vendredi 23 juillet 2010

Les Juifs britanniques rompent avec l'Eglise méthodiste

"Depuis quelques années, un certain nombre de sous-dénominations chrétiennes, dans ce pays et partout dans le monde, rivalisent les unes avec les autres pour faire passer le judaïsme pour une religion infectée et les Juifs comme une espèce maudite. Cette attitude n'est pas seulement médiévale. Elle est pré-médiévale. Car elle ressuscite et se fait l'écho des conceptions des Pères de l'Église pour qui les Juifs en rejetant Jésus comme le Messie ont été déchus de leur relation particulière avec le Tout-Puissant, dont les faveurs - pour ainsi dire - furent transférées aux chrétiens. Cette mentalité trouve pleinement son expression dans le rapport de l'Église méthodiste. Bien qu'innocemment intitulé "Justice pour la Palestine et Israël", le point de départ du rapport est, comme l'un de ses auteurs, Nichola Jones, a admis avec candeur, le rejet de la vision juive de Dieu - "un Dieu raciste", qui selon elle, "a ses favoris"."

Methodist breach not enough, par l'historien Geoffrey Alderman, Jewish Chronicle

Je n'ai jamais été partisan de ne pas rendre hommage lorsque ça se justifie. Je salue donc la décision du Conseil des délégués juifs [Board of Deputies] de rompre tout dialogue avec les dirigeants de l'Église méthodiste.

J'ai néanmoins deux réserves. La première est que cette rupture n'est pas aussi complète qu'elle devrait l'être. La seconde est que d'autres confessions chrétiennes échappent à cette sanction.

Il convient de se féliciter de la rupture avec les méthodistes non seulement parce qu'ils ont approuvé avec enthousiasme un rapport sur le Moyen-Orient qui est un catalogue de mensonges et de demi-vérités. S'il n'y avait que ce fait à leur reprocher, j'aurais pu être enclin à prôner la poursuite du dialogue dans l'espoir de corriger les erreurs factuelles et d'interprétation.

La rupture est à saluer, car, derrière ce rapport, sous-tendant son contenu et le travail préliminaire à son adoption, on trouve une philosophie de mépris total pour les Juifs et pour le judaïsme. Cet esprit nuisible a été mis à nu et il nous est loisible d'en prendre connaissance.

Depuis quelques années, un certain nombre de sous-dénominations chrétiennes, dans ce pays et partout dans le monde, rivalisent les unes avec les autres pour  faire passer le judaïsme pour une religion infectée et les Juifs comme une espèce maudite.

Cette attitude n'est pas seulement médiévale. Elle est pré-médiévale. Car elle ressuscite et se fait l'écho des conceptions des Pères de l'Église pour qui les Juifs en rejetant Jésus comme le Messie ont été déchus de leur relation particulière avec le Tout-Puissant, dont les faveurs - pour ainsi dire - furent transférées aux chrétiens. Cette mentalité trouve pleinement son expression dans le rapport de l'Église méthodiste. Bien qu'innocemment intitulé "Justice pour la Palestine et Israël", le point de départ du rapport est, comme l'un de ses auteurs, Nichola Jones, a admis avec candeur, le rejet de la vision juive de Dieu - "un Dieu raciste", qui selon elle, "a ses favoris".

"Imaginer un Dieu qui choisit des individus ou des groupes en vue de leur promettre des possessions suscite un malaise chez un grand nombre de méthodistes modernes", est-il écrit dans le rapport.

Ce qui m'a frappé dans cette déclaration est la référence aux "méthodistes modernes". Ce point de vue hostile au  judaïsme et aux Juifs n'a pas toujours été le point de vue méthodiste. Charles Wesley qui, avec son plus célèbre frère John a pratiquement fondé le mouvement méthodiste au milieu du 18e siècle, était un philosémite déclaré et sans complexes.

Mme Nichola Jones, une clergywoman méthodiste, pourrait être désagréablement surprise d'apprendre que Charles Wesley, qui fut un écrivain d'hymnes célèbre, a été l'un des premiers sionistes, et qu'il écrivit en 1762 un hymne appelant (certes dans un contexte chrétien) au retour des Juifs en Israël et à la reconstruction du Temple à Jérusalem.

Ce n'est pas cette philosophie qui sous-tend le rapport qu'elle a si passionnément défendu à la conférence méthodiste au début du mois. Son point de vue qui est partagé par les co-auteurs - et est devenu évidemment le point de vue du mouvement méthodiste dans son ensemble - est que les Juifs n'ont pas le droit de se considérer comme "les héritiers d'Abraham" et que, dans la mesure où le judaïsme, quelle qu'en soit la forme, revendique "son alliance" avec Dieu est purement et simplement raciste.

Il est inutile de maintenir le dialogue avec un mouvement que épouse une telle haine. Les délégués ont tout à fait raison, donc, de couper tous les liens avec lui.

Mais pourquoi s'arrêter là? En rompant tout contact avec les dirigeants méthodistes, les délégués ont (comme indiqué dans JC semaine dernière) décidé de poursuivre le dialogue avec les méthodistes au niveau local ainsi que ce qu'on dénomme "le travail inter-religieux".  Je n'arrive pas à en comprendre la raison. Les méthodistes - et je veux dire la base - doivent comprendre qu'ils ne peuvent pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Ils doivent comprendre qu'aucune sorte de dialogue constructif n'est possible aussi longtempts que leur position officielle est que le judaïsme est une religion raciste et que le sionisme est son héritier malodorant.

Ce qui m'amène à la question plus vaste concernant le "travail interreligieux" et de savoir si ce concept, pour nous Juifs, a la moindre utilité.

Qu'entend-on vraiment par "travail interreligieux" ? Des réunions entre le Conseil des chrétiens et des Juifs? Des colloques organisés sous les auspices du Forum des trois religions? Fêter ensemble Hannouca/Noël?

Ne vous méprenez pas. Je suis tout à fait d'accord d'écouter que que l'autre a à dire. Mais on n'a pas besoin de structures grandioses pour y parvenir. Et certainement pas aussi longtemps que nos amis chrétiens adhèrent à des préjugés contre nous qui sont tout à fait inacceptables et essentiellement barbares.
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Nous venons de prendre connaissance de cette initiative qui vient renforcer la thèse du Professeur Geoffrey Alderman:
Candidates for Swedish Clergy Will Attend Seminar of Organization Seeking to Eliminate Israel

1 commentaire :

Gilles-Michel DEHARBE a dit…

En ce qui concerne le dialogue judéo-chrétien, il ne s’agit pas de nier l’importance du vécu, de qui s’est passé ou se serait passé, mais de dé-passer celui-ci, en reconnaissant que les Juifs sont toujours les Juifs, que leur temps n’est nullement révolu car ils appartiennent à la structure fondamentale du monde tel que celui-ci s’est mis en place à un moment donné. On nous objectera que ce moment donné, lui aussi, appartient à l’Histoire. Certes, les Lois que les hommes se sont assigné ou que D. leur a octroyées sont arbitraires, elles auraient pu être autres. Les Juifs sont les garants de cet état premier.

Ce qui est remarquable, c’est précisément que le judaïsme ait persisté dans sa différence.
Il est vital pour qu’il y ait respect de l’autre que l’on ait conscience de ce qu’il peut nous apporter ; faute de quoi, à terme, la relation risque fort de se dégrader car la gêne de la différence n’est pas compensée par le sentiment d’un manque.

On conçoit dès lors à quel point judaïsme et christianisme portent un regard différent sur le monde, l’un veut ne voir du monde que le formalisme des lois, à respecter indéfiniment et imperturbablement, quoi qu’il arrive, le second veut enfermer le monde dans une histoire qui n’est en fait qu’une petite histoire, qu’un mélodrame surinvesti, saturé de sens, avec ses rebondissements, ses trahisons, son suspense. L’approche juive est cyclique, impliquant un renouvellement périodique, où tout changerait et tout resterait foncièrement identique tandis que celle du christianisme est linéaire et va toujours de l’avant sans retour en arrière. Le maintien de la présence juive empêche le christianisme de croire complètement à cette vision des choses, puisque ce qui est derrière se trouve aussi devant, ce qu’on a dépassé est à nouveau sur son chemin et cela tient au fait que les Juifs ne sont pas fondamentalement accessibles à la diachronie, qu’ils sont dans une sorte d’intemporalité, dans l’éternel retour, dans un constant recommencement, une permanente renaissance, ce qui leur permet une démarche comparative, nullement axée sur une seule et unique événementialité. Pour les Juifs, la contingence historique est un épiphénomène, qui ne saurait en aucun cas remettre en question l’équilibre structurel du monde tandis que pour les chrétiens, elle est l’image finale de ce qui était en puissance, en gestation, elle est la Vérité, il n’y a pas de recul, à chaque instant le monde risque de basculer, comme s’il y avait quelque manichéisme, une perpétuelle bataille entre le bien et le mal, qui conduisit les chrétiens à parler des Juifs comme de la “synagogue de Satan” (Apocalypse de Jean), à les diaboliser, parce que leur modèle comportait une telle grille de lecture et est quelque peu paranoïaque. Les juifs ont, en vérité, une fonction libératrice - on pense évidemment à Spinoza - et il n’y a pas de libération sans pardon, sans reconnaissance des erreurs - y compris et surtout sur le plan scientifique - au lieu de s’y enferrer. Un Chrétien nous fera peut-être remarquer que les Juifs devraient reconnaître, dans ce cas, qu’ils ont eu tort de vouloir la mort de Jésus et qu’ils devraient se convertir.

Mais le problème ne doit pas être posé de la sorte : force est de constater que Jésus n’a pas apporté ce qu’on attendait qu’il apportât, il y a eu échec, pourquoi ne pas le reconnaître et revenir sur les fondamentaux, à savoir le couple “divorcé”.