Affichage des articles dont le libellé est Nazisme. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Nazisme. Afficher tous les articles

jeudi 10 septembre 2020

1945: Une jeune Juive battue à mort par cinq enfants et adolescents allemands


Qui était la jeune Juive de vingt ans, battue à mort par cinq enfants et adolescents allemands?

Lundi, 19 février 1945.

Dans la soirée, un groupe d'enfants et de très jeunes gens du bourg d'Herzogswalde, en Saxe, découvrent dans une ferme une jeune Juive de vingt ans, squelette en tenue rayée échappé d'une marche de la mort passée l'avant-veille.  Le fermier demande au jeune K., dix-sept ans, d'accompagner la déportée au domicile du bourgmestre.  K. commence par frapper la jeune fille avec un nerf de boeuf.  Puis il la charge, évanouie, sur une brouette et quitte la ferme, accompagné de ses camarades.  L'on se propose bientôt de la pendre, mais il n'y a pas de corde à proximité.  K. juge alors que le mieux est de la battre à mort.  À la lumière de leurs lampes de poche, cinq enfants et adolescents martyrisent longuement la jeune fille à coups de nerf de boeuf et de gourdin avant de jeter son cadavre dans un ruisseau.  À son procès, tenu en 1949, le jeune K. racontera avoir été incité au crime par les déclarations de villageois venus observer le passage des déportés.  Selon la foule, ces femmes étaient les mêmes "qui, à l'est, avaient crevé les yeux de soldats allemands".

Jean Lopez, Les cent derniers jours d'Hitler, Tempus, pp. 91-92

mercredi 8 juillet 2020

En Europe vivent d'anciens esclaves juifs et leurs descendants


A l'heure actuelle où l'on parle beaucoup d'esclaves, il convient de rappeler que des Juifs, qui furent des esclaves des nazis, et des milliers de leurs enfants et petits-enfants vivent toujours en Europe.  Comme le rappelle Zoe Strimpel:



dimanche 7 juin 2020

Hermann Gräbe: "La fosse était pleine presque aux deux tiers. J'ai estimé qu'elle contenait déjà un millier de personnes."



Hermann Friedrich Gräbe (Yad Vashem)
Ingénieur fort compétent, Hermann Friedrich Gräbe travailla à partir de 1941 comme directeur régional d'une entreprise de construction de Solingen dans l'Ukraine occupée par les Allemands. Il effectuait en Volhynie des «missions de guerre», et dirigeait le travail de maintenance et de construction de voies ferrées pour la Reichsbahn. C'est là qu'à Rivne et à Doubno il fut témoin du massacre de la population juive.  
Antinazi convaincu, il réussit à procurer à des milliers de Juifs des faux papiers et à les occuper officiellement comme main-d'œuvre sur ses chantiers de construction. «On ne peut pas voir couler devant soi tant de sang et ne pas être bouleversé, disait-il plus tard. J'étais obligé de faire quelque chose. Il me fallait protéger le plus de gens que je pourrais.»  
Dans le chaos des derniers mois de guerre, il réussit à faire passer à l'Ouest ses notes sur les actions de meurtre. Elles permirent aux Américains de découvrir des fosses communes en Ukraine et d'identifier les responsables. Gräbe fut témoin à Nuremberg en 1946 pendant les procès des criminels de guerre. Ses déclarations détaillées contribuèrent de façon décisive à la condamnation de nombreux responsables. Voici son rapport de témoin oculaire :
« Le chef d’équipe et moi sommes allés directement vers les fosses. Personne ne nous en a empêchés. Alors, j'ai entendu des coups de fusil se succéder rapidement de derrière une des buttes de terre. Les gens qui étaient descendus des camions - hommes, femmes et enfants de tout âge - ont dû se déshabiller sur l'ordre d'un SS qui portait une cravache. Ils ont dû déposer leurs vêtements aux endroits qu’on leur indiquait, là les chaussures, là les vêtements, là les sous-vêtements. J'ai vu des tas de chaussures d’environ 800 à 1000 paires, de grands tas de sous-vêtements et de vêtements. Sans crier ni pleurer ces gens se déshabillaient, se tenant groupés en familles, ils s'embrassaient, se disaient adieu, et attendaient un signe d'un autre SS qui se tenait près de la fosse, lui aussi avec un fouet dans sa main. Pendant les quinze minutes où j’étais là, je n'ai entendu personne se plaindre ou demander grâce. Je regardais une famille de huit personnes, un homme et une femme tous les deux d’environ cinquante ans, avec leurs enfants d'environ 20 à 24 ans, et deux grandes filles de vingt-huit ou vingt-neuf ans. Une vieille femme aux cheveux blancs de neige tenait dans ses bras un enfant âgé d'un an tout en lui chantant et le chatouillait. L'enfant paraissait gazouiller de plaisir. Les parents regardaient avec des larmes dans les yeux. Le père tenait par la main un garçon d'environ dix ans et lui parlait doucement, tandis que le garçon luttait pour ne pas pleurer. Le père a montré le ciel, a caressé la tête de son fils et a semblé lui expliquer quelque chose à lui. À ce moment, le SS près de la fosse a commencé à crier quelque chose à son camarade. Celui-ci a compté une vingtaine de personnes et leur a ordonné d'aller derrière la butte de terre. Parmi eux se trouvait la famille dont je viens de parler. Je me souviens bien d'une jeune fille, mince avec des cheveux noirs et qui, comme elle passait devant moi, s’est désignée et a dit: «vingt-trois ans». J’ai contourné la butte et me suis trouvé devant une tombe terrifiante. Les gens étaient étroitement serrés les uns et gisaient les uns sur les autres si bien qu’on ne pouvait voir que leurs têtes. Presque tous avaient du sang qui giclait de leurs têtes sur leurs épaules sur leurs épaules de leurs têtes. Certains du coup les gens étaient toujours en mouvement. Certains levaient les bras et tournaient la tête pour montrer qu'ils étaient encore vivants. La fosse était pleine presque aux deux tiers. J'ai estimé qu'elle contenait déjà un millier de personnes. J'ai cherché l'homme qui avait fait le meurtre. C’était un SS, qui était assis au bord de l'extrémité étroite de la fosse, les pieds ballants dans la fosse. Il tenait une mitraillette sur ses genoux et fumait une cigarette. Les gens, complètement nus, descendaient quelques marches taillées dans le mur de glaise de la fosse et grimpaient sur la tête de ceux qui gisaient déjà là où le SS les dirigeaient. Ils se couchaient face à ceux qui étaient déjà morts ou blessés, certains caressaient ceux qui vivaient encore et leur parlaient à voix basse. Alors j'ai entendu une série de coups de feu. J'ai regardé dans la fosse et j'ai vu que les corps frémissaient encore ou que les têtes gisaient déjà, immobiles au-dessus des corps qui se trouvaient en dessous. Le sang giclait de leur cou. La fournée suivante s’approchait déjà. Ils sont descendus dans la fosse, se sont alignés contre les victimes précédentes et ont été abattus. »
Pour lui et pour sa famille les conséquences furent amères. Ils reçurent des menaces de mort. En outre, celui qui avant-guerre avait été un ingénieur expérimenté et un entrepreneur ne pouvait plus trouver aucun travail dans l'Allemagne d'après-guerre. Personne ne voulait faire d'affaires avec le «traître à la patrie», celui qui crachait sur les siens. En 1948 Gräbe, avec sa femme et son fils, émigra en Californie. En 1953 il reçut la nationalité américaine.

En 1965, alors que Gräbe était honoré en Israël comme un «Juste parmi les nations» au Mémorial de Yad Vashem, il était en Allemagne l'objet de violentes calomnies. Georg Marschall, un des criminels nazis condamnés à Nuremberg en raison des déclarations de Gräbe, obtint en 1966 la révision de son procès. Son avocat mit en doute la crédibilité de Gräbe comme témoin et obtint qu'il fût accusé de faux témoignage.
Lire l'article complet @ Wikipedia

mardi 2 juin 2020

Histoire d’un Allemand, de Sebastian Haffner (blog 'Un Idiot Attentif')


Repris du blog Un Idiot Attentif:
[…] Le livre dont il s’agit est Histoire d’un Allemand, de Sebastian Haffner(1). A mesure que je progresse dans sa lecture, je suis stupéfait par la lucidité et l’intelligence de son analyse. Il y évoque, à partir de sa propre expérience et d’une attention fine aux événements ordinaires de la vie, le lent processus de décomposition politique, culturelle et sociale qui a abouti à la prise du pouvoir par les nazis. L’auteur, Raimund Pretzel (Haffner est un pseudonyme, sans doute inspiré par le nom d’une symphonie de Mozart) est né en 1907. Cet ouvrage, écrit en 1939, un an après que Pretzel ait quitté l’Allemagne pour l’Angleterre, lui avait été commandé par un éditeur allemand exilé. Le déclenchement de la guerre en empêcha la publication et ce n’est qu’à sa mort, en 1999, longtemps après qu’il soit revenu en Allemagne, que son manuscrit fut retrouvé dans ses archives par son fils, et publié. […]

Lorsqu’il en vient à évoquer les événements de 1933, Haffner, toujours attentif aux «signaux faibles», redouble de clairvoyance. Dans une digression sur l’histoire, il écrit: «… on est tenté de croire que l’histoire se joue entre quelques douzaines de personnes qui ‘’gouvernent les destins des peuples’’, et dont les décisions et les actes produisent ce que l’on appelle par la suite ‘’l’Histoire’’ (…) Un fait indubitable, même s’il semble paradoxal, c’est que les événements et les décisions historiques qui comptent vraiment se jouent entre nous, entres les anonymes, dans le cœur de chaque individu placé là par le hasard, et qu’en regard de toutes ces décisions simultanées, qui échappent même souvent à ceux qui les prennent, les dictateurs, les ministres et les généraux les plus puissants sont totalement désarmés.» De quoi faire réfléchir à notre responsabilité individuelle face aux événements sociaux et politiques. Appliquant son raisonnement à la guerre de 14-18, il ajoute: «Pourquoi les Allemands ont-ils perdu la guerre en 1918, tandis que les Alliés la gagnaient ? Un progrès dans la stratégie de Foch et de Haig, un relâchement dans celle de Ludendorff ? Nullement, mais dans le fait que ‘’le soldat allemand’’, celui qui composait la majorité d’une masse anonyme de dix millions d’hommes, a cessé soudain d’être disposé, comme il l’était jusqu’alors, à risquer sa vie à chaque attaque et à tenir ses positions jusqu’au dernier homme. Où s'est joué ce changement décisif ? Nullement dans des rassemblement massifs de soldats mutinés, mais, de façon incontrôlée et incontrôlable, dans le cœur de chaque soldat allemand».

vendredi 29 mai 2020

En souvenir de Richard Zrehen (Johan Huinzinga s'oppose au Nazi Johannes von Leers, 1933)


Richard Zrehen (né un 29 mai et mort en 2011), texte de 2007 repris de son blog:
[…] Johan Huinzinga (1872-1945), le célèbre historien d’art, l’un des fondateurs de l’Histoire culturelle, l’auteur de Homo Ludens, alors recteur de l’université de Leyde a décidé, en avril 1933, d’annuler l’invitation faite (par son université) à Johannes von Leers (1902-1965) d’assister à une conférence internationale: il venait d’apprendre que von Leers, universitaire nazi, avait écrit un pamphlet antisémite, Juden Sehen Dich An (Les Juifs vous surveillent) dans lequel le «crime rituel juif» («assassinat d’enfants chrétiens par les Juifs pour ‘récupérer’ son sang, nécessaire à la confection du pain azyme pour la Pâque») était présenté comme un fait avéré.

Huinzinga a tenu bon, a résisté à toutes les pressions, a eu des problèmes avec les éditeurs suisses et allemands qui publiaient ses livres et, ultimement, est mort en captivité aux mains des Nazis, mais van Leers n’aura pas été l’hôte de son université.
Pour l’anecdote, van Leers, un protégé de Goebbels qui appréciait ses talents de propagandiste, chaud partisan de la «solution finale», allait, après quelques années passées dans l’Argentine de Peron, se convertir à l’Islam dans les années 1950 et entrer au service du président égyptien G. A. Nasser – rejoignant ainsi nombre de ses camarades d’un combat qui, pour eux, n’avait pas cessé avec la défaite de l’Allemagne nazie. En 1953, il parlera avec émotion de «l’émouvant accueil plein d’humanité que des centaines de ‘réfugiés allemands’, des milliers peut-être, ont reçu des musulmans du Moyen-Orient après la guerre» (Wiener Library Bulletin, XI, 1-2, 1957). 
Mais dès 1934, van Leers vantait la grande tolérance de l’Islam dans Der Kardinal und die Germanen (“Le Cardinal et les Allemands”). En, 1936, dans Blut und Rasse in der Gesetzgebung (“Sang et Race dans la Législation”) il exprimait son admiration pour «l’Islam impérieux et guerrier de peuples qui ont une claire composante raciale nordique». De 1938 à 1942, il s’est beaucoup intéressé aux relations (mauvaises) entre le Prophète et les Juifs à Médine. Et, en 1957, il expliquera ainsi le choix de son «nom de baptême» au nazi américain H. Keith Thompson: «J’ai embrassé l’Islam et pris pour nom Omar Amin, Omar, pour le Calife Omar (Omar Ibn Al Khattab, 2e calife de l’Islam, mort en 644) implacable ennemi des Juifs, Amin, en l’honneur de mon ami Hadj Amin el Husseini, le Grand Mufti (de Jérusalem, célèbre pour son « Izbah Al-Yahud ! » («Egorgez les Juifs!») ayant provoqué les massacres de Hebron et Safed en 1929, «invité spécial de Hitler» à Berlin de 1941 à 1945, organisateur de l’assassinat du roi Abdallah de Jordanie en 1951, oncle de Mohammed Abdel-Raouf Arafat As Qudwa al-Hussaeini, aka Yasser Arafat, entre autres)». 
A la veille de sa mort, van Leers s’était fait l’avocat d’une expansion de l’Islam en Europe dont la jonction avec l’Islam du Maghreb et celui de certaines républiques d’URSS (!) devait, à terme, constituer un bloc uni et puissant, pouvant traiter d’égal à égal avec l’Ouest et l’Est.
*
Leiden University : Then and now…
Lire l'article complet

mardi 12 mai 2020

"Si le nazisme avait gagné la guerre, il aurait continué à traquer les Juifs partout pendant mille ans"


FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - En ce 8 mai 2020, l’historien Jean Lopez revient sur les relations entre l’URSS et l’Allemagne nazie au cours de la Seconde Guerre mondiale ainsi que sur le tournant de l’opération Barbarossa. Nous sommes loin d’en avoir fini avec la guerre des mémoires et l’instrumentalisation politique de l’histoire, affirme-t-il. Par Alexandre Devecchio
[…] Quant aux convictions nationales-socialistes de la Wehrmacht, elles ne sont plus à démontrer. Les généraux sont d’accord, par principe, sur la militarisation de la société, le redressement extérieur, l’écrasement de la gauche, la marginalisation des Juifs allemands. En URSS, ils n’auront pas de scrupules moraux à abattre les commissaires politiques et à aider massivement les Einsatzgruppen à massacrer Juifs, communistes, malades et handicapés, et supposés partisans à une échelle jamais vue auparavant. Plus d’une fois, des soldats de la Wehrmacht prêteront la main aux crimes de masse. S’il est risible de parler d’un «honneur sauf» de la Wehrmacht, on n’oubliera tout de même pas que c’est de ses rangs qu’est venue l’opposition la plus décidée à Hitler, même si elle ne concerne que quelques centaines d’officiers sur des dizaines de milliers. […] 
Une grosse différence néanmoins (parmi bien d’autres, mineures): le régime nazi serait resté éliminationniste avec ou sans Hitler, sous peine de se renier: tuer les «inférieurs» est dans son ADN. En revanche, le système soviétique sans Staline s’est montré beaucoup moins létal ; il a su retrouver une forme de «légalité socialiste», même relative... On peut donc penser - ce qui ne clôt pas la discussion - que le stalinisme a été une aberration temporaire, ce que l’on ne peut dire du nazisme. Si, par uchronie, le nazisme avait gagné la guerre, il aurait continué à traquer les Juifs partout pendant mille ans, il n’aurait cessé d’assassiner sans relâche handicapés physiques et mentaux.
Lire l'intégralité de l'entretien

jeudi 5 mars 2020

"Le retour de l'antisémitisme est un phénomène stupéfiant à observer" (Ian Kershaw)


Entretien entre Marc Weitzmann, écrivain et journaliste,  et Ian Kershaw, historien britannique connu pour ses travaux sur la Seconde Guerre mondiale, Adolf Hitler et le nazisme. Il est l'auteur d'une biographie en deux tomes, une des principales références actuelles sur Hitler, et de l'ouvrage Hitler – Essai sur le charisme en politique.

Ian Kershaw:
"[…] Rétrospectivement, nous savons que la superpuissance européenne a disparu dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais à l’époque on ne voit pas – ou on ne veut pas voir – les choses ainsi. […]

L’idée que bâtir des systèmes politiques stables est la meilleure réponse face à la menace de la guerre froide est alors très forte dans l’opinion publique, particulièrement du côté des gouvernements conservateurs. Les mouvements de gauche étaient, pour certains, bienveillants à l’égard de l’Est, voire l’érigeaient en exemple. Le prix à payer pour ce désir de stabilité est d’abord une certaine amnésie historique. On prête très peu d’attention aux ravages cataclysmiques commis par les nazis, l’Holocauste en particulier est négligé – le terme est d’ailleurs inconnu à l’époque. […]

Il est facile de dire que les spectres du passé reviennent nous hanter. Il y a des parallèles, bien sûr, mais les mouvements populistes de droite, par exemple le Front national et le mouvement pro-Brexit, qui ont des similitudes, sont des réactions aux impacts négatifs de la mondialisation. [...] Un grand revers a accompagné ce mouvement, et c'est ce revers que l'on peut comparer aux années trente dans la mesure où c'est l'autre, l'étranger (outsider) qui est pointé du doigt, l'Européen, l'immigré, le musulman, le juif. Le retour de l'antisémitisme est d'ailleurs un phénomène stupéfiant à observer."
Lire l'article complet @ Revue des Deux Mondes

dimanche 23 février 2020

Manès Sperber: "En terre chrétienne on s'apprêtait à massacrer les juifs sans penser au Crucifié"


Manès Sperber:
"Le nazisme a surpris les Juifs dans une situation où ils n'étaient ni enclins ni préparés à mourir pour Dieu. Ainsi, il se produisit pour la première fois en terre chrétienne qu'on s'apprêtait à massacrer les juifs sans penser au Crucifié. Et, pour la première fois, les juifs d'Europe durent mourir pour rien, au nom du rien. Nul enthousiasme nécrologique ne saurait balayer ce fait de la surface du globe, guérir la conscience malheureuse qui reflète sans cesse ce fait, et rien ne pourra jamais changer cela."
Churban ou l'Inconcevable Certitude (Churban oder Die unfaßbare Gewißheit (1979))

Cité par Imre Kertész dans L'Holocauste comme culture.  Kertész ajoute:
"Profonde vérité de ces paroles. Mais, durant les trente ans qui ont passé depuis la parution de l'essai de Sperber, il semble que l'autre face de cette vérité ait commencé à apparaître peu à peu."

samedi 18 janvier 2020

Menstruation and the Holocaust


L'article le plus lu de History Today en 2019.

Menstruation is rarely a topic that comes to mind when we think about the Holocaust and, until now, has been largely avoided as an area of historical research.

Jo-Ann Owusu, a recent History graduate from the University of Warwick, @ History Today:
Untitled drawing by Nina Jirsíková, 1941. Remembrance and Memorial Ravensbrück/SBG, V780 E1.
[…] Periods impacted on the lives of female Holocaust victims in a variety of ways: for many, menstruation was linked to the shame of bleeding in public and the discomfort of dealing with it. Periods also saved some women from being sexually assaulted. Equally, amenorrhoea could be a source of anxiety: about fertility, the implications for their lives after the camps and about having children in the future. 
[…] Upon entry into the camp, prisoners were given shapeless clothing and had their heads shaved. They lost weight, including from their hips and breasts, two areas commonly associated with femininity. Oral testimonies and memoirs show that all of these changes compelled them to question their identities. When reflecting on her time in Auschwitz, Erna Rubinstein, a Polish Jew who was 17 when in the camps, asked in her memoir, The Survivor in Us All: Four Young Sisters in the Holocaust (1986): ‘What is a woman without her glory on her head, without hair? A woman who doesn’t menstruate?’ […]

The reality of the camps, however, meant that menstruation was hard to avoid or hide. Its suddenly public nature took many women by surprise and made them feel alienated. An additional obstacle was the lack of rags and the lack of opportunities to wash. Trude Levi, a Jewish-Hungarian nursery teacher, then aged 20, later recalled: ‘We had no water to wash ourselves, we had no underwear. We could go nowhere. Everything was sticking to us, and for me, that was perhaps the most dehumanising thing of everything.’ Many women have talked about how menstruating with no access to supplies made them feel subhuman. It is the specific ‘dirt’ of menstruation more than any other dirt, and the fact that their menstrual blood marked them as female, that made these women feel as though they were the lowest level of humanity. […]

Rags could almost be considered to have their own micro-economy. As well as being stolen, they were given away, borrowed and traded. Elizabeth Feldman de Jong’s testimony highlights the value of second-hand rags. Not long after she arrived at Auschwitz, her periods disappeared. Her sister, however, continued to menstruate every month. Experiments involving injections in the womb were common, but if a woman was on her period doctors often avoided operating, finding it too messy. One day, Elizabeth was called to have an operation. There were no clean clothes as opportunities to wash were limited, so Elizabeth put her sister’s underwear on and showed the doctor, telling him that she had her period. He refused to operate. Elizabeth realised she could use her sister’s situation to save herself from experimentation and did so another three times at Auschwitz. […]

Doris Bergen’s classic discussion of sexual violence in the Holocaust includes an interesting example of two Polish-Jewish women assaulted by Wehrmacht soldiers:
On 18 February 1940 in Petrikau, two sentries … abducted the Jewess Machmanowic (age eighteen) and the Jewess Santowska (age seventeen) at gunpoint from their parents’ homes. The soldiers took the girls to the Polish cemetery; there they raped one of them. The other was having a period at the time. The men told her to come back in a few days and promised her five zlotys.
[…] Similarly, Lucille Eichengreen, a young German-Jewish prisoner, recalled in her memoir that during her imprisonment in a Neuengamme satellite camp in the winter of 1944-5, she had found a scarf and was thrilled: she planned to use it to cover her shorn head. Worried that she would be punished for owning a prohibited object, Eichengreen hid the scarf between her legs. Later, a German guard took her aside and, while attempting to rape her, groped her between her legs and felt the scarf. The man exclaimed: ‘You dirty useless whore! Phooey! You’re bleeding!’ His error protected Lucille from rape. In discussing these stories, we must discern the irony at hand: it is rape that should be viewed as disgusting and menstruation as natural and acceptable. 
Lire l'article complet

mardi 8 octobre 2019

Joachim Hirsch, 7 ans, exterminé à Auschwitz il y a 75 ans. Souvenons-nous.


Joachim Hirsch (un petit garçon juif né le 13 mai 1937 à Breslau, Allemagne) fut exterminé dans une chambre à gas dans le camp de Auschwitz II-Birkenau le 6 octobre 1944.

Il y a exactement 75 years. Il avait 7 ans.  Que dire d'une telle barbarie?

Source: Auschwitz Memorial

Ayons également une pensée pour cette petite fille juive dont on connaît les conditions d'extermination grâce à Tadeusz Borowsky:
"D'autres portent une fillette qui a perdu une jambe. Ils la tiennent par les bras et par la jambe qui lui reste. Des larmes lui coulent sur le visage, elle murmure plaintivement: "Messieurs, ça fait mal, ça fait mal..." Ils la jettent sur le camion, parmi les cadavres. Elle brûlera vive avec eux."
Tadeusz Borowski, né le 12 novembre 1922 à Jytomyr en Ukraine et mort le 3 juillet 1951 (à 28 ans) à Varsovie, est un écrivain et journaliste polonais, survivant des camps de concentration d’Auschwitz et de Dachau, "Mesdames, Messieurs, au gaz, s'il vous plaît", Le Monde de Pierre (écrit en 1946 à 24 ans).

jeudi 3 octobre 2019

Les Allemands arrivaient à l'heure le matin pour tuer et repartaient à l'heure, indépendamment du nombre de Juifs à exécuter


Père Patrick Desbois, professeur à l’université de Georgetown (Washington DC), le père Desbois est investi dans de nombreux travaux de recherche sur la Shoah par balles depuis de nombreuses années:
"[…] Quand j'ai commencé cette enquête, je me suis posé une question: pourquoi les Allemands arrivaient-ils toujours à l'heure le matin pour tuer et repartaient-ils à l'heure, indépendamment du nombre de Juifs à exécuter? Je me suis demandé quel était le protocole dans leur tête. C'est pour ça que j'ai structuré le livre comme une journée. La maîtrise du timing et de la topographie étaient les deux clés de l'équipe génocidaire. Ils voulaient rentrer chez eux après la journée, ils voulaient rentrer pile à l'heure à midi. J'ai découvert que la lenteur était punie de la peine de mort: cela les retardait. Enfin, pour ces tueurs, la journée, c'est comme une barrière. Là-bas, il n'y avait pas la structure des barbelés des camps: l'organisation de la journée, ce timing, c'est le cadre qu'ils avaient. Le chronomètre est la clé d'un massacre: les gens arrivent à tel moment et repartent quand c'est fini. Autrement, ce n'est pas un massacre, mais une fusillade. [..] 
Même s'ils ne sont pas progénocidaires, un génocide se fait toujours avec les voisins et ne manque jamais de travailleurs. Il y a aussi le simple intérêt criminel de prendre les biens de l'autre... Ce que j'ai découvert, c'est que quand on autorise cette activité criminelle tout en la déclarant innocente selon la loi du moment, on ne manque jamais de main-d’œuvre."
Lire l'article complet @ La Vie

À lire
La Shoah par balles: La mort en plein jour, Plon, 2019

jeudi 5 septembre 2019

Scènes d'horreur à Auschwitz (Tadeusz Borowski)


Tadeusz Borowski, né le 12 novembre 1922 à Jytomyr en Ukraine et mort le 3 juillet 1951 (à 28 ans) à Varsovie, est un écrivain et journaliste polonais, survivant des camps de concentration d’Auschwitz et de Dachau.

"Mesdames, Messieurs, au gaz, s'il vous plaît", Le Monde de Pierre (écrit en 1946 à 24 ans).
"Dispersés dans les coins, parmi les excréments et les montres perdues, il y a des bébés étouffés, piétinés, des petits monstres nus aux têtes énormes et aux ventres gonflés. On les attrape comme des poulets, plusieurs à la fois."
"On traîne un vieillard en frac, avec un brassard. Le vieillard heurte le gravier, les cailloux, de la tête; il gémit et répète sans relâche, comme une litanie: "Ich will mit dem Herrn Kommandanten sprechen, je veux parler avec le commandant." Il répète cette phrase tout au long du chemin, avec un entêtement sénile. Lancé sur un camion, piétiné, étouffé, il geint encore: "Ich will mit dem…" 
- Calme-toi, bonhomme, ah mais! lui crie un jeune SS qui part d'un rire sonore. Dans une demi-heure tu causeras avec le commandant suprême! Et n'oublie pas de lui dire "Heil Hitler!"

D'autres portent une fillette qui a perdu une jambe. Ils la tiennent par les bras et par la jambe qui lui reste. Des larmes lui coulent sur le visage, elle murmure plaintivement: "Messieurs, ça fait mal, ça fait mal..." Ils la jettent sur le camion, parmi les cadavres. Elle brûlera vive avec eux."
"Et il fit siffler sa cravache sur nos dos. J'attrapai un cadavre: une main s'enroula convulsivement autour de la mienne. Je me dégageai en poussant un cri et m'enfuis. Je fus pris tout à coup de nausées. Je vomis, accroupi sous le wagon. Titubant, je me glissai près des rails."

dimanche 23 juin 2019

Carl Schmitt and Martin Heidegger - Sedentary Revolutionaries: Two Academics Who Joined the Nazi Party


Jaspreet Singh Boparai


Carl Schmitt (1888–1985) and Martin Heidegger (1889–1976), two of the most prominent German thinkers of the twentieth century, became members of the Nazi Party in 1933, and briefly held positions of some prominence after Adolf Hitler became Chancellor of Germany. Heidegger spent just over a year as Rector of the University of Freiburg (1933–1934); Schmitt spent the years 1933 to 1936 as the “Crown Jurist of the Third Reich” whilst teaching law in Berlin. After the end of the Second World War, neither man publicly explained or apologised for his earlier political activities.

In spite of his close association with Nazism, Heidegger’s reputation as one of the twentieth century’s preeminent thinkers has never faded: he ranks with Ludwig Wittgenstein (1889–1951) as one of the most influential philosophers since Nietzsche, and he has enjoyed particularly widespread admiration in France; prominent thinkers including Jean-Paul Sartre (1905–1980), Maurice Merleau-Ponty (1908–1961), and Jacques Derrida (1930–2004) have all learnt from (and struggled with) Heidegger’s notoriously difficult oeuvre.

Schmitt’s work, on the other hand, fell into relative eclipse after the war. But his essays on legal and political theory have grown steadily in popularity over the past half-century. Almost all of his important work is now available in English, and has enjoyed renewed attention with the rise of populist political movements in America and across Europe. In the Anglosphere, Schmitt’s most important current champion is probably Adrian Vermeule, a law professor at Harvard who converted to Catholicism in 2016 and has recently become an unlikely Twitter celebrity with his sardonic attacks on liberalism. […]  
Schmitt’s and Heidegger’s activities in the 1930s are often excused on the grounds that these unworldly professors joined the Nazi Party out of naivety, academic careerism, or complete miscalculation. They grew up in a world where suspicion of Jews was commonplace, it is said, and never found occasion to reflect seriously on their own prejudices or paranoia. Such explanations are unsatisfactory. Still, Nazism was only one of several contemporary movements informed by (or based on) overtly antisemitic doctrines. It does not fully explain Schmitt’s or Heidegger’s ideas or political choices. 
Antisemitism attributes to Jews extraordinary power, influence, and wickedness. Over the centuries, its tropes have been adapted to scapegoat Jews for a wide variety of problems, from localised outbreaks of illness to economic depressions and international wars. The politicised variant that flourished in Europe during the late nineteenth and early twentieth centuries began in the wake of the revolutions of 1848, and intensified with the French defeat in the Franco-Prussian War (1870–1871). The central preoccupation at this time was Jews’ perceived predominance in banking, commerce, and industry.

The most influential antisemitic political theorist during this period was Charles Maurras (1868–1952), a French poet and literary journalist best known in the English-speaking world for his influence on T.S. Eliot. 
Lire l'article complet @ Quillette

vendredi 19 avril 2019

Anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie, "le plus grand affrontement ayant opposé Juifs et Allemands" (André Kaspi)


"Dans le ghetto de Varsovie, quelques survivants opposent à l'occupant une résistance désespérée, donnant lieu au plus grand affrontement ayant opposé Juifs et Allemands."

Des enfants en train de mendier dans le ghetto de Varsovie

André Kaspi, historien:
"[Les résistants] construisent des casemates et se procurent armes et munitions, notamment auprès de l'Armée de l'intérieur.  En janvier 1943, il y a un premier heurt avec les Allemands à la suite d'une nouvelle vague de déportations.  Himmler ordonne alors la dissolution totale du ghetto.  Le 19 avril 1943, le ghetto, qui comptait encore 70.000 personnes, est encerclé.  Les Waffen SS y pénètrent et se heurtent à la contre-offensive immédiate des résistants. En mai, le ghetto est la proie des flammes.  La résistance est écrasée.  Plusieurs milliers de morts gisent sous les décombres.  Parmi ceux qui sont arrêtés, 7.000 sont abattus et 22.000 acheminés vers les camps d'extermination de Lublin et de Treblinka.  Les pertes allemandes s'élèvent à 16 morts et 85 blessés.

Des détenus aidés par des terrassiers polonais travailleront pendant plus d'un an à déblayer les 180 hectares d'immeubles éventrés et à démolir le mur.

5.000 à 6.000 Juifs ont réussi à s'évader du ghetto avant et pendant le soulèvement."
André Kaspi, La Deuxième guerre mondiale, chronologie commentée, Editions Complexe, 1995, p.p. 349-350

mardi 5 mars 2019

Holocaust: Europeans remember and commemorate a crime that still lies beyond understanding


Mary Fulbrook, Reckonings: Legacies of Nazi Persecution and the Quest for Justice, Oxford

Christopher Hale is a non-fiction author and documentary producer. He is currently working on Deception, a new book about the German occupation of Hungary:
"There is a huge literature on the Third Reich and the explosion of state violence it provoked, first in Germany and then across Europe. The destruction of tens of millions of people culled from ethnic groups, above all European Jewry but also Slavs, Roma and Sinti and gay men and women, as well as members of political organisations considered enemies of the Nazi state, has come to define the historical narrative of the Second World War.

Just as pervasively, the collective memory of this paroxysm of state-sponsored mass murder shapes the moral universe of modern Europeans. Above all, the destruction of more than five and a half million Jews by the political agents of a modern European state has evolved into an ethical pivot that is consecrated in numerous state-sponsored and grassroots memorials, as well as by scores of new ‘Holocaust Museums’. To what end and why?

The many different acts of remembering and memorialising the Holocaust, inspired by the moral axiom of ‘Never Again’, have not prevented genocides unfolding in the Balkans, Africa and South-east Asia. To remember and memorialise seems tantamount to acting and thinking without effect or impact. Mary Fulbrook’s monumental book Reckonings makes a case for challenging the modern cult of memory and situates the rituals of memorialising in the context of the catastrophic failure of the postwar quest for justice in the successor states of the Third Reich. […]
The shabby history of postwar trials in the successor states of the Third Reich is not an unfamiliar story, but one of the most impressive achievements of Reckonings is to weave together a forensic account that exposes what was essentially a kind of legalised clemency which integrated most former Nazis into society while scapegoating just a few. As Fulbrook points out, the more efficient and murderous the persecution the less likely the success of prosecuting perpetrators, since so few witnesses survived. She concludes that the ‘Auschwitz’ and other trials held in both Germanies in the 1960s drew public attention to the Nazi system ‘but what they did not do was bring the vast majority of those who were guilty of mass murder and collective violence to any sort of justice’. And yet, in the aftermath of these deeply flawed trials, West Germany found ways to promote the fiction that the nation of perpetrators was ‘facing the Nazi past’ to secure a better international reputation. 
After unification, the leaders of the new Germany discovered that erecting much lauded and expensive gestures of memorialisation, such as the Memorial to the Murdered Jews of Europe, built in the heart of the new capital Berlin, could shape how the past of the nation of perpetrators is represented – and occlude the abject failure to enact justice. Reputational success, she insists, was at odds with the actual record of the courts. Fulbrook returns frequently to the most infamous and, in some ways, misunderstood site of the German genocide, the Auschwitz concentration camp. Today it is a crowded pilgrimage site. Why do so many come here? By demanding that we confront these troubling questions, she demonstrates that ‘reckoning’ remains a stubbornly incomplete and compromised task. This masterly book challenges the ways, seven decades after the end of the war, that Europeans remember and commemorate a crime that still lies beyond understanding."
Lire l'article complet @ History Today

Lire également:
Union européenne: un passé qui empeste (Ivan Rioufol et Philippe de Villiers)
et
Bruno Maçães: On continue de sous-estimer ce que fut Auschwitz



jeudi 7 février 2019

Arthur Koestler traité de "youpin" par un avocat de gauche à Paris en 1939


Se trouvant en France en 1939, Koestler veut se rendre à Londres, mais rencontre de nombreuses difficultés.  Il prend alors contact avec Jubert "jeune avocat de gauche, membre d'une quantité de comités contre les persécutions raciales".

Arthur Koestler (1905-1983), écrivain et journaliste hongrois:
"Je pris congé de Jubert. Alors que j'étais sur le seuil, il me rappela et me demanda, si je lui téléphonais encore, de le faire d'une cabine publique, car il soupçonnait mon téléphone d'être surveillé. Puis il dit un peu hésitant: "Il y a naturellement une chose que vous pouvez essayer: l'argent. Plusieurs youpins allemands du cinéma ont été relâchés des camps d'internement en corrompant des fonctionnaires de la Sûreté. Le tarif est de vingt mille francs et au-delà."

Je lui dis que je ne le ferais pas, premièrement parce que je ne possédais pas la somme, deuxièmement, parce que je pensais que c'était trop risqué.

"Bon, dit-il. J'ai toujours pensé que vous étiez un homme d'honneur". Et brusquement, il ajouta de sa manière emphatique, comme s'il s'adressait au jury dans un procès sensationnel: "Que Dieu vous protège sur votre route - et nous tous dans notre malheureux pays!"

Revenant à la maison, je méditais sur l'expression "les youpins allemands" qui m'avait particulièrement choquée sur les lèvres de Jubert. Certainement, moi aussi je haïssais cette détestable clique installée dans les cafés et les bars des Champs-Elysées qui était principalement responsable de l'animosité profonde répandue contre les exilés allemands, mais un aryen affairiste du cinéma n'était-il pas aussi dégoûtant? Triste symptôme que ce jeune avocat de gauche, membre d'une quantité de comités contre les persécutions raciales, soit frappé lui aussi par la contagion générale.

Une semaine plus tard, Jubert partit pour la ligne Maginot. Je me demande ce qu'il est devenu, mais je pourrais en dire autant de la plupart des personnes de ce récit. Sans la guerre, il serait devenu, en temps opportun, député, petit à petit, il aurait change son roadster sport contre une limousine noire, ses amis radicaux, pour des membres les plus rassis de la société, et son siège sur les travées de gauche au Palais Bourbon, d'abord pour un siège au centre, puis à l'extrême droite. Avec la guerre, s'il est encore vivant, il atteindra probablement le même but par un plus court chemin."

La Lie de la terre (Scum of the earth), 1941, récit des persécutions du gouvernement français contre les étrangers, en 1939-1940.

Koestler dédia La Lie de la terre à la mémoire de ses "confrères les écrivains exilés d'Allemagne qui se suicidèrent lorsque la France capitula", notamment Carl Einstein. Carl Einstein était un historien de l'art et un écrivain allemand. Son ouvrage La Sculpture nègre, paru en 1915, fit de lui le véritable découvreur de l'art africain en Europe et lui valut une invitation à enseigner au Bauhaus.

Ci-dessus, le portrait de Carl Einstein par Anita Rée, peintre d'avant-garde de la République de Weimar. Dénoncée comme juive, Anita Rée s'exila sur l'île de Sylt où elle se suicida en 1933.  Elle réalisa le seul portrait connu de Carl Einstein.
Autoportrait d'Anita Rée (1929)

samedi 2 février 2019

Ukraine: hommage aux tueurs de Juifs Bandera et Petlioura et visite du président Porochenko en Israël


Tom Gross @ Mideast Dispatch:


Photos ci-dessus: des Juifs sont humiliés et battus publiquement avant d'être violés et abattus à Lviv (Lwow) par des alliés ukrainiens des nazis en juin 1941. Plus de 4 000 Juifs furent tués au cours de ce pogrom ukrainien qui dura deux jours.

Le Premier ministre israélien Netanyahou a été critiqué pour avoir déroulé le tapis rouge au président ukrainien Petro Porochenko, dont le parlement a désigné ce mois-ci l'anniversaire de Stepan Bandera, collaborateur du nazi ukrainien pendant la guerre, comme jour férié. Les forces de Bandera ont assassiné des milliers de Juifs pendant l’Holocauste. Le parlement régional de la ville de Lviv, dans l'ouest de l'Ukraine, a déclaré 2019 "l'année de Stepan Bandera" et organisé des défilés aux flambeaux en son honneur - une démarche critiquée en Pologne, au Canada et en Israël, mais pas ailleurs.

Alors que Porochenko était en visite en Israël, un autre mémorial était érigé à Kiev à la mémoire de Symon Petlioura, dont la milice a assassiné 50 000 Juifs après la Première Guerre mondiale. Netanyahu n’a pas mentionné ces faits lors de la visite de Porochenko.


Lors des célébration du Nouvel An à Lviv et à Kiev (photo ci-dessus), des milliers de personnes ont célébré l'anniversaire de Stepan Bandera, dont les adeptes perpétrèrent le pogrom de Lviv de 1941 et massacrèrent des dizaines de milliers d'autres Juifs. Des politiciens ukrainiens rendirent hommage à Bandera à cette occasion. Ci-dessous, l'une des nombreuses fusillades à grande échelle de Juifs ukrainiens pendant la Shoah.



samedi 19 janvier 2019

Les Juifs, "Nous prenons jusqu’à quatre-vingts ans", lui dirent les hommes de la Gestapo


François Regnault, philosophe:
"Et maintenant je dirai que le nom de Juif, je l’ai connu par celui de Marguerite Aron, le professeur de lettres de ma mère au lycée Victor Duruy, convertie au catholicisme en 1914, tertiaire dominicaine, et qui avait fondé un groupe destiné à initier quelques-unes de ces jeunes lycéennes volontaires à la spiritualité chrétienne, ainsi d’ailleurs qu’à Claudel (dont je n’ai ainsi jamais eu à faire la découverte); elle s’était retirée à Solesmes, n’avait jamais cédé sur le nom de juive. Elle traita à La Flèche en 1939 du "problème juif devant la conscience catholique". Elle songeait bien sûr à leur "conversion". Elle ne porta pas l’étoile, prétendant qu’en femme élégante, elle ne pouvait passer son temps à la coudre et à la découdre.  
Elle fut arrêtée par les Allemands à Solesmes, à la sortie de la messe du matin à l’abbaye, le 26 janvier 1944, à l’âge de soixante et onze ans. Elle protesta. "Nous prenons jusqu’à quatre-vingts ans", lui dirent les hommes de la Gestapo. Le convoi qui quitta Drancy le 10 février comprenait quinze cents personnes, dont 279 jeunes de moins de dix-neuf ans. Il parvint à Auschwitz trois jours plus tard. Marguerite Aron, inapte au travail, fut très vite gazée. Je sais que je lui avais rendu visite en 1942, accompagné de mes parents ; je m’y revois, mais c’est un souvenir improbable. J’admettrais même que cette évocation soit la rationalisation tardive de ma première rencontre avec le nom de Juif. Pour moi, donc, cette rencontre porte aujourd’hui son nom. Reste que cela m’aura suffi."
Notre objet a, Editions Verdier, 2003. (extrait)

mercredi 21 novembre 2018

"La mémoire juive avait enregistré l'oppression comme moment d'un cycle immense, depuis des siècles"



Alain Boureau, historien médiéviste français, directeur d'études à l'EHESS. :
"Mais après la "nuit de cristal" de novembre 1938, qui inaugura la phase ultime de la persécution des Juifs allemands, Kantorowicz se résolut à quitter le pays, grâce à l'appui de ses amis le comte Bernstoff et Helmut Kupper […]

La date tardive de cet exil peut surprendre: chaque mois qui passait augmentait les risques courus par un Juif allemand. Pourtant, le cas de Kantorowicz n'est pas isolé, loin de là. A propos du serment de Berkeley, il évoquera l'aspect graduel de l'emprise dictatoriale du nazisme. Chaque étape dans l'oppression pouvait passer pour l'ultime. Seule une reconstruction du passé en saisit la dynamique inexorable, la finalité dernière. L'expérience vécue louvoie, l'histoire tranche. L'extermination nazie a un caractère irréductible; la mémoire juive avait enregistré l'oppression comme moment d'un cycle immense, depuis des siècles. Or les crises, dans ce cycle, jusqu'à la République de Weimar, se faisaient peu à peu moins aiguës. L'avènement du nazisme pouvait apparaître comme une brève anomalie dans l'accomplissement lent de l'intégration juive, bien avancée en Allemagne."
Alain Boureau, Histoires d’un historien. Kantorowicz, Paris, Gallimard, 1990, p.p. 125-126.

vendredi 9 novembre 2018

Klaus Mann: Nuit de Cristal "les frontières du Reich s'étaient transformées en un cercle de feu derrière lequel il n'y avait plus que l'extermination"


"Les frontières du Reich s'étaient transformées en un cercle de feu derrière lequel il n'y avait plus que l'extermination" (Klaus Mann)


Allemagne, 9-10 novembre 1938


"[...] les nazis avaient déclenché à travers toute l'Allemagne le gigantesque pogrom de la nuit de Cristal. Dans tout le pays, des centaines de magasins juifs avaient été pillés. Cent quatre-vingt-onze synagogues avaient été incendiées. Onze centres communautaires et chapelles de cimetières avaient été partiellement brûlés, et trois autres entièrement détruits. Plus de trente mille Juifs avaient été internés dans les camps. Plus d'une centaine avaient été tués au cours des scènes de saccage. Ce fut une explosion d'une brutalité inouïe, l'instant où, comme l'écrit Klaus Mann dans son Journal, "les frontières du Reich s'étaient transformées en un cercle de feu derrière lequel il n'y avait plus que l'extermination"."
Michel Laval, L'Homme sans concessions, Arthur Koestler et son siècle, Calmann Lévy, 2005 (pp. 273-274)