderlin et les soldats de Tsahal n’ont pas tué Mohamed Al Dura". Or, Clément Weill-Raynal, chroniqueur judiciaire, a enquêté sur les blessures de Jamal al-Dura et a exprimé des doutes sur l'authenticité des faits allégués par ce reportage controversé. Actu J et Clément Weill-Raynal ont été assignés en justice par Jamal al-Dura. "J’aurais aimé continuer [d’enquêter]. Les poursuites judiciaires ont fait qu’il y a moins d’article sur cette affaire dans Actualité juive. C’est peut-être le but recherché…", a déploré Clément Weill-Raynal devant la XVIIe chambre du Tribunal de grande instance de Paris, 8 février 2011. Ce Tribunal les a condamnés, et la Cour d'appel a confirmé la condamnation du journaliste pour sa réponse à un droit de réponse de Charles Enderlin.

Incompréhension de l'enjeu juridique du procès contre Philippe Karsenty devant la Cour d'appel de Paris en 2013? Actu J a titré à tort "La cour d'appel rejette la thèse de la mise en scène dans l'affaire Al Dura" (n°1261, 4 juillet 2013). Or, la Cour d'appel a jugé diffamatoires des expressions utilisées par Philippe Karsenty en 2004, sans se prononcer sur l'authenticité  ou la mise en scène des faits relatés dans ce reportage. Dans son n° 1262 (11 juillet 2013), Actu J a publié une lettre de Philippe Karsenty précisant que "la cour d'appel n'a nullement rejeté ma démonstration de la mise en scène. Elle m'a condamné pour des raisons techniques".


Radio J a couvert l'affaire dès l’origine en partageant les doutes sur l'authenticité des faits allégués par ce reportage controversé de Charles Enderlin et de Talal Abu Rahma diffusé par France 2 le 30 septembre 2000. Dès le début des années 2000, Michel Zerbib, rédacteur en chef de la station, a donné la parole à Stéphane Juffa, rédacteur en chef de l'agence de presse israélienne Metula News Agency (ou Mena) ayant interviewé le physicien Nahum Shahaf, mené l'enquête et affirmé les premiers la mise en scène des images filmées. Le 16 novembre 2004, Michel Zerbib a aussi interrogé Arlette Chabot à une époque où filtraient des informations sur le visionnage des rushes du 30 septembre 2000 par les journalistes Luc RosenzweigDenis Jeambar et Daniel Leconte. France 2 a alors associé une stratégie de communication - interviews et conférence de presse de la seule Arlette Chabot auprès de médias Juifs français - à une tactique judiciaire en assignant, au côté de Charles Enderlin, pour diffamation Charles Gouz, webmaster de Desinfos.comPierre Lurçat et Philippe Karsenty, directeur de Media-Ratings. Puis, vers 2005-2006, Radio J a questionné Philippe Karsenty, poursuivi en justice  jusqu'à ce que ce dernier exprime son indignation que Radio J ait invité à son dîner de collecte de fonds Me Francis Szpiner, avocat devant la Cour d'appel de Paris de France 2 et de Charles Enderlin, et alors défenseur de la famille d'Ilan Halimi

Les autres radios ont hésité, voire souvent évité d’interviewer ceux qui ont douté de l’authenticité de ce reportage. Lors de la conférence de presse du 18 novembre 2004 organisée par Arlette Chabot, directrice de l'information de France 2, au siège parisien de France Télévisions, le directeur de la rédaction d'une de ces radios Juives a assuré Arlette Chabot que, s'il recevait les articles de la Mena,  il se gardait bien de les lire et ne croyait pas en la thèse de la mise en scène. 

Directeur d’antenne de RCJ, le journaliste-écrivain Shlomo Malka a interviewé, le 14 février 2012, Simon Epstein, auteur du livre "1930, une année dans l’histoire du peuple juif". Cet historien a alors déclaré sur l’affaire al-Dura: "La réalité est qu’on ne peut pas savoir qui a tiré car les balles venaient de tous les côtés. Donc on ne peut pas affirmer que ce sont les Israéliens. Pas plus qu’on ne peut affirmer que ce sont les Palestiniens. La faute d’Enderlin a été de faire confiance à son représentant cameraman palestinien [Nda : Talal Abu Rahma] qui bien évidemment, de manière tout à fait naturelle, tout à fait humaine, a dit que c’est les Israéliens. Au début de l’Intifadah il ne pouvait pas dire que ce sont peut-être les Palestiniens qui l’ont tué". Curieusement, Shlomo Malka, dont les réparties généralement fusent, ne s’est pas indigné de cette justification au manquement à une obligation journalistique essentielle. 

Lors de la convention du CRIF du 13 janvier 2013Philippe Karsenty,maire-adjoint de Neuilly, a notamment indiqué que la seule radio de la fréquence Juive francilienne à l'avoir interviewé sur l'affaire al-Dura est Radio J. Aucun journaliste de ces médias communautaires n'a assisté à l'audience du 16 janvier 2013 devant la Cour d'appel de Paris dans la procédure pour diffamation intentée par Charles Enderlin et France 2 contre M. Karsenty. 

Halléluia! Après la publication le 19 mai 2013 du rapport du gouvernement israélien sur l'incident al-Dura, Shlomo Malka a interviewé Philippe Karsenty lors du journal de RCJ à 12 h 30. RCJ l'a présenté à tort comme "avocat", et comme l'a relevé le journaliste Méir Ben-Hayoun, RCJ a annoncé ce rapport par... une dépêche de l'AFP. Le 11 juin 2013, sur Radio Shalom, Bernard Abouaf a enfin interviewé Philippe Karsenty afin que celui-ci réponde à la question d'un auditeur posée la veille. 

Le n°1261 (4 juillet 2013) d'Actualité Juive a publié un article sur la rencontre peu avant l'assemblée générale du CRIF du 30 juin 2013, de Roger Cukiermanélu le 26 mai 2013 avec la presse juive. Auteur de cet article, Pierre Assouline ne mentionne pas cette affaire. Pourquoi ? Roger Cukierman aurait-il éludé ce sujet? Ou aucun représentant de la presse juive n'aurait questionné le président du CRIF sur cette affaire? Or, Roger Cukierman avait en 2008 exprimé, notamment dans son autobiographie et une interview qu'il m'avait accordée pour L'Arche, le regret de de pas s'être "assez battu dans l'affaire al-Dura" lors de ses mandats et avait déclaré: "Il est essentiel que la vérité soit établie".

Le 7 juillet 2013, lors de Dis-moi qui tu cites, je te dirai qui tu es, émission de l'Alliance israélite universelle (AIU), Ilana Cicurel a interviewé Olivier Schrameck, président du CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel), sur l'objectif de cet organisme public et les enjeux affrontés, sans l'interroger sur l'affaire al-Dura. Alors que Philippe Karsenty venait d'être condamné  par la Cour d'appel de Paris le 26 juin 2013, n'était-ce pourtant pas le moment pour Ilana Cicurel de questionner le président de du CSA chargé d'"assurer le respect des obligations des chaines" notamment dans le domaine de l'"honnêteté de l'information"?"

Voir également: Condamné pour diffamation à payer 11 002 €, Philippe Karsenty s'est pourvu en cassation dont nous relevons cette phrase: "Par contre, la condamnation de Philippe Karsenty a été saluée par le Hamas, le site Altermonde-sans-frontiere et Ouri Wesoly du belge CCLJ (Centre communautaire laïc Juif). Celui-ci a écrit le 28 juin 2013: "Le jugement est lapidaire: oui, Philippe Karsenty a diffamé Charles Enderlin en prétendant que son reportage de septembre 2000 était une "supercherie". Et non, Karsenty n’a pas "agi de bonne foi". Moyennant quoi, il est condamné à 7.000 € de dommages-intérêts. Tel est le verdict qu’a rendu ce 26 juin, la Cour d’appel de Paris et qui clôture le procès en diffamation". Qu’en sait Ouri Wesoly? Comment peut-il, deux jours après le délibéré, citer entre guillemets un arrêt non communiqué à Philippe Karsenty, pourtant partie au procès?" 

Un site en anglais est consacré exclusivement à l'affaire Al-Durah: http://aldurah.com/.

1 commentaire :

Anonyme a dit…

La presse écrite est très dépendante des annonceurs publicitaires. Elle est en plus subventionnée sans quoi, la grande majorité des quotidiens auraient été déjà faillite depuis plusieurs années. Passons sur les avantages fiscaux des journalistes.

A2 est ouvertement socialiste, FR3 est encore plus à gauche, ARTE est subventionnée, TF1 et M6 pensent d'abord à leurs intérêt.

Il ne faut rien espérer de leur part.De toute façon environ 75% de la population ne les croient plus et d'autres sources d'information ne manquent pas.

Pour certains, ce sont des signes avant coureurs qui ne trompent pas. Personnellement, je ne vois pas bien pourquoi, ils auraient tort.

Franco

PS: Reporters sans frontières classe la France en 37 ieme position...


http://fr.rsf.org/spip.php?page=classement&id_rubrique=1054