"Dans l'histoire du régime nazi, la célébration des Jeux olympiques, à Berlin, en août 1936, marque un haut moment, une sorte de point culminant, sinon d'apothéose, pour Hitler et le IIIe Reich. [...] Hitler s'est imposé à l'Europe comme un personnage extraordinaire. Il ne répand pas seulement la crainte ou l'aversion; il excite la curiosité; il éveille des sympathies; son prestige grandit; la force d'attraction qui émane de lui s'exerce au delà des bornes de son pays. Des rois, des princes, des hôtes illustres se pressent dans la capitale du Reich [...] Et tout le monde, en face d'une organisation sans lacune, d'un ordre et d'une discipline sans fissure, d'une prodigalité sans limite, tout le monde s'extasie De fait, le tableau est magnifique." André François-Poncet, ambassadeur de France à Berlin de 1931 à 1938 [2]
Deuxième partie de la traduction d'un article paru dans le magazine flamand Joods Actueel le 2.8.2012 - première partie: Berlin 1936: un Comité olympique trop proche des nazis (1)
Hitler envoie une couronne aux funérailles de Baillet-Latour
Lorsque Henri de Baillet-Latour meurt en 1942, Hitler fait déposer sur le cercueil une couronne ornée d'un ruban sur lequel est gravée une croix gammée et son nom.
Détail. |
Joods Actueel a appris que les archives privées d'Henri de Baillet-Latour sont réparties entre le CIO à Lausanne et une petite-fille qui vit à Paris. Une autre partie des archives se trouve à Brasschaat et sont gérées par l'historien Francis Dierckxsens, religieux à l'Abbaye d'Averbode . Il nous a confié: "Vous devez comprendre que l'antisémitisme était très répandu dans les années trente et, dans un sens, si je puis m'exprimer ainsi, il était même 'de bon goût'. L'attitude de Baillet-Latour semble être enracinée dans une conception aristocratique qui attache une grande importance à la continuité et il a voulu maintenir la tradition olympique. Il avait besoin de faire des compromis et, dans certains cas, il est allé trop loin."
Les funérailles de Baillet-Latour, un show nazi sans précédent
La couronne avec la croix gammée qu'Hitler avait envoyée était bien sûr mise en évidence. Mais il y a eu plus d'une centaine de couronnes semblables au point que le drapeau olympique sur le cercueil n'était plus visible.
De même que les deux nazis de haut rang dans le domaine du sport que Mme de Baillet-Latour avait invités - Karl Ritter von Halt et Carl Diem [qui disait lors de la campagne de France en 1940 "Les succès sportifs en temps de paix se sont transformés en victoires militaires" et "La guerre est le plus noble et primordial des sports"] - de nombreux responsables militaires et politiques allemands ou leurs représentants participèrent au cortège funèbre. Le diplomate allemand Werner von Bargen était présent et a déposé une gerbe de fleurs sur le cercueil de la part de l'infâme nazi Joachim von Ribbentrop. Zanzer Alexander, directeur de la Centrale Juive, a écrit dans un article Le Mythe brisé des Affaires étrangères (magazine de la Centrale n ° 18) comment von Bargen fut activement impliqué dans la déportation des Juifs d'Anvers et de Bruxelles [après la guerre il continue sa brillante carrière diplomatique, est nommé ambassadeur en Irak et reçoit la Grande Croix du Mérite avec étoile de la République fédérale d'Allemagne]. Les diplomates de son espèce ne se gênaient pas pour préciser sur leurs notes de frais que ceux-ci était encourus dans le cadre de "l'extermination des Juifs" [ce fut le cas de Franz Rademacher "chargé" de l'extermination des Juifs de Belgrade].
Goebbels et von Falkhausen firent également livrer des couronnes. Karl Ritter von Halt fit un discours hystérique et tonitruant en allemand au nom de Hitler et du ... Comité international olympique. Ceci explique la raison du voyage de la comtesse de Berlin à Bruxelles et non, comme un historien que nous avons consulté voudrait nous faire croire, qu'il avait été effectué pour des raisons "pratiques".
Même après la guerre, le fait qu'en 1951 un dirigeant nazi est devenu président du Comité olympique allemand en 1951 et est resté en fonction jusqu'à 1961 ne semblait pas poser de problème au CIO [Karl Ritter von Halt réussit "à effacer son passé de dirigeant nazi", car il dirigea le Comité National Olympique allemande de 1951 à 1961]. Baillet-Latour a été le président qui a voulu garder les Jeux olympiques à Berlin, même si cela signifiait coopérer avec un régime antisémite et raciste. Mais il y a plus. Après les Jeux de 1936 il est devenu membre honoraire de Freude und Arbeit, une organisation sportive nazie active dans 62 pays et qui avait été fondée par Goebbels pour servir d'outil de propagande. Cela jette un éclairage différent sur les plans qu'Hitler avait pour les Jeux - il voulait qu'ils aient lieu en Allemagne jusqu'à la fin des temps. ["In 1940 the Olympic Games will take place in Tokyo. But thereafter they will take place in Germany for all time to come, in this stadium" (Hitler, in conversation with Albert Speer, general architectural inspector for the Reich, spring 1937)]
[1] Victor Klemperer, I shall bear witness, the diaries of Victor Klemperer 1933-1944, Weidenfeld & Nicolson, 1988, p. 174.
[2] André François-Poncet, Souvenirs d'une ambassade à Berlin, septembre 1931-octobre 1938, Paris, Flammarion, 1946. p. 262.
La version anglaise de cet article: The shameful past of the Olympic Games and its present-day repercussions. Peter Marino du Gatestone Institue fait référence à l'article de Joods Actueel (Olympic Silence: The Anti-Semitic Past of the IOC) qui est, malheureusement, demeuré largement ignoré en Europe!
3 commentaires :
La participation de l'Allemagne aux JO est directement liée à son histoire politique. 1920, l'Allemagne se trouve exclue des Jeux avec les autres nations vaincues. Elle y revient en 1928, à Amsterdam.
1936, le pouvoir nazi a très vite compris ce qu'il pouvait tirer d'une situation préparée avant son accession au pouvoir (le CIO élit la ville de Berlin au congrès de Barcelone en 1931).
« Héritage » de la Seconde Guerre mondiale, la partition de l’Allemagne ne s’impose que très lentement pour les instances olympiques.
Le CIO ne reconnaît, en 1951, qu’un seul Comité olympique pour laisser aux Allemands le soin de s’entendre entre eux.
Jusqu'en 1966, les Allemands concourent sous une seule couleur en présentant des délégations communes. Le CIO reconnaît (avant les gouvernements) le comité national olympique de RDA dont l'entrée officielle a lieu aux championnats d'Europe de 1966.
Mexico, en 1968, marque aussi les premiers Jeux où les deux Allemagne se présentent officiellement séparées.
* 1er août, fin d'après-midi, 200 athlètes français pénètrent dans le stade olympique. Pantalon blanc, béret vissé sur la tête. En passant à la hauteur de la tribune officielle, tous, comme un seul homme, lèvent le bras droit, sur le côté. C'est le "salut de joinville", salut olympique. Ce salut est l'objet d'une terrible méprise. Dans le stade, 100 000 personnes répondent chaleureusement par le salut nazi, bras tendu, droit devant. Hitler exulte... Nous sommes en 36, aux JO de Berlin. Le geste des Français est un malentendu mais il dit finalement toute l'ambiguité de la présence française à ces jeux organisés par et pour un régime qui s'apprête à écraser l'Europe de sa puissance.
Quelques minutes plus tard, les Américains effectueront, eux, leur tour de piste la main sur le coeur, tournés vers leur drapeau. Première action symbolique, déjà de contestation. La scène est racontée par Fabrice Abgrall dans son livre "1936, la France à l'épreuve des jeux olympiques de Berlin."
après la guerre, le président du CIO, le suédois Erdstrom ainsi que le futur président, Avery Brundage, tous les deux des antisémites convaincus, font du chantage auprès de l'URSS pour libérer leur ami et criminel de guerre emprisonné à Buchenwald, Karl Ritter von Halt, en échange de leur participation aux Jeux. (Studia Germanica et Austriaca N° 1 Sommer 2002, Thorsten Pomian)
C'est dans l'année 2006 que la ville de Garmisch Partenkirchen renomme la stade Karl Ritter von Halt dans son nom d'origine parce que ce nazi ne devait pas avoir cet honneur que le belge Jacques Rogge commence à honorer son prédécesseur antisémite Henri de Baillet-Latour. Rogge avait déjà honoré le fasciste et corrompu Samaranch...
Enregistrer un commentaire