dimanche 17 octobre 2010

Rupert Murdoch et Moshe Kantor inquiets de l'antisémitisme en Europe

"Si ces petites communautés juives ne peuvent pas recevoir la protection ou du moins un répit des autorités officielles alors nous entrons dans une période très noire pour les Juifs en Europe.  Cela démontre que l'antisémitisme au mieux est activement favorisé et au pire qu'il est ignoré par des dirigeants en Europe." (Moshe Kantor)

"Far from being dismissed out of hand, anti-Semitism today enjoys support at both the highest and lowest reaches of European society – from its most elite politicians to its largely Muslim ghettoes. European Jews find themselves caught in this pincer. Maybe we shouldn’t be surprised by these things. According to one infamous European poll a few years back, Europeans listed Israel ahead of Iran and North Korea as the greatest threat to world peace. [...] When Europe’s political leaders do not stand up to the thugs, they lend credence to the idea that Israel is the source of all the world’s problems – and they guarantee more ugliness. If that is not anti-Semitism, I don’t know what is." (Rupert Murdoch)

La photo ci-dessus a été prise lors d'une manifestation anti-israélienne et pro-Hamas à Dusseldorf en 2009 (Night Falls On Europe, Daphne Anson).

PARIS (EJP)---Certaines communautés juives en Europe sont en "grave danger" après une récente vague d’antisémitisme qui est en partie "officiellement autorisée", selon le Congrès juif européen (CJE).

"Si ces petites communautés juives ne peuvent pas recevoir la protection ou du moins un répit des autorités officielles alors nous entrons dans une période très noire pour les Juifs en Europe", déclare Moshe Kantor, président de l’organisation juive pan-européenne, dans un communiqué.


Le CJE cite plusieurs incidents antisémites récents, notamment à Anvers [en fait à Halle: En Belgique un jeu pédagogique: jeter des soldats juifs à la mer, digne de l'extrême droite ?] et à Malmö. Dans cette ville du sud de la Suède, au cours du dernier week-end, un événement organisé pour des enfants juifs a été la cible d'attaques d'un gang de voyous qui ont crié "Heil Hitler" et "Porcs juifs" [Agression contre des enfants juifs de Malmö]. Les agresseurs sont mêmes entrés dans le bâtiment où se trouvaient les enfants et l’ont endommagé. Le journal local Sydsvenskan a rapporté que ces jeunes âgés de 13 à 14 ans, ont accompagné leurs sogans antisémites d’agressions physiques.

Le CJE note que cette agression s’est produite quelques semaines après la réélection du maire de Malmö, Ilmar Reepalu. Au début de cette année, alors qu’une montée subite de l’antisémitisme touchait la communauté juive de la ville, Reepalu l’avait considérée comme une "conséquence compréhensible du conflit Israélo-palestinien". Il avait ajouté: "nous n'acceptons ni le sionisme ni l'antisémitisme," mettant sur le même pied l'autodétermination nationale du peuple juif et la haine et le racisme.

Le Congrès juif européen note aussi que ces événements se sont produits peu après les commentaires antisémites formulés par l'ancien membre du conseil de la Bundesbank, Thilo Sarrazin [comme certains commentateurs nous ne considérons pas que les remarques de M. Sarrazin étaient antisémites], le Commissaire européen pour le commerce, Karel De Gucht [En Europe, le naturel revient au galop, Bret Stephens]et un parlementaire européen espagnol, Emilio Menendez del Valle [Un eurodéputé espagnol dénonce le "lobby juif" aux U.S.].

"Cela démontre que l'antisémitisme au mieux est activement favorisé et au pire qu'il est ignoré par des dirigeants en Europe", a dit Moshe Kantor. 

"En raison de cette situation intolérable, les petites communautés juives, comme celle de Malmö, sont menacées de disparition", de nombreuses famille quittant la ville en raison du climat antisémite qui y règne.

Le Congrès juif européen a exhorté les gouvernements européens et l'Union européenne de lancer une campagne contre l'intolérance et l'antisémitisme et de rappeler aux citoyens européens que la nouvelle Europe a été établie après la deuxième guerre mondiale sur le concept "Plus jamais cela".

2 commentaires :

Gilles-Michel DEHARBE a dit…

La plupart du temps, l'idée concrète que l'on se fait de la tolérance se distingue mal d'une attitude d'indifférence égoïste. A certaines périodes critiques, la tolérance devient même l'antichambre de la compromission et de la collaboration.

" La philosophie a dû proscrire sans doute cette superstition, qui croyait presque ne pouvoir trouver des règles de conduite que dans l’histoire des siècles passés, et des vérités que dans l’étude des opinions anciennes. Mais ne doit-elle pas comprendre, dans la même proscription, le préjugé qui rejetterait avec orgueil les leçons de l’expérience? " se demande Condorcet. Cette question nous ramène à la pratique du devoir de mémoire censée nous responsabiliser en ce qu’elle nous permettrait de dominer notre réalité contemporaine.

La pratique du devoir de mémoire est indispensable au maintien de l’unité d’un groupe, elle lui donne une cohérence, des valeurs, des normes communes. Son invocation se fonde sur la morale ; la mémoire commune est notre code. Le devoir de mémoire relève de la religion. Or, comme le remarque Serge Berstein : "[...] tout système qui désire atteindre à une certaine stabilité doit emprunter au religieux". On peut ici entendre " religieux " dans les deux sens que suggère l’étymologie ambivalente du terme. Religieux au sens de relegere (Cicéron), relire, au sens figuré, relire le passé, c’est-à-dire se rappeler régulièrement un passé supposé commun, et aussi relire dans le sens de réinterpréter pour les besoins de la cause. La cause est ici le maintien de la cohésion sociale à travers la définition d’une identité commune - religare, relier (Lucrèce). Le devoir de mémoire ou culte d’une mémoire qui doit nous être commune est, du point de vue de tout pouvoir, le principe cohésif par excellence. Pour Ernest Renan, le chant spartiate : " Nous sommes ce que vous fûtes ; nous serons ce que vous êtes » est « l’abrégé de toute patrie " ; une nation se définit selon lui bien moins par ses frontières que par l’existence " dans le passé d’un héritage de gloires et de regrets à partager et dans l’avenir d’un même programme à réaliser ".

La mémoire collective doit pour ce faire être intangible et s’affranchir, sauf à perdre son caractère opératoire, de tout travail critique : " Elle trie à son gré dans la matière historique - écrit Mona Ozouf -, se donne le droit d’isoler tel épisode révélateur, de s’attarder à des nœuds temporels, d’ignorer en revanche de très longues séquences ". Elle s’établit donc, aussi, sur l’obligation de silences. Nécessaire à la concorde civile, la pratique du devoir de mémoire, qui implique une relation affective immédiate à un passé mythifié, fait de nous des citoyens passifs, des croyants ... (c'est la commémoration). Elle homogénéise et tend à dissoudre l’individu dans le groupe.

Gilles-Michel DEHARBE a dit…

Selon Paul Ricoeur, la dette à l’égard du passé oblige ; il souligne que l’exhortation d’Israël : " Zakhor ", " Souviens-toi ", est une invocation, non un commandement. Or, le devoir de mémoire serait l’occasion d’abus : de l’invocation à se souvenir, nous serions passés à la sommation. Nous étions conviés à honorer une certaine mémoire afin de nous responsabiliser, mais l’invitation tend à se muer en injonction et la responsabilisation en culpabilisation : " Le devoir de mémoire est aujourd’hui volontiers convoqué dans le dessein de court-circuiter le travail de l’histoire, au risque de refermer telle mémoire de telle communauté historique sur son malheur singulier, de la figer dans l’humeur de la victimisation, de la déraciner du sens de la justice et de l’équité. C’est pourquoi je propose de dire travail de mémoire et non devoir de mémoire". Les dérives récentes du devoir de mémoire ont également été analysées et dénoncées avec force et finesse par Pierre Nora :

" L’important, ici, n’est cependant pas l’inflation proliférante du phénomène, mais sa transformation interne : la subversion et le délitement du modèle classique de la commémoration nationale, tel que la Révolution l’avait inventé et tel qu’en lui-même l’avait fixé la IIIe République conquérante [...]" ; ou par Henry Rousso : "Lorsque le devoir de mémoire se transforme en morale de substitution, et prétend ériger en dogme la conscience permanente, imprescriptible et universelle du crime commis, il se retrouve dans une impasse. [...] La morale, ou plutôt le moralisme, ne fait guère bon ménage avec la moralité historique. Pour conserver sa force d’édification, il va finir par tricher avec les faits [...]".

L’abolition de l’histoire est une sorte d’affreuse liberté pour ceux qu’elle délivre effectivement de tout devoir vis-a-vis du passé comme de toute charge envers l’avenir.