Il existe une sorte d’alliance non déclarée contre le Hamas entre Israël et quelques pays arabes sunnites. La position volontairement en retrait prise par ces derniers lors de l’Opération Bordure Protectrice en témoigne : l’existence du Hamas représente pour eux un grand danger. Aux yeux de l’Union européenne, le Hamas reste par ailleurs catalogué comme groupe terroriste. Ces nouveaux ingrédients pourraient être mis à profit pour désarmer ce groupement et stabiliser la région.
Une excellente analyse, notamment sur la réaction européenne, signée Yossi Lempkowicz, conseiller media de l'Europe Israel Press Association (EIPA) (www.eipa.eu) et rédacteur en chef de l'European Jewish Press (EJP), (www.ejpress.org) publiée dans le journal Le Soir (02/09/2014)
Il y a quelques jours, alors que le conflit entre Israël et le Hamas battait son plein, un ami journaliste américain, spécialiste de l’Amérique latine, me faisait remarquer: «Alors que cinq pays latino-américains, le Brésil, le Chili, le Salvador, le Pérou et l’Equateur ont dès le début du conflit rappelé leurs ambassadeurs en Israël pour protester contre l’opération militaire israélienne à Gaza, aucun pays arabe ayant des relations avec Jérusalem n’a fait de même!»
En effet, c’est sans doute l’un des enseignements de l’Opération israélienne Bordure Protectrice: une alliance non déclarée entre Israël et plusieurs pays arabes sunnites contre le Hamas.
Il s’agissait du troisième conflit entre Israël et le Hamas depuis l’arrivée de ce dernier au pouvoir à Gaza en 2007 mais cette confrontation ne ressemblait pas aux deux autres à plusieurs égards. Une petite phrase prononcée par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou lors d’une de ses nombreuses conférences de presse n’a pas échappé aux nombreux observateurs du conflit: «Nous sommes occupés à enrôler la communauté internationale à soutenir l’objectif de lier la réhabilitation et le développement de Gaza à sa démilitarisation, mais non moins important – ce qui peut surprendre beaucoup, mais pas nous – est le lien unique qui a été noué avec les États de la région.» Et le Premier ministre d’ajouter immédiatement: «Ceci aussi est un atout important pour l’Etat d’Israël. Avec la cessation des combats et la conclusion de l’opération, ceci va nous ouvrir de nouvelles possibilités.» En parlant de cette nouvelle alliance, M. Netanyahou ne faisait pas allusion à l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas – avec laquelle des mois de négociations sur un accord de paix ont échoué – mais bien à l’Egypte, l’Arabie saoudite, la Jordanie, les Emirats Arabes Unis, Bahreïn et le Koweït.
Tous ces pays ont en commun avec Israël le fait qu’ils considèrent le mouvement islamiste Hamas comme le danger principal pour la stabilité de la région et une menace pour leur existence. De ce fait, cette alliance de facto avec Israël. Une convergence d’intérêts comme elle n’a jamais existé dans le passé. «Alors que l’opinion publique dans de nombreux pays arabes est en colère face aux morts et à la crise humanitaire grandissante dans la bande de Gaza, leurs gouvernements ont montré que leur répulsion à l’égard du Hamas est plus forte que leur traditionnelle hostilité envers Israël», explique le Dr Theodore Karasik, directeur de recherche à l’Institut pour l’analyse militaire du Proche-Orient et du Golfe (Inegma) basé dans les Emirat Arabes Unis. «La détestation et la peur de ces pays arabes à l’égard de l’Islam politique sont si fortes qu’elles surpassent leur allergie à l’égard de Benjamin Netanyahou», explique Aaron David Miller, ancien négociateur américain au Moyen-Orient sous plusieurs présidents américains. «Je n’ai jamais vu une situation similaire où un tel nombre de pays arabes observent sans broncher les morts et la destruction à Gaza et soutiennent le combat contre le Hamas», explique-t-il.
«S’unir contre l’islam radical»
Quelques jours avant les commentaires du Premier ministre israélien, le roi Abdallah d’Arabie saoudite faisait une déclaration à la télévision saoudienne sur Gaza où il décriait le «massacre collectif» sans toutefois porter la responsabilité sur Israël, soulignant au contraire l’urgence pour les dirigeants musulmans de «s’unir contre l’Islam radical». Et le Hamas est mis dans le même sac que les Frères musulmans en Egypte, la Syrie, l’Etat islamique en Irak et au Levant, le Hezbollah et Al-Qaïda…
Pour Walter Russel Mead, un spécialiste américain de politique étrangère «du point de vue d’Israël, une guerre réussie contre le Hamas pourrait devenir une première étape d’une action et d’une coopération commune avec les pays arabes les plus peuplés et les plus riches contre le Hezbollah et au-delà contre l’Iran.»
Bien sûr, comme le souligne un collègue journaliste israélien, la plupart de ces pays arabes ne vont jamais reconnaître publiquement cette alliance tacite avec Israël basée sur des intérêts communs. «Ils vont coopérer avec Israël sur le terrain et sur des projets importants pour eux mais cela ne signifie pas que l’on verra bientôt la fin du conflit israélo-arabe.»
Une autre surprise de ce conflit a été l’attitude adoptée par l’Union européenne et plusieurs de ses dirigeants – notamment François Hollande – à l’égard d’Israël. Alors qu’ils ont l’habitude de condamner régulièrement Jérusalem pour la politique d’implantation en Cisjordanie – comme si celle-ci était le nœud du conflit avec les Palestiniens – allant même jusqu’à soutenir il y a quelques mois l’accord d’union nationale entre l’Autorité palestinienne et le Hamas, les Européens ont clairement compris cette fois-ci leur erreur et leur naïveté quand ils croyaient que grâce à cet accord les Islamistes de Gaza allaient tout d’un coup changer en renonçant à la violence et à leur objectif de toujours: la destruction de l’Etat d’Israël. Non, le Hamas continuera à figurer sur la liste de l’UE des groupes terroristes.
Les «conclusions» publiées après une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE le 22 juillet dernier – soit en plein conflit – et réitérées le 15 août, en ont surpris plus d’un à Jérusalem quand les Européens ont appelé tous les groupes terroristes, y compris le Hamas, «à désarmer», condamnant de manière forte les tirs de roquettes par le Hamas et les autres à Gaza visant la population civile israélienne, les qualifiant de «criminels et injustifiés». Ces tirs de roquettes qui ont déclenché la riposte israélienne et l’Opération Bordure Protectrice menée contre les infrastructures terroristes du Hamas et notamment les fameux tunnels conduisant en territoire israélien et destinés à y semer la mort. Le droit d’Israël à se défendre était clairement signifié!
Le fait que cette condamnation claire du Hamas figurait en tout début de déclaration de l’UE,
avant même un paragraphe déplorant les morts civils à Gaza, a particulièrement frappé les observateurs de la scène européenne. Alors que les Etats-Unis ont montré tout au long de cette crise que leur influence et leur rôle dans la région sont en constant déclin, la convergence d’intérêts entre Israël et les pays arabes sunnites ainsi que la «nouvelle position» européenne devraient être mises à profit pour tenter de stabiliser la région, démilitariser Gaza éventuellement sous supervision internationale et mettre en place les ingrédients pour un accord à long terme qui évitera un nouveau
conflit tous les trois ans. ■
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samedi 6 septembre 2014
Nouvelle convergence d’intérêts entre Israël et les pays arabes sunnites, par Yossi Lempkowicz
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