mercredi 23 décembre 2009

Progrès: pour les Arabes l'Iran est devenu leur pire ennemi et pas Israël

Etonnant. Un sondage effectué par l'institut YouGov commandité par Qator Doha Debates indique qu'une nette majorité dans dix-huit pays arabes considère à présent que l'Iran est leur principal ennemi - détrônant ainsi Israël dont l'existence est considérée par eux comme une insulte. Enfin un peu de clairvoyance.
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The Eclipsing of the Arab-Israeli Conflict, par Michael J. Totten dans Commentary Magazine

According to a new study of public opinion by the folks who host the Doha Debates in Qatar, a clear majority in 18 Arab countries now thinks Iran poses a greater threat to security in the Middle East than Israel. The leadership in most of these countries has thought so for years. That average citizens now do so should be encouraging news for everyone in the region — aside from the Iranian government, Hamas, and Hezbollah.

Some may find it hard to believe that so many Arabs think Iran is more threatening than Israel, but I don’t. Leave aside the fact that Iran really is more threatening. Arabs and Persians have detested each other for more than a thousand years, ever since Arabs conquered premodern Iran and converted its people to Islam. The lasting ethnic enmity between the two is compounded by religious sectarianism. Most Arabs are Sunnis, most Persians are Shias, and Sunnis and Shias have been slugging it out with each other since the 8th century.

After the Iranian revolution against the Shah Reza Pahlavi in 1979, Ayatollah Ruhollah Khomeini’s Islamic Republic exploded into the Arab Middle East with a campaign of imperialism and terrorism. Khomeini never concealed his ambition to lead the whole Muslim world, and the government he founded has been hammering the established Sunni Arab order with a battering ram ever since.

Iran had excellent relations with Israel before Khomeini scrapped the alliance and switched to the Arab side. Like his successor Ali Khamenei, he used violent anti-Zionism to win the hearts and minds of the Arabs. It worked to an extent for a while. Most Arab governments didn’t buy it, but the people often did.

As recently as 2006, Iran, despite the fact that it has a Persian and Shia majority, picked up considerable cache among Sunni Arabs for attacking Israel from Lebanon with its Hezbollah proxy. (Lebanese Sunnis weren’t very happy about it, but Sunnis in Egypt and Syria certainly were.) The Egyptian and Saudi governments were alarmed, and they condemned Hezbollah for sparking the conflict.

This was unprecedented. While it barely registered in the West, it was huge in the Middle East, so huge that some of the more paranoid Lebanese Shias started thinking that the Sunnis and the Israelis were conspiring against them.
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- Most Arabs see Iran as bigger threat than Israel

3 commentaires :

Gilles-Michel DEHARBE a dit…

Les nombreux conflits religieux, politiques, socio-économiques et parfois ethniques qui existent entre communautés sunnites et chi’ites au sein du monde musulman ont un impact sur le comportement d’organisations plus radicales, ainsi que sur les acteurs étatiques les soutenant, lesquels peuvent se servir de ces conflits dans un but idéologique et tactique, pour renforcer la solidarité avec les groupes alliés. L’existence de deux tendances islamistes parallèles—le modèle chi’ite révolutionnaire iranien opposé au modèle sunnite radical wahhabite ou salafiste—modifie l’idéologie et la stratégie des nombreux groupes violents agissant dans le monde musulman. Ceci est clairement illustré par la guerre terroriste ouverte opposant groupes chi’ites et sunnites au Pakistan, en Afghanistan et en Irak, ainsi que, récemment, au sujet de la guerre menée par le Hezbollah contre Israël.

L’histoire des Musulmans depuis la création de l’État islamique [est] une guerre permanente et sans fin qui s’acharne à nier l’existence d’un pluralisme au sein de l’islam, sur le fondement qu’il n’existe qu’un seul centre du pouvoir, qui prend sa source dans une religion unique. Ce conflit ne prit jamais fin : d’une manière ou d’une autre, son ardeur ne s’est jamais épuisée, non seulement au sein des deux groupes antagonistes, les Sunnites et les Chi’ites, mais également parmi les groupes moins connus et moins impliqués.(*)

(*) Adonis, " Le Chiavi del Islam ", L’Espresso, 29 juin 2006.

Gilles-Michel DEHARBE a dit…

Le chi’isme compte près de 130 millions d’adeptes et représente quelques dix pour cent du 1,3 milliard de Musulmans dans le monde. L’écrasante majorité des Chi’ites (approximativement 120 millions) vit dans la région comprise entre le Liban et le Pakistan, où ils sont majoritaires en Iran, en Irak, au Bahreïn et en Azerbaïdjan ; ils sont la communauté la plus importante au Liban ; et ils représentent des minorités non négligeables dans plusieurs émirats du Golfe, en Arabie saoudite, au Pakistan et en Afghanistan (de même au sein de pays limitrophes comme l’Inde et le Tadjikistan, ainsi qu’en Afrique australe). Depuis la frontière sud de l’Irak jusqu’aux ghettos de Karachi, les Chi’ites ont été les opprimés, marginalisés et oppressés des régimes politiques sunnites au pouvoir et des communautés majoritaires.

Dans un article concis et convaincant, Vali Nasr examine l’origine du renouveau chi’ite en Irak au lendemain de la chute de Saddam Hussein, ainsi que ses implications au sein d’un Moyen-Orient élargi. Il souligne ainsi le rôle de la révolution iranienne de 1979, laquelle a mobilisé l’identité chi’ite et encouragé le développement de programmes spécifiquement chi’ites en apportant un soutien financier et politique à des groupes tels qu’Amal (" espoir ", acronyme généralement utilisé pour désigner le mouvement des dépossédés) au Liban, al-Da’wa al-Islamiyya (" l’Appel islamique ") en Irak, Hizb-i Wahdat (" le Parti de l’unité ") en Afghanistan et Tehreek-e-Jafria (" Mouvement pour la jurisprudence chi’ite ") au Pakistan. L’axe Téhéran-Damas est également une composante du programme expansionniste de l’Iran chi’ite, à la faveur duquel le Hezbollah a pu s’implanter au Liban. En soutenant cette organisation dans les années 1980-90, l’Iran avait pour objectif de s’opposer à la présence américaine dans ce pays et de renforcer l’influence iranienne parmi les Libanais. Toutefois, selon Nasr, l’Iran révolutionnaire ne réussit pas à modifier l’équilibre des forces entre Chi’ites et Sunnites dans la région et se résout finalement à abandonner cet objectif, alors que les Saoudiens s’érigeaient en garants du sunnisme et se posaient en symbole de la résistance aux " usurpateurs " chi’ites. Selon ce point de vue, l’Arabie saoudite était motivée par la volonté de contrôler sa propre minorité chi’ite et de répondre au défi de Khomeini quant à la légitimité islamique du royaume saoudien. L’implication de Riyad dans le militantisme sunnite ne suscita que peu d’inquiétude au sein du monde occidental au cours des années 1980-90 : durant cette période, l’Iran et son militantisme chi’ite furent considérés comme la face la plus dangereuse de l’islam et comme la menace la plus inquiétante pour les intérêts occidentaux. Les termes d’anti-américanisme, de révolution, de terrorisme, de prise d’otage et d’attentat-suicide furent alors associés aux Chi’ites. Nasr considère qu’après la mort de Khomeini en 1988, le militantisme chi’ite cessa d’être la force idéologique à la pointe de l’activisme islamiste et fut remplacé, après la première guerre du Golfe en 1991, par le militantisme sunnite, lequel se développa du moins partiellement, sinon essentiellement, en réponse à l’activisme chi’ite qui suivit la révolution iranienne. (*)

(*) Il semble que l’article de Nasr ait également influencé le débat au sein de l’establishment et du monde universitaire américain sur cette importante question. Voir Vali Nasr, " Regional Implications of Shi’a Revival in Irak " [" Conséquences régionales du renouveau chi’ite en Irak "], The Washington Quarterly, vol. 27, no. 3, été 2004.

Gilles-Michel DEHARBE a dit…

(*) L’alliance entre l’Iran, la Syrie, le Hezbollah et les Palestiniens (Hamas, Jihad islamique palestinien et certains éléments du Fatah) laisse à penser qu’une telle union est non seulement de l’ordre du possible, mais qu’elle opère victorieusement contre ses ennemis déclarés : les États-Unis, Israël, l’Occident dans son ensemble et les régimes arabes modérés.

Cependant, ce cas précis est différent : le moteur et le soutien de cette alliance proviennent de deux États " voyous " (ou rogue states), l’Iran et la Syrie, régimes autoritaires ayant usé pendant trente ans d’une stratégie de terrorisme à un niveau international, sans avoir à subir de réelles sanctions. Leur position dominante face à des organisations terroristes satellites ou mandataires, le soutien politique, financier et militaire ainsi que l’asile qu’ils accordent aux membres secondaires de l’alliance, sont ainsi des éléments déterminants facilitant le fonctionnement de cette alliance.

L’expérience historique de ces trente dernières années démontre que la plupart des coalitions rassemblant organisations terroristes radicales et groupes issus de toutes origines n’auront fonctionné que partiellement et généralement duré que peu de temps.

Les dissensions qui existent entre Chi’ites et Sunnites montrent l’extrême difficulté pour les mouvements religieux islamistes et les groupes faisant usage du terrorisme et de la violence de construire de véritables coalitions, qui puissent durer suffisamment longtemps pour aboutir à la création d’une Oumma musulmane unifiée et victorieuse. Toutefois, des coalitions d’ordre tactique pourraient se créer à la faveur de périodes de fragilité opérationnelle et de pression, ou de menace, extérieure accrue. De telles coalitions auraient pour principales conséquences une déstabilisation des régimes politiques fragiles dans la région, un ébranlement du processus démocratique qui se met en place dans certains pays, ou encore un affaiblissement du processus de négociation engagé entre Israël et les Palestiniens.

(*) Ely Karmon est directeur de recherche à l’Institute for Counter-Terrorism (ICT) et chercheur à l’Institute for Policy and Strategy (IPS), tous deux rattachés à l’Interdisciplinary Center (IDC) basé à Herzliya, en Israël. Il enseigne le terrorisme et la guérilla à l’époque moderne à l’IDC, à l’Israeli Defense Forces (IDF) Military College, ainsi qu’au National Security Seminar of the Galilee College. Ely Karmon est l’auteur de Coalitions of Terrorist Organizations. Revolutionaries, Nationalists and Islamists [Coalitions d’organisations terroristes. Révolutionnaires, nationalistes et islamistes], Leiden, Boston, Brill Academic Publishers, 2005.