lundi 5 juillet 2010

Au parlement bruxellois, la majorité fait d’Israël le Juif des Nations ..., Viviane Teitelbaum

Au parlement bruxellois, la majorité fait d’Israël le Juif des Nations ... Le Parlement bruxellois est pour le boycott d'Israël mais contre le boycott de Gaza ...

"Vous dites "au lieu de cibler les groupes armés ce blocus punit la population civile"… c’est vrai les boycotts appauvrissent et radicalisent souvent les populations. [...] Mais quelques lignes plus loin vous réaffirmez le boycott de la Région bruxelloise envers Israël."

"Le Parlement Bruxellois va trop loin. C’est sans doute la seule assemblée parlementaire à s’exprimer de manière aussi unilatérale. Pourquoi ? Ayez le courage d’y répondre…"

Source: le blog de Viviane Teitelbaum, députée régionale bruxelloise, MR). (Mme Teitelbaum est l'auteur de l'unique livre en français sur l'antisémitisme en Belgique "Salomon vous êtes juif !?", L’antisémitisme en Belgique du Moyen-Âge à Internet.)  Extraits:

"Je vous livre ici le texte mon intervention en séance plénière ce vendredi matin, 2 juillet dans le cadre de la proposition de résolution relative à la réaction armée disproportionnée de l’Etat d’Israël suite à l’arraisonnement de la "flotille de la liberté" signée par les chefs de groupes de la majorité Rudi Vervoort (PS), Yaron Pesztat ( Ecolo), Céline Frémault ( CDH), Brigitte de Pauw ( CD&V) et Annemie Maes ( Groen). Une autre proposition de Fouad Ahidar ( SPA) condamnait “la violence aveugle et la violation de des droits de l’homme dans le conflit entre Israël et la Palestine”.

[...] Il s’agissait évidemment d’un drame humain suite à une opération militaire qui m’a plus que déconcertée. Car comment ou pourquoi une armée que beaucoup considèrent comme l’une des meilleures du monde se retrouve –t-elle à tuer ainsi neuf personnes ? Apparemment pas des pacifistes et âmes pures aux idéaux nobles, mais soit, cela reste difficile à comprendre. Mais au delà, et à juste titre, la proposition de résolution aborde le problème plus fondamental de l’avenir de Gaza.

Pourtant en lisant le texte j’ai l’impression qu’il s’agit ici, plus de rassurer une population vivant en Belgique [voir: Glenn Audenaert: le conflit israélo-arabe et le risque d'émeutes à Bruxelles et Bruxelles, ville musulmane en 2030 ? ], que de contribuer à une quelconque avancée pour la paix. Et c’est là que le bat blesse. L’emballement médiatique général auquel nous venons d’assister autour de la flottille pour Gaza, sans proportion avec la teneur de l’événement pour tragique qu’il soit, interpelle. Que les médias répercutent sans le moindre esprit critique des déclarations d’ONG dont on sait à présent qu’elles émanaient, entre autres, de candidats au suicide – perversion achevée de l’humanitaire, et financées entre autre par Al Quaida, c’est une
 chose, mais que le Parlement bruxellois reprenne tout cela sans nuance est pour moi infiniment plus inquiétant. Car au lieu de participer à apaiser les tensions au sein de notre pays, de notre Région, d’informer sur la complexité des réalités et des enjeux, nous parlementaires, contribuons à importer le conflit du Moyen-Orient dans nos sociétés. Et c’est cela que je regrette.

Pourquoi ? Et donc aussi pourquoi je ne peux m’associer ou voter le texte de résolution présenté par la majorité.

Je citerai rapidement quatre raisons :

1. La première c’est que tout peuple, a le droit de vivre dans la dignité. Je suis évidemment d’accord avec vous, sans nuances, sans aucun MAIS. Et nous savons tous et toutes que malheureusement ce n’est pas le cas pour de nombreux peuples sur cette terre. Je le sais, vous le savez. Je ne vais donc citer aucun des nombreux exemples que vous connaissez. Et, je n’ai aucun problème à ce que les seules propositions et indignations récurrentes de votre part s’adressent aux Palestiniens de Gaza : vous avez évidemment le droit de choisir vos préoccupations. Mais il faut alors accepter la blessure d’autres peuples, qu’ils soient Kurdes ou Ouzbeks pour ne citer que deux exemples parallèles et récents avec leurs cortèges de morts et de blessés dans les jours et semaines écoulées. Je veux dire des centaines de morts, des milliers de blessés. Je suis donc aussi indignée des neufs morts que vous. Mais vous ne m’en voudrez pas de ne pas me prêter à ce jeu dangereux et je pèse mes mots. Car je l’ai dit une vie vaut une vie. Mais où qu’elle soit.

2. Ensuite le blocus. Oui, il faut qu’il cesse. Même si manifestement nous n’avons pas les mêmes informations à ce sujet. Et l’on peut en effet se réjouir de l’adoucissement récent du blocus à condition toutefois que la population de Gaza en bénéficie effectivement, enfin. Mais qui observe que le blocus de Gaza était tout aussi bien le fait de l’Egypte ? Pas vous, pas dans votre texte.

Je suis contre tous les boycotts j’ai déjà eu l’occasion de le dire. Mais pas vous, je le regrette. Vous dites "au lieu de cibler les groupes armés ce blocus punit la population civile"… c’est vrai les boycotts appauvrissent et radicalisent souvent les populations. Si c’était un remède contre les guerres ou guérillas cela se saurait. Mais quelques lignes plus loin vous réaffirmez le boycott de la Région bruxelloise envers Israël. J’aimerais comprendre. En tout cas je ne voterai jamais un texte proposant quel que boycott que ce soit. Il n’y en a pas de bon. Il n’y a pas bonne guerre. Et dans ce contexte je préfèrerai toujours une mauvaise paix à une bonne guerre. Pas vous. C’est dommage. Et je citerai le président de la communauté arménienne : "Sans préjuger des torts dans cette terrible affaire qui alourdit encore davantage le climat au Moyen Orient, on ne peut que s’étonner de l’arrogance des dirigeants turcs. Faut-il rappeler qu’Ankara qui affecte de s’indigner aujourd’hui du blocus imposé à Gaza et va jusqu’à soutenir ouvertement les militants qui voudraient le lever, exerce depuis 17 ans un blocus totalement illégal contre l’Arménie ?" Mais vous ai je entendu à ce sujet ?

Par ailleurs, il faut se féliciter que la Turquie et Israël renouent des relations informelles pour apaiser les tensions, car c’est bien de cela qu’il doit s’agir : apaiser les tensions.

3. L’arraisonnement réalisé par Israël a été tragique et neuf personnes sont mortes. Mais là je me dois quand même de vous dire que je suis choquée. A quelques jours des événements de la flottille, alors que la Turquie se pose en parangon de la Justice, des bombardements des populations kurdes ont eu lieu dans l’indifférence totale, alors que la répression turque au Kurdistan ne faiblit pas depuis des années. Je ne vous ai pas entendu…Et quand les Kirghizes s’attaquent aux minorités Ouzbeks, faisant des centaines de morts en quelques jours, personne ici ne songe à faire une résolution. J’ai rencontré des femmes Ouzbeks la semaine dernière, elles regrettent cette indifférence généralisée. Moi aussi. Car comme vous le dites "rien ne peut justifier les pertes de vies humaines", mais là-bas non plus. Enfin, si j’ai tenu à intervenir cette fois-ci, c’est parce que à vous entendre ici encore et encore, au gré des interpellations et des résolutions, on dirait qu’il y a UN Etat criminel sur terre : le Juif des Nations, j’ai cité Israël. Et je voulais vous dire que si en effet l’Etat d’Israël fait de nombreuses erreurs qui sont critiquables et condamnables le Parlement Bruxellois va trop loin. C’est sans doute la seule assemblée parlementaire à s’exprimer de manière aussi unilatérale. Pourquoi ? Ayez le courage d’y répondre… Comme le dit mon ami Mohamed Sifaoui : "ce n’est pas parce que la politique d’un État est critiquable, condamnable – pour vous peut-être détestable - qu’on se doive d’applaudir au terrorisme, de montrer une indulgence lorsqu’il s’exprime ou encore de tenter de le justifier".

4. Ce conflit n’est pas manichéen. Il a commencé en 1948 avec la création de l’Etat d’Israël et depuis les peuples se sont affrontés dans de nombreuses guerres. Israël ne les a ni toutes voulues ni toutes déclenchées. Mais pour vous ce pays est l’unique cause de tout le mal dans cette région. Et c’est cela qui pour moi n’est pas acceptable. C’est en plus très dangereux. Rien n’est simple dans un conflit qui dure depuis aussi longtemps et où la reconnaissance même de l’un par l’autre est à la source des tensions et conditionne l’avenir. Et pour cela je ne voterai pas ce texte. Mais si un jour vous souhaitez écrire un plaidoyer pour la paix, équilibré, j’en serai.

Viviane Teitelbaum regrette que le Parlement bruxellois privilégie le jeu politicien à la défense des valeurs démocratiques

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