vendredi 13 septembre 2013

La référence à la Shoah pour justifier des frappes en Syrie par des charlatans et des relativistes moraux

"Such Holocaust-milking has the ugly effect of making Hitler look good, or rather better, by suggesting that he was a rather run-of-the-mill tyrant, the like of which is still all around us today."

Le Telegraph a publié un très bon article par Brendan O'Neill: Les personnes qui instrumentalisent la mémoire de l'Holocauste pour justifier une attaque aérienne sur la Syrie sont des relativistes moraux et des charlatans.  L'auteur a raison de rappeler que le négationnisme fut toujours le fait d'une toute petite minorité de mauvais historiens et de skinheads qui trouvent que Himmer avait l'air super-hot dans son uniforme nazi.  Hélas on s'est concentré sur ces personnages en faisant même voter des lois pour criminaliser leur discours ultra-minoritaire et qui n'était pris au sérieux que par quelques zozos.  Et l'on se retrouve maintenant avec une abondance de gens qui relativisent la Shoah. Il ne vous aura pas échappé que des atrocités et des actes barbares perpétrés de nos jours lors de confits sont régulièrement qualifiés de "holocaustes".  Ceci est d'autant plus désolant que des intellectuels juifs n'hésitent pas à utiliser cette analogie.  Elle est également très prisée par des militants anti-israéliens, par des défenseurs des animaux (par exemple l'élevage industriel de poulets), par des homosexuels etc. C'est de la pure ignorance de la part de certains et du pur charlatanisme de la part d'autres.

L' utilisation inappropriée du terme Holocauste, le plus souvent comme une forme de chantage moral pour amener les gens à soutenir une action militaire contre n'importe quel tyran de pacotille qualifié de «nouveau Hitler», a pour effet de rendre l'Holocauste banal et en rien exceptionnel, et le désigner comme événement qui arrive encore et encore au cours de l'histoire de l'humanité. Les seuls vrais bénéficiaires de ce relativisme sont les nazis eux-mêmes, dont la méchanceté est implicitement diluée et diminuée si l'on accepte l'idée que des Holocaustes comme les leurs se produisent tout le temps."

"Holocaust relativism has been in full swing during the debate on Syria. Desperate to drum up support for their threatened airstrikes against Assad’s regime, American politicians in particular have been cynically marshalling the moral authority of the Holocaust to their cause. John Kerry has been the most promiscuous plunderer of the history of the Second World War in his drumbeating for an attack on Syria. He says America’s stand-off with Assad is “our Munich moment”. He describes the men, women and children who died in the recent chemical-weapons attacks in Syria as being reminiscent of those who “lost their lives… to German gas”.

Democratic Senator Harry Reid likewise exploits the Holocaust to justify a strike on Syria, saying during a recent pro-strike speech: “Millions and millions of civilians and prisoners of war were murdered by gas in Nazi death camps… ‘Never again’, swore the world.” Meanwhile, pro-interventionism commentators have gone into Holocaust-milking overdrive, arguing that “the gassing of Syrians with vaporised sarin” is on a par with the Nazis’ “gassing of Jews with Zyklon B 70 years ago”.

All sorts of campaigners now use Holocaust imagery to whip up support for their crusade against some modern moral scourge. So last month, Stephen Fry was claiming that the Holocaust is currently being re-enacted in Putin’s Russia, where the repression of homosexuals’ rights is apparently an “eerie repeat of [Hitler’s] insane crimes”.

Anti-Israel campaigners are forever describing the Gaza Strip as a modern-day Warsaw Ghetto – a repulsive comparison to make when you consider that between 1941 and 1943 the population of the Warsaw Ghetto plummeted from 380,000 Jews to 70,000, as a result of starvation, disease and, of course, deportation to death camps. Nothing even remotely like that is happening in Gaza. The cranky animal rights group PETA has said that the treatment of chickens in factory farms is just like the treatment of Jews in death camps, seeming to forget one little fact: Jews are not animals. The Muslim Council of Britain once boycotted Holocaust Memorial Day on the basis that it failed to commemorate conflicts in Bosnia and Chechnya, which apparently were Holocausts too.


[...] Auschwitz was capable of exterminating five times as many Jews in one day as Syrians have been killed with chemical weapons in the whole Syrian conflict so far. And Auschwitz was operational for five years. And it was one of 11 death camps.

Intent-wise, the Holocaust was designed to be the “the final solution” to the alleged problem of the Jews – that is, its aim was to kill every Jew in the world. To talk about Assad’s mad lashing out at his opponents, or Putin’s distaste for gays, in the same breath as a massive industrial effort to destroy an entire people is pretty grotesque. The aim of such hyperbole is to make Assad or Putin or some other rough foreigner look bad by saying “You’re just like Hitler!” – but actually such Holocaust-milking has the ugly effect of making Hitler look good, or rather better, by suggesting that he was a rather run-of-the-mill tyrant, the like of which is still all around us today.

But that simply isn’t true. The war in Syria is not like the Holocaust on any level whatsoever. Putin is not Hitler. The Serbs aren’t Nazis. Gaza is not a Warsaw-style Ghetto. The farming of chickens is not like the extermination of the Jews. And the appalling but occasional use of chemical weapons by a desperate dictator is not like the daily use of gas to kill millions of people in factories of death over a period of five years. If you think it is, then you have sunk so far into the mulch of moral relativism, where every bad thing is just as bad as every other bad thing, that there is probably little hope for you.

2 commentaires :

Gilles-Michel De Hann a dit…

Faire référence systématiquement à la Shoah, c’est non seulement attiser les passions inutilement et d’une manière souvent dérisoire mais c’est prendre dans une "nouvelle rafle" tous les juifs qui ont eu des parents ou ont été eux-mêmes victimes de l’horreur alors qu’ils peuvent avoir les opinions les plus diverses sur ce qu’est Israël et sur la politique de ses dirigeants. C’est contribuer au négationnisme qui est une diffamation que de banaliser à chaque moment une telle tragédie historique et nous insulter tous, nous qui en avons été directement ou indirectement victime.

Il est vrai qu'au sortir de la guerre, les Occidentaux ont encore du mal à percevoir les différences de nature entre le sort des déportés politiques, des résistants et des travailleurs forcés et celui des Juifs. Ils mettent dans le même lot les camps de déportation des premiers (Buchenwald, Dachau, Mauthausen), situés à l'Ouest et libérés par les Anglo-Saxons, et les camps d'extermination des derniers, avec chambres à gaz et fours crématoires (Auschwitz-Birkenau, Treblinka, Sobibor, Belzec...), généralement situés à l'Est, en Pologne, et libérés dans une relative discrétion par les Soviétiques.

La spécificité du génocide va peu à peu apparaître au grand jour, sans que s'éveille pour autant l'intérêt du public. Léon Poliakov publie en France en 1951 le Bréviaire de la haine (Le IIIe Reich et les juifs) où tout est dit du génocide.

La Shoah pèse encore énormément sur la conscience occidentale. Les gens ont conscience de la singularité de la Shoah. D'où cette volonté paradoxale de minimiser la Shoah tout en sachant qu’il s’agit d’un événement qui ne peut l’être : soit on minimise la Shoah, soit on enfle exagérément les mauvais côtés d’Israël. Contrairement à ce qu’on pense, la Shoah est encore un passé qui ne passe pas, bien qu’il soit très présent dans les consciences.

Comme l'a fort bien expliqué Georges Bensousson, l'institutionnalisation de la mémoire n’est pas propre à la Shoah. Le phénomène concerne aussi la Première Guerre mondiale. Reste que la mémoire institutionnalisée de la Shoah est devenue l’image de l’ordre établi, celui de dominants qui communient dans une sorte de bondieuserie moralisante peu efficace. Hélas, la Shoah, c’est d’abord le massacre systématique de pauvres gens, d’esseulés du monde et d’abandonnés de toute compassion. Cette dimension cruciale est effacée par une ritournelle moralisante assenée par l’ordre établi. Du coup, il devient facile de contester cet ordre en s’en prenant à cette mémoire officielle, et l’affaire est d’autant plus tragique que les Juifs rescapés anonymes ont été dépossédés de leur histoire après 1945. Cette mémoire est confisquée depuis longtemps par les notables, les États ou les institutions internationales. C’est devenu une figure de l’ordre, et toute figure d’ordre appelle nécessairement la transgression.

Anne juliette a dit…

La Shoah a été sans cesse galvaudé ces quarante dernières années souvent par les extrêmes :
- l'extrême gauche, et parfois la gauche, pour la comparer à n'importe quel fait ou crime : souvenons-nous de ses sans-papiers, il y a deux décennies environ, qui défilaient dans les rues de Paris en habits de déportés comparant leur sort à ceux qui étaient morts dans les camps, et aujourd'hui, ceux qui comparent le sort des Roms, qu'il faut certes améliorer, à celui des déportés sont aussi dans l'absurdité : il n'y a pas de chambres à gaz, ni de fours crématoires en Roumanie, ni dans aucun pays d'Europe, et les Roms sont venus en France de leur propre gré : personne ne les déporte dans des conditions inhumaines (wagons plombés, marches forcées,...) de Roumanie vers d'autres pays européens.
Le proverbe dit : "Comparaison n'est pas raison". Ce n'est même que folie.
- l'extrême droite en niant l'importance de la Shoah quand il ne la nie pas totalement (négationnisme).
IL serait bon de marteler sans cesse la définition d'un génocide et citer les seuls quatre de l'histoire contemporaine : le génocide arménien, le génocide des juifs, le génocide cambodgien et le génocide rwandais.

Pour rappel, en Irak, en 1988 (sous Mitterrand), 1800000 kurdes gazés pendant 8 mois et quelques manchettes de journaux uniquement : aucune réaction politique pratiquement.
En 2013, au Congo, viols collectifs et publics pendant plusieurs jours, voir plusieurs semaines, de femmes, de petites filles depuis des années et, depuis Janvier, de bébés avec destruction de leur sexe en tirant des balles dans leurs vagins, en les lacérant avec des lames de rasoir, en y mettant du caoutchouc enflammé, de la soude caustique, ou encore en y mettant le feu après y avoir mis du carburant.
C'est plus barbare que de gazer des civils, mais là, il s'agit de femmes et de petites filles et cela n'intéresse guère ou si peu.
Alors, quand la compassion ne sera plus à géométrie variable, j'aurai mal pour toutes les victimes de crimes de guerre.
Pour le moment, laissez-moi le choix de mes victimes et j'éprouve plus de douleur pour les Congolaises que pour les Syriens.