samedi 8 mai 2010

JCALL et la détresse des Juifs européens vus d'Amérique, par Evelyn Gordon

"L'Amérique pourrait diminuer son soutien à Israël à bien des égards sans avoir recours au boycott, au désinvestissement et aux sanctions. Ce n'est pas le cas de l'Europe. Car contrairement aux États-Unis l'Union européenne ne vote pas contre les résolutions anti-israéliennes à l'ONU, ne fournit pas d'aide financière à Israël, n'est pas un des principaux fournisseurs d'armes à Israël, et ne défend pas publiquement (ou tout au moins ne s'abstient de condamner) les mesures israéliennes de contre-terrorisme. En effet, la seule contribution majeure de l'Union européenne au bien-être d'Israël est économique: elle est le plus important partenaire commercial d'Israël. Par conséquent, lorsqu'on exhorte l'Europe à faire "pression" sur Israël, on prône effectivement le boycott, le désinvestissement et les sanctions. C'est le seul mécanisme dont dispose l'Union européenne pour faire pression sur Israël."

Traduction d'un texte d'Evelyn Gordon paru dans Commentary (JCall and the Distress of European Jewry)


JCall, un groupe de pression qui vient d'être créé en Europe, soulève une question troublante: comment se fait-il que des intellectuels pro-israéliens, comme Alain Finkielkraut et Bernard-Henri Lévy, soutiennent une initiative qui est à la fois anti-Israël et intellectuellement incohérente?

JCall a présenté cette semaine une pétition [3 mai] au Parlement européen qui stipule que l'avenir d'Israël "dépend de" la paix avec les Palestiniens et que par conséquent l'Union européenne doit "faire pression sur les deux parties". En prenant congé de toute prétention d'impartialité les rédacteurs ajoutent que "L’alignement systématique sur la politique du gouvernement israélien est dangereux car il va à l’encontre des intérêts véritables de l’État d’Israël". Aucun avertissement comparable n'est émis à l'égard de la politique de l'Autorité palestinienne, dont certains aspects mettent clairement Israël en danger.

Invité à commenter cette disparité, le membre fondateur David Chemla [en fait ce texte a été initié en Belgique par Élie Barnavi et David Susskind] a confié au Jerusalem Post: "En tant que Juifs attachés à Israël, nous parlons aux Israéliens. Il s'agit donc d'un appel aux Israéliens. "

Cela n'a évidemment aucun sens: si JCall voulait vraiment s'adresser aux Israéliens, le pétition aurait dû être adressée à la Knesset - et non au Parlement européen qui est virulemment anti-israélien et qui a, il y a deux mois, entériné les allégations du rapport Goldstone sur les "crimes de guerre" israéliens à Gaza. A l'inverse, le Congrès des États-Unis a dénoncé le rapport comme étant irrémédiablement biaisé.


Et ce contraste met en évidence une incohérence intellectuelle encore plus grave dans la position de JCall. JCall, comme JStreet, sur lequel il prend consciemment modèle, s'oppose à "délégitimation et au boycott d'Israël", d'après ce qu'a déclaré David Chemla à Haaretz. Or la réalité est que l'Amérique pourrait diminuer son soutien à Israël à bien des égards sans avoir recours au boycott, au désinvestissement et aux sanctions (boycott/divestment/sanctions). Ce n'est pas le cas de l'Europe.

Car contrairement aux États-Unis l'Union européenne ne vote pas contre les résolutions anti-israéliennes à l'ONU, ne fournit pas d'aide financière à Israël, n'est pas un des principaux fournisseurs d'armes à Israël, et ne défend pas publiquement (ou tout au moins ne s'abstient de condamner) les mesures israéliennes de contre-terrorisme. En effet, la seule contribution majeure de l'Union européenne au bien-être d'Israël est économique: elle est le plus important partenaire commercial d'Israël.

Par conséquent lorsqu'on exhorte l'Europe à faire "pression" sur Israël, on prône effectivement le boycott, le désinvestissement et les sanctions. C'est le seul mécanisme dont dispose l'Union européenne pour faire pression sur Israël.

David Chemla a toutefoirs insisté que l'appel de JCall va "effectivement aider à améliorer l'image d'Israël en Europe", en montrant que la communauté juive "n'est pas monolithique". Comment l'image qu'ont les Européens d'Israël peut s'améliorer lorsque des Juifs de premier rang font savoir qu'Israël est le principal coupable du conflit demeure un mystère !

Ce qui n'est pas un mystère c'est comment cette initiative pourrait améliorer l'image des Juifs européens. Dans un continent où les sondages d'opinion montrent les unes après les autres qu'Israël est largement détesté, le simple fait de suggérer qu'Israël n'est pas le seul responsable vous rend suspect. Mais si vous exhortez l'UE à suspendre son soutien au gouvernement d'Israël, mais pas à l'Autorité palestinienne - et si de surcroît vous déclarez qu'une telle mesure sert "les vrais intérêts" d'Israël, de manière à ce que les Européens n'aient à avoir aucun problème de conscience, alors vous rejoignez vous-même le consensus à l'européenne. Vous aurez montré, comme le déclare la la pétition de JCall, que vous aussi, vous avez entendu "la voix de la raison" - tout au moins telle que l'Europe la définit de nos jours.

Aujourd'hui il est dur d'être un Juif en l'Europe. Il est donc compréhensible que certains s'accrochent à n'importe quoi, même si leur choix est irrationnel, pourvu que leur démarche soit étiquetée "pro-Israël" tout en ne violant pas le consensus européen. Mais leurs frères israéliens et américains doivent leur rappeler la vérité : être "pro-israélien" dans l'Europe d'aujourd'hui exige de rappeler la culpabilité des Palestiniens, que les Européens ignorent régulièrement, plutôt que de renforcer le réflexe de "blâmons Israël". Et il faut se battre contre des "pressions" qui ne peuvent que se traduire par les BDS (le boycott, le désinvestissement et les sanctions).

1 commentaire :

Gilles-Michel DEHARBE a dit…

De l’encensement de Staline à celui de Fidel Castro, de mai 68 au PACS, de l’anticolonialisme à la défense des sans-papiers, les campagnes de diabolisation menée par une certaine gauche à l’encontre de ceux qui ne partagent pas son point de vue sont légions. Le terrorisme intellectuel, qui marque tellement le paysage politique de ce tournant de siècle, n’est pas, chose nouvelle. Le procédé revient à intervalles réguliers dans des affaires intérieures ou internationales : intimidation de l’adversaire par la véhémence du discours et l’opprobre moral.

Pour ceux qui le pratique, le terrorisme intellectuel n’est efficace que parce qu’il défend une cause juste, d’abord au regard de l’histoire : ils vont dans le sens de l’histoire, leurs adversaires vont à l’encontre et sont donc passéistes, ringards et, s’ils s’obstinent, réactionnaires, mais aussi au regard de la morale : la justice et le droit d’un côté, l’abjection de l’autre.

Aujourd’hui, le nombre d’ex' soixante-huitards aux postes stratégiques, singulièrement dans les médias, explique en partie l’ampleur prise par le terrorisme intellectuel depuis quinze ans.

* Les deux appels de « raison » ne mobilisent pas les israéliens puisque seule une opinion a été publiée par le journal de gauche Haaretz. La presse israélienne et les sites internet, hormis ceux de langue française, n’ont pas trouvé matière à réfléchir dans ce qu’ils considèrent comme un problème judéo-français. Par Jacques Benillouche.

http://lessakele.over-blog.fr/ext/http://
www.jerusalemplus.tv/index.php?option=com_content&task=
view&id=4526&Itemid=218


* La raison israélienne, par Freddy Eytan.

http://www.jcpa-lecape.
org/ViewBlog.aspx?ArticleId=90