jeudi 14 avril 2011

Denis Charbit, fervent admirateur du Rapport Goldstone ...

"C’est sans doute aussi la difficulté, l’impossibilité à admettre que le visage que l’on présente d’Israël dans ce rapport soit le vrai, le bon, le juste. La raison et le cœur ne peuvent l’admettre. Ils préfèrent l’ignorer. Ce visage-là, défiguré, ce n’est pas nous, ce n’est pas le nôtre; voilà ce que signifie la réaction israélienne unanime, confirmée par les réactions officielles du pouvoir comme de l’opposition."

"Certes, il y a une exception de taille à ce tableau idyllique : le rapport Goldstone. Contredisant la prétention israélienne à mener une guerre juste et propre, ce rapport accablant estime que l’intervention israélienne à Gaza fut particulièrement sale et a frappé indistinctement, au-delà du tolérable, militaires et civils." (2 mars 2010

Le Centre Communautaire Laïc Juif (CCLJ) de Belgique publiait le 3 novembre 2009 une analyse de son politologue attitré Denis Charbit intitulée Goldstone : Un pavé dans la mare.  Alors que de nombreuses voix s'étaient élevées pour pointer les graves erreurs qui émaillent le rapport, Denis Charbit faisait totalement confiance au rapport et accablait, lui aussi, Israël qu'il invitait à se justifier et à se repentir.  Récemment le Juge Richard Goldstone s'est rétracté dans un journal américain, et, malgré le tort et le mal qu'il a provoqué, son courage lui fait honneur.  Extraits du billet de Charbit :

"La publication du rapport Goldstone suite à l’intervention de Tsahal à Gaza en décembre 2008 a été très mal accueillie par l’opinion publique israélienne qui refuse de mettre en doute les agissements de ses soldats. Explication de cette unanimité israélienne face à la condamnation internationale.

La surprise désagréable pour mes concitoyens [l'auteur vit en Israël et parle donc en bon connaisseur du pays] qu’a révélée la publication du rapport Goldstone, c’est évidement la constatation de l’abîme de plus en plus profond qui sépare le sentiment collectif de l’opinion israélienne de la réaction internationale officielle dont on peut craindre qu’elle ne finisse par imprégner les opinions publiques. Cet écart est inquiétant. Il attise, du coté israélien, les soupçons d’une vaste conspiration antisémite et, de l’autre, accrédite l’idée qu’Israël fait figure d’Etat d’exception. [...]

Une commission indépendante
C’est sans doute aussi la difficulté, l’impossibilité à admettre que le visage que l’on présente d’Israël dans ce rapport soit le vrai, le bon, le juste. La raison et le cœur ne peuvent l’admettre. Ils préfèrent l’ignorer. Ce visage-là, défiguré, ce n’est pas nous, ce n’est pas le nôtre; voilà ce que signifie la réaction israélienne unanime, confirmée par les réactions officielles du pouvoir comme de l’opposition. Tout au plus, certains prennent du recul par rapport à cette ligne pour estimer qu’Israël a commis une lourde erreur en refusant de se présenter devant la commission pour apporter son témoignage et équilibrer la représentation unilatérale de l’opération puisqu’au final les membres de la Commission n’ont entendu grosso modo qu’un seul point de vue. Ce refus a priori ne traduit pas seulement la défiance traditionnelle d’Israël vis-à-vis des instances internationales; on ne peut pas s’interdire de penser qu’Israël pressentait les résultats de l’enquête et préféra que la commission Goldstone établisse son rapport sans qu’elle puisse se prévaloir de la coopération israélienne. Pour l’heure, la seule concession entendue dans le débat public concerne l’exigence présentée à Israël de procéder à sa propre enquête à condition qu’elle ne soit pas confiée à Tsahal. Le dilemme n’est pas mince : créer cette commission, c’est admettre que les enquêtes auxquelles Tsahal avait procédé n’avaient aucune valeur; refuser de le faire, c’est prendre le risque que la Cour internationale de La Haye n’en soit saisie.  [...] il est bon qu’une commission judiciaire prenne le relais du gouvernement pour rendre son verdict indépendamment des pressions intérieures et extérieures exercées pour qu’elle blanchisse ou noircisse Israël.


Le sacerdoce des démocraties
[...]  le rapport Goldstone est venu troubler la satisfaction qui régnait dans les milieux officiels. Après s’en être plutôt bien tiré avec Obama, révélant un savoir-faire diplomatique là où tout le monde prévoyait une montée aux extrêmes, Netanyahou affronte cette fois un rapport qui met à mal le prestige d’Israël. Un vent de panique souffle désormais dans les couloirs ministériels et il a suffi d’un rapport pour effacer le sourire sur les lèvres de ceux qui avaient tout prévu sauf l’imprévu. Au milieu de cette confusion et de la guerre psychologique qui se déroule depuis sur ce qu’il faut penser du rapport, de son auteur, des instances internationales, du droit de la guerre face au terrorisme, il importe de dégager la position juste, le «juste milieu» dirait-on entre la réception aveugle et unanime du rapport et la fin de non-recevoir qu’on lui a opposé en Israël. Tentons modestement d’y voir clair en commençant par une exigence que, par courtoisie, il convient de formuler comme une recommandation : à l’heure d’Internet et de Google, il suffit aujourd’hui de deux ou trois manœuvres élémentaires pour lire le rapport dans le texte (tapez : Goldstone Report UN). Certes, il ne s’agit pas d’en lire l’intégralité. Il faut du temps pour avaler 575 pages, mais au moins devrait-on consulter avec profit les 38 pages de résumé qui le précèdent. «Va et étudie» disait sagement Hillel; eh bien, nous sommes allés y voir de plus près. Le rapport est accablant sans aucun doute. Il n’y avait pas lieu d’élargir son mandat à la situation en Cisjordanie, c’est certain; qu’Israël soit soumis à un contrôle auquel échappent tous les pays en guerre, surtout lorsqu’ils sont puissants, nul n’y contredit; la nature des pays membres du Conseil des droits de l’homme et les majorités automatiques contre Israël altèrent les capacités de procéder à une lecture du rapport qui, en dépit de son langage juridique, est livré à une enceinte qui ne peut prétendre avoir le même détachement. Mais à la précision du rapport, il faut répondre point par point; examiner les allégations une par une, apporter un autre éclairage lorsqu’il y a lieu de le faire, et le cas échéant, reconnaître ses erreurs et admettre que le rapport dit vrai. C’est le sacerdoce des démocraties : s’en abstenir par une condamnation globale, c’est entrer dans le club des pays où la parole est censurée.

Mardi 3 novembre 2009
Denis Charbit"

Aucun commentaire :