"[...] Le vieil antisémitisme politico-religieux à la française survit dans les classes moyennes et supérieures (pour aller vite), qui prennent soin cependant d’euphémiser leur discours, d’où le peu de visibilité de la judéophobie des élites traditionnelles dans l’espace public. L’antisionisme radical, postulant que tout Juif est un sioniste (serait-il caché ou honteux) et visant la destruction de l’État juif, est observable dans tous les milieux sociaux, mais il s’exprime surtout, avec une forte intensité polémique, dans certaines mouvances de l’extrême droite et de l’extrême gauche, et bien sûr dans certaines populations issues de l’immigration et spatialement ségréguées, particulièrement soumises à l’endoctrinement et à la propagande islamistes. Dans les milieux populaires, et sous une forme idéologisée dans les milieux d’extrême gauche, la judéophobie est fondée sur le ressentiment à l’égard des élites visibles (politique, culturelles, médiatiques) et invisibles (le «pouvoir de l’argent», des «puissances financières», etc.). La figure de Madoff a remplacé celle de Rothschild. [...]
Dans l’opinion française, la question de la lutte contre la judéophobie est secondaire. La dénonciation des actes antijuifs n’est guère populaire, et toujours soupçonnée de «faire le jeu» de la propagande israélienne. La thèse (fausse) de la disparition progressive de «l’antisémitisme» est largement diffusée, ainsi que celle, non moins fausse, de son remplacement par «l’islamophobie». Ce sont là les deux principales idées fausses, devenues des clichés, concernant le traitement des minorités respectivement dites «juive» et «musulmane». Les Français sont au premier chef inquiets de la montée de la délinquance et de la banalisation des violences commises par des bandes de «jeunes». C’est seulement lorsque des actes antijuifs prennent l’allure d’actions criminelles que l’opinion semble s’émouvoir. [...]
Le vieil antisémitisme n’a pas disparu, il est encore observable dans les mouvances du traditionalisme catholique, mais, pour l’essentiel, la haine et la diabolisation des Juifs se sont reformulées sur le registre de l’antisionisme radical, voyant en tout Juif un «sioniste» conspirant contre les peuples et dans l’État d’Israël un État en trop, à éliminer. En France, la popularité d’un Dieudonné et l’influence d’un Soral, qui voient partout à l’œuvre la main invisible des «sionistes», témoignent de la banalisation de cette thématique.
Les thèses «optimistes» annonçant le déclin ou la fin prochaine de l’antisémitisme (ou plus exactement de la haine idéologisée visant les Juifs), assurément réconfortantes aux yeux de certains militants engagés dans le combat idéologique contre Israël, sont toutes fausses, au regard des statistiques disponibles sur les faits antijuifs relevés en France au cours des années 1998-2012. L’analyse de l’évolution des actes ou des faits antijuifs (violences et menaces confondues), recensés en France de 1998 à 2012, montre une augmentation globale de la judéophobie depuis le début des années 2000, avec des « pics » en 2000, 2002, 2004, 2009 et 2012. [...]
Les Juifs sont perçus par ceux qui les haïssent comme aussi redoutables que vulnérables. Cette perception ambivalente, qui vient de loin, entretient et renforce la haine antijuive. Depuis les années 1980, les milieux antijuifs ont tendance à imaginer la «puissance juive» comme une sur-puissance cachée, dont ils croient voir les effets dans tous les événements perçus comme scandaleux ou catastrophiques. D’où ce mélange de lâcheté (s’attaquer à des passants, à des enfants ou des écoliers sans défense) et de ressentiment (la rage née d’un sentiment d’impuissance devant la satanique sur-puissance juive,
inévitablement occulte). Les effets de la crise sont, du moins jusqu’à nouvel ordre, moins importants, en raison de la mondialisation sélective de l’information (privilégiant le conflit israélo-palestinien), que l’évolution des rapports de force au Proche-Orient, perçus à travers le prisme déformant du tout-puissant oppresseur et bourreau israélien et de la faible et émouvante victime palestinienne. En France comme dans d’autres pays européens, les antijuifs jouent des rôles modelés sur les actions des Palestiniens, islamistes ou non – de la propagande mensongère (l’escroquerie médiatique de «l’assassinat» par les «sionistes» du jeune Mohamed al-Dura en 2000) aux attaques jihadistes, entraînant ou non mort d’homme. Mais rien n’empêche que, dans les années qui viennent, les Juifs puissent être accusés d’être responsables de la crise en Europe ou d’une guerre généralisée au Proche-Orient." Lire l'article complet ICI.
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