mardi 28 mai 2019

Portugal: Salazar face à la Shoah



"Selon le passeport qu'il a présenté à son arrivée [au Portugal], il est juif.  
Il a déclaré qu'il est catholique ce qui doit être faux." (Dossier d'un réfugié juif hongrois 
arrivé au Portugal le 9 octobre 1939.  Cette remarque ainsi que d'autres remarques désobligeantes sont répétées plusieurs fois dans les documents.  Source: archives familiales.)  

Salazar face à la Shoah
Filipe Ribeiro de Meneses, traduit de l’anglais par Claire Darmon
Dans Revue d’Histoire de la Shoah 2015/2 (N° 203), pages 255 à 276

Extrait:
"Dans cette lettre, en brossant le tableau d’une Europe plongée dans sa troisième année de guerre, Salazar fit un commentaire révélateur: «Le nazisme, relativement à sa conception de la politique internationale allemande, n’est-il pas l’expression contemporaine d’un pangermanisme éternel? Si Bismarck vivait aujourd’hui, ne ferait-il pas ce que Hitler a fait – intégrer l’Autriche, dominer les nations de l’empire autrichien, affirmer ouvertement son aspiration à l’hégémonie absolue en Europe? » Lorsque, dans cette lettre, il présente le Troisième Reich de Hitler, le dictateur portugais omet totalement de mentionner la composante raciale meurtrière qui le sous-tend. À cet égard, la correspondance entre Salazar et Gonzague de Reynold est caractéristique de ses opinions persistantes sur la nature de la guerre. Ces dernières années, on a beaucoup écrit sur le rôle du Portugal dans la Shoah, mais tous les auteurs qui se sont attelés à cette tâche se sont heurtés au mur du silence qui entoure Salazar et son opinion sur l’entreprise nazie d’extermination de la population juive d’Europe. Étant donné la position clé de Salazar au Portugal à l’époque – il était à la fois Premier ministre, ministre des Affaires étrangères et ministre de la Guerre (sans compter le fait que la police politique du régime, la Polícia de Vigilância e Defesa do Estado (PVDE), lui présentait directement ses rapports, court-circuitant le ministre de l’Intérieur) –, c’est là une situation frustrante aussi bien pour les historiens que pour les lecteurs. Cet article a pour objectif de sonder ce mur du silence, de tenter, d’après les propos, les écrits et les actes de Salazar, de reconstituer son point de vue sur la tragédie qui se déroulait, tout en les resituant dans le contexte plus large de la diplomatie et de la neutralité en temps de guerre."
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