vendredi 2 juillet 2010

La situation des Juifs en Europe ‘la pire depuis la fin de la 2ème Guerre mondiale’

"Les synagogues, les écoles juives et les jardins d'enfants doivent être entourés de barbelés et de barrières de sécurité".

Bruxelles (EJP)---Le Président du Congrès juif européen, Moshe Kantor, estime que la situation du judaïsme européen "est la pire qui soit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale".

"Les Juifs ont peur de marcher dans les rues en Europe en portant des signes juifs. Les synagogues, les écoles juives et les jardins d'enfants doivent être entourés de barbelés et de barrières de sécurité. Des hommes, des femmes et des enfants juifs sont attaqués en plein jour", a-t-il dit dans un message adressé à des parlementaires européens des trois pays de Benelux qui assistaient mardi à un déjeuner à Bruxelles à la veille de la présidence belge de l'Union européenne. [A droite, la porte d'entrée de la synagogue de Lisbonne.]  Des représentants des communautés juives de Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg étaient également présents.

Kantor a ajouté : "Ce qui est encore plus effrayant c’est que les Juifs sont forcés de quitter certaines villes européennes, comme Malmö (en Suède) en raison de l’atmosphère d’hostilité et de la violence".

"Je souhaite que les politiciens européens énoncent fort et clair qu'il n'y a aucune justification ou compréhension quelconque pour les attaques contre des juifs ou des institutions juives en Europe", a-t-il dit.

Il a rejeté la "fausse affirmation" selon laquelle ces attaques sont une réaction normale aux événements au Moyen-Orient.  "Cette forme de raisonnement n’est pas légitime et est même malhonnête. Il y a des dizaines de conflits qui font rage dans le monde, où des centaines de milliers de personnes perdent leurs vies. A-t-on entendu parler d'un seul autre acte de violence en Europe qui est justifié en raison d'un conflit étranger ?", il a dit.
Il estime que l'Europe doit renforcer sa législation pour combattre toutes les formes de haine et d'incitation à la haine.  Il a également souligné que les leaders politiques européens peuvent jouer "un rôle encore plus grand rôle" en faisant pression sur Hamas pour qu’il fasse un geste humanitaire et qu’il libère Gilad Shalit.

2 commentaires :

Gilles-Michel DEHARBE a dit…

* Vers une nouvelle ghettoïsation ?

Les étrangers ne sont-ils pas particulièrement tentés par l’antisémitisme ?

Les personnes qui avaient côtoyé des juifs dans leur pays d’origine ne tendraient-elles pas à devenir antisémites en situation d’immigration ?

On peut comprendre un tel processus et on peut aussi l’observer.

On peut le comprendre en ce qu’en s’en prenant aux Juifs, on détourne l’attention du cas des immigrés ou du moins on en relativise l’importance. Une société qui a un problème juif sur les bras ne sera pas trop regardante sur ses immigrés non-juifs. Il ne s’agit pas tant pour ces immigrés de proférer des propos antisémites que de lever des tabous et de réveiller l’antisémitisme chez la population locale.

On peut l’observer dans le cas des milieux maghrébins en France qui ne sont nullement exempts d’antisémitisme, on le voit dans les délits antisémites qui leur sont imputés. En contestant aux juifs le fait d’être français à part entière - ce qui est un des aspects de l’antisémitisme arabo-musulman - on laisse ainsi entendre que la France n’a pas à faire la fine bouche à l’endroit de l’immigration maghrébine. La question est bien : à qui profite le crime ? A qui profite l’antisémitisme, en effet ?

Mais le cas maghrébin en France est-il seul de son genre pour étayer cette thèse ?

Il conviendrait de revenir sur le comportement des envahisseurs - qui sont une espèce particulière d’immigrés. On sait à quel point la poussée nazie a délibérément exacerbé l’antisémitisme dans les pays conquis, y compris en France. Quand on étudie la politique juive de Vichy, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Allemagne est parvenue par le biais du problème juif à légitimer en quelque sorte sa présence. Il ne déplaisait probablement pas aux pays ainsi investis de voir “leurs” juifs en difficulté et de pouvoir profiter, d’une façon ou d’une autre, de la spoliation de leurs biens et de leurs droits.

En Espagne, lors de la reconquista, qui est aussi une forme d’immigration, on sait que son aboutissement à la fin du XVe siècle, en 1492, aura coïncidé avec l’expulsion des Juifs d’Espagne mais aussi avec une politique assez perverse de conversion qui faisait des “nouveaux Chrétiens” des cibles pour la vindicte populaire.

On notera qu’en Russie, l’antisémitisme, à la fin du 19° siècle, concernait des régions annexées (Pologne, Ukraine, notamment) étant donné que les Juifs n’avaient pas le droit de s’installer en Russie proprement dite. Les pogroms ont pu servir de dérivatifs à des populations subissant le joug russe, comme à Kichinev, en Moldavie, en 1903.

Quant à l’Affaire Dreyfus, à une époque où l’Allemagne occupait l’Alsace et une partie de la Lorraine (Metz), est-ce qu’il n’était pas dans l’intérêt de la dite Allemagne d’exacerber l’antisémitisme en France ?

Les Juifs ont donc fréquemment servi de bouc émissaire pour réguler les conflits entre une population nouvellement arrivée - pour quelque raison que ce soit (immigration, conquête, reconquête etc) - et une population locale.

En réveillant le problème juif, on produit certains remous, ce qui peut brouiller les clivages et faire passer au second plan des enjeux d’importance.

C’est dire que toute situation de guerre, de conquête, favoriserait l’antisémitisme. Il ne faudrait pas oublier que la Shoah a eu lieu pendant la Seconde Guerre Mondiale : ce n’est peut-être pas un hasard. Le machiavélisme recommande l’antisémitisme pour faire dévier l’attention et notamment quand le véritable ennemi est trop puissant.

Gilles-Michel DEHARBE a dit…

Dire que les Juifs sont un bouc émissaire est un peu court dès lors qu’on ne prend pas la peine de préciser à qui cela profite, c’est-à-dire à ceux qui veulent faire oublier le poids de leur présence en un pays donné, précisément en insistant sur celui, souvent surestimé, exagéré, des Juifs, pour faire bonne mesure.

Mais si l’on peut ainsi déclencher à volonté l’antisémitisme, n’est-ce pas la preuve de la précarité de la présence juive ? C’est une question que l’on peut aujourd’hui se poser en France, alors que l’antisémitisme se banalise et se répand, permettant ainsi aux arabo-musulmans de mieux se faire tolérer.

Les Juifs ne renforceront pas leurs positions en se fondant dans la masse mais en montrant à quel point ils sont importants pour le pays, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Quelque part, il faudra que la France choisisse entre “ses” juifs et ses immigrés arabo-musulmans. Il est clair que moins ces immigrés auront de problèmes d’intégration, moins ils seront tentés de jouer sur la corde juive.

Le problème, c’est que ces Juifs qui sont les plus exposés quand il y a une présence étrangère sont peut-être aussi ceux qui sont viscéralement les plus sensibles à tout ce qui relève de l’imposture et toute présence déplacée en est une. En s’en prenant aux Juifs, en cherchant à les disqualifier, les étrangers s’efforcent d’éliminer les anticorps des sociétés qu’ils veulent investir.

Le problème, c’est qu’on ne peut sérieusement lutter contre l’antisémitisme que par un philojudaïsme : il n’y a pas de demi-mesure. On ne peut rester neutre car dire que les Juifs sont des citoyens comme les autres conduit à délégitimer toute affirmation identitaire ou lui conférer une signification dérisoire.

Tant que l’on n’aura pas reconnu le rôle “positif” des Juifs dans les sociétés occidentales, puisque c’est là qu’ils ont fait le mieux leurs preuves, au cours des derniers siècles, on ne pourra se protéger contre l’antisémitisme du type décrit plus haut.

Est-ce que la Diaspora favorise l’épanouissement de ce potentiel ? Affirmer cela voudrait dire que les Juifs sont le produit de leur Histoire, des conditions dans lesquelles ils vivent. Or notre approche du phénomène juif n’est pas de ce type.

Est-ce que pour les Juifs, vivre en diaspora ou en Israël constitue une différence majeure, comme le pensait un Georges Friedmann, dans son Fin du peuple juif ? Pour ce sociologue, le caractère juif était lié au mode de vie en diaspora et donc était amené à changer à la longue hors de cette condition diasporique.

Dans un monde dominé par Internet, est-ce que la question des frontières n’est pas sensiblement relativisée ? On peut à partir d’Israël rayonner sur le monde entier mais aussi être imprégné par lui. En vérité, il est difficile de penser le futur de nos sociétés sans savoir quels seront les modes de communication et de circulation de demain.