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mardi 21 août 2018

Arno Lustiger: Si Israël dépose les armes...


Propos rapportés par Wolf Biermann, poète allemand ou plus exactement un auteur-compositeur-interprète:
"Un vieil ami, l’historien de la Résistance juive Arno Lustiger, m'a dit: Quand les Arabes déposeront enfin les armes, la guerre sera finie. Mais quand Israël déposera les armes, Israël sera fini."

Arno Lustiger
Arno Lustiger (1924-2012) était un cousin du cardinal Jean-Marie Lustiger, archevêque de Paris (1926-2007). Il avait prononcé le Kaddish, prière juive des endeuillés, lors des obsèques du cardinal français, en araméen, selon les dernières volontés du défunt, sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 10 août 2007. Arno Lustiger était rescapé des camps nazis et des "marches de la mort".

mercredi 4 avril 2018

Jean-Claude Milner: "Les Juifs n'intéressent plus personne en Europe"


Jean-Claude Milner, linguiste, philosophe et essayiste:
"Tout ce qu'il y a à comprendre, c'est que les Juifs n'intéressent plus personne en Europe. Même pas ceux qui se livrent, chaque jour plus ouvertement, aux pratiques et déclarations anti-juives. L'antijudaïsme moderne est devenu la forme naturelle de l'indifférence; la persécution, la forme naturelle du désoeuvrement; le déni de l'antijudaïsme et de la persécution, la forme naturelle de l'opinion raisonnable.

Il est opportun que le contretemps cesse. Le premier devoir des Juifs, ce n'est pas, comme l'imaginait Herzl, de délivrer l'Europe des Juifs. Le premier devoir des Juifs, c'est de se délivrer de l'Europe."
Les penchants criminels de l'Europe démocratique, Verdier, 2003, p.p. 129-130

Lire également d'autres citations de Jean-Claude Milner:
- "Le programme hitlérien concernait les ashkénazes, les séfarades étaient confiés au grand mufti de Jérusalem"
- "La question juive se rouvre à l’échelle de l’Europe entière"
- "Autrefois, l’Europe se sentait encore redevable aux juifs exterminés"
- Mitterrand dénonçait "l'influence puissante et nocive du lobby juif en France"

vendredi 30 mars 2018

Alexis Lacroix: La tolérance pour l'antisémitisme salonard d'un Paul Morand insultant les Israéliens après la victoire de 1967


Alexis Lacroix est directeur délégué de la rédaction de L'Express. Il est l'auteur de J'accuse: 1898-2018, Permanences de l'antisémitisme (éd. de L'Observatoire, 2018).  Alexis Lacroix est interviewé par Aziliz Le Corre pour Figaro Vox:
Alors qu'Antoine Gallimard a suspendu la publication des pamphlets de Céline, que Maurras a été retiré de la liste des commémorations de l'année 2018, l'élu à la mairie de Paris, Alexandre Vesperini, veut débaptiser une rue au nom du philosophe Alain, pour les propos antisémites tenus dans son journal. Faut-il vraiment tout interdire?

Je ne pense pas, non, qu'il faille tout interdire! Mais, de grâce, tenons compte du contexte - nous sortons à peine, avec la marche blanche, d'une longue glaciation de l'esprit, qui a duré près de vingt ans, et au cours de laquelle l'antisémitisme a été obstinément dédramatisé.

Bien sûr, punir rétrospectivement le grand républicain qu'a été Alain, alias Emile Chartier, n'est sans doute pas une cause prioritaire, mais enfin… Moi qui apprécie le grand professeur et le maître à vivre, je suis quand même effondré par ce que nous venons d'apprendre. Et puis, je n'éprouve aucune empathie pour ces gens qui se délectent de la prose convulsée de tel écrivain collabo et qui tiennent leur dilection pour le comble du chic. Je ne vois pas pourquoi on devrait avoir, à tout prendre, plus de tolérance pour l'antisémitisme salonard d'un Paul Morand insultant les Israéliens après la victoire de 1967, que pour les jurons d'une «caillera».
Lire l'entretien complet @ Figaro Vox

dimanche 18 mars 2018

Federico Zeri: La culture juive "fut, pendant des siècles, le sel et le levain de la vieille Europe"


Federico Zeri (1921-1998), "était incontestablement l'historien de l'art le plus célèbre d'Italie"; (l'Université de Bologne abrite la Fondation Federico Zeri ):

Portrait de Serena Lederer,
mère d'Erich Lederer,
par Gustav Klimt
"Il ne m'est arrivé que deux fois de percevoir de près la transformation d'une tranche de vie en une tranche d'histoire. Durant un certain nombre d'années, à chacune de mes visites à Genève, la rencontre avec Erich Lederer (qui s'était installé là, venant de Vienne pour échapper, de justesse, aux persécutions nazies), constituait pour moi une sorte de rite obligé.

[...] chez lui (sa demeure foisonnait de superbes oeuvres d'art), on avait l'impression que, tout d'un coup, la conversation transgressait les paramètres normaux d'espace et de temps, lorsque, par exemple, je l'entendais dire: "Mais bien sûr, j'ai connu Sigmund Freud, il m'a soigné d'un épuisement nerveux lorsque j'étais gamin.  C'était quelqu'un à l'esprit aigu, très intéressant, mais qu'il était ennuyeux! Il n'arrêtait jamais de poser des questions."

Ou bien (me montrant une pile de splendides dessins): "Ce sont des études d'après nature que fit Gustav Klimt pour les portraits de notre famille.  Si j'ai bonne mémoire, il devrait y avoir le mien aussi, mais ces feuillets sont tout ce qu'il en reste.  Je n'en ai même pas les photos, hélas! Un jour avant de fuir devant l'arrivée des Russes, les S.S. qui occupaient notre maison mirent le feu à tout". [...]

Chez tous deux [Erich Lederer et Bernard Berenson], j'ai apprécié les derniers représentants de ce qui fut, pendant des siècles, le sel et le levain de la vieille Europe: la culture juive.

Aujourd'hui, après l'atroce période qui s'étend de 1933 à 1945, il nous est très difficile de peser l'importance, la portée, qu'eut, pour la tradition romano-chrétienne, la symbiose avec le judaïsme; d'évaluer les ouvertures et les ruptures dont ce dernier était capable, les trésors qu'il célait sous un immobilisme apparent.  [...]

[Bernard Berenson] me faisait comprendre que le signe du génie authentique consiste en un pouvoir de synthèse, réside dans le don de lire l'histoire en la creusant à la recherche d'un sens, d'une texture, d'un tissu de significations à différents niveaux. 
Par certaines de ses remarques, certains commentaires, certaines comparaisons incompréhensibles à première vue, se dévoilait son esprit juif.  Qu'il se fût converti au catholicisme, je ne l'appris qu'après sa mort. en 1959; mais je pense que sa structure mentale était demeurée celle qui avait été façonnée dans le ghetto près de Vilno, en Lituanie.

Il était imprégné de la tradition du respect envers la culture, de la curiosité infinie à l'égard de chacune de ses facettes, et par moments on percevait dans sa conversation la suprême dignité humaine et morale de la lignée qui part de l'Evangile, effleure Spinoza, s'exprime dans la musique de César Franck (dans ma mémoire esthétique, le musicien est toujours lié à B.B.), la lignée qui constitue le grand monument de la culture judaïque at its best."
Dans le jardin de l'art, Rivages, 1991, p.p. 167-168.

mardi 13 mars 2018

Hannah Arendt: "Un homme attaqué en tant que Juif ne peut pas se défendre en tant qu’Anglais ou Français"


Hannah Arendt (1906-1975), philosophe allemande: :
"Le peuple juif commence pour la première fois à découvrir une vérité qu’il ignorait jusqu’à présent, à savoir qu’on ne peut se défendre qu’en qualité de ce au nom de quoi on a été attaqué.

Un homme qui a été attaqué en tant que Juif ne peut pas se défendre en tant qu’Anglais ou Français, sinon le monde entier en conclura qu’il ne se défend même pas.

C'est une règle du combat politique qu'ont peut-être apprise ces dizaines de milliers de Juifs français qui eux aussi avaient peur de la "guerre juive" et croyaient devoir se défendre en tant que Français pour échouer finalement en Allemagne, séparés de leurs compagnons de combat français dans des camps de prisonniers juifs." (1941)
Cité par Marc Crapez, Antagonismes français, Les Editions du Cerf, 2017, p. 277.

Lire également:
Hannah Arendt: Céline "allait droit au but et réclamait le massacre de tous les Juifs"

lundi 12 mars 2018

Ivan Rioufol dénonce le parti pris anti-israélien de l'Union européenne

Ivan Rioufol, éditorialiste au Figaro:
"Convergence avec la Ligue arabe

Il serait temps de s'alarmer des compromissions de l'UE avec ce monde islamique qui la manipule. La politique pro-arabe, généralisée par l'Union après 1973 sous la pression de la crise pétrolière, explique le choix de s'ouvrir à la civilisation musulmane pour s'attirer ses faveurs. Or celle-ci vient grossir les contre-sociétés au cœur des nations ouvertes.  
Quand Matteo Salvini, le leader de la Ligue qui revendique la direction du gouvernement italien, déclare: «Je suis un ami et un frère d'Israël», celui qui est présenté par les médias comme un extrémiste de droite invite à regarder de près la politique extérieure de l'UE: son parti pris anti-israélien a fait dire à Federica Mogherini, parlant au nom de l'UE le 27 février, que l'Europe avait avec la Ligue arabe «une convergence complète d'objectifs» sur la relance du processus de paix. La décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël a été critiquée. Cette soumission s'ajoute à celles déjà actées dans le cadre du «Dialogue euro-arabe». Mais ces concessions ont conduit à rendre l'islam politique intouchable. Le loup est présenté comme un agneau.

C'est sous l'influence de la Coopération euro-arabe, depuis longtemps dénoncée par l'essayiste Bat Ye'or, que des pays d'Europe se sont pliés aux exigences islamiques. Comme le rappelle Pierre Rehov (FigaroVox), la Suède a pris la tête de cette capitulation: elle voit par exemple une «incitation à la haine» dans l'utilisation du terme «terrorisme islamique». Le journaliste allemand Michael Stürzenberger a été condamné à six mois de prison et 100 heures de travaux d'intérêt général par le tribunal de Munich pour avoir publié sur sa page Facebook une photo du grand mufti al-Husseini en compagnie d'Hitler ; le journaliste a été déclaré coupable «d'incitation à la haine envers l'islam». En France, Marine Le Pen vient d'être mise en examen pour avoir diffusé sur Twitter des photos d'exactions de l'État islamique. L'assassinat de Sarah Halimi, défenestrée en avril 2017 à Paris par un musulman hurlant «Allah akbar», a été occulté avant que la justice n'accepte de reconnaître, onze mois après, l'évidence de l'acte antisémite…"
Lire l'article complet @ Crif 

Lire également du même auteur:

"En France les chiens aboient, en Israël la caravane passe"

L'envolée de l’antisémitisme est le résultat de l’aveuglement des professionnels de l’antiracisme

"Il existe un racisme anti-Juif qui est toléré par les bons apôtres"

vendredi 9 mars 2018

France: La communauté juive "en proie aux doutes et aux peurs" (Le Figaro)


"Une communauté en proie aux doutes et aux peurs
Soucieux, selon son entourage, de montrer que "la République se tient au côté de chacun de ses enfants", le chef de l'État s'était donné pour mission de rassurer une communauté en proie aux doutes et aux peurs"Il estime qu'il en va de la dignité du pays de protéger chacun des siens, en particulier ceux qui sont en butte aux violences les plus odieuses. Or, c'est le cas de la communauté juive depuis de trop nombreuses années" martèle un proche conseiller."
Extrait d'un article publié dans Le Figaro intitulé "Macron veut rassurer les Juifs de France - Au dîner du Crif, le chef de l'État entendait dénoncer l'instrumentalisation du conflit israélo-palestinien." (08/03/2018)

mercredi 7 mars 2018

M. Yourcenar: Le sacre qu'a été pour les Juifs l'holocauste hitlérien...


Marguerite Yourcenar (1903-1987), écrivain:
"Il est devenu très difficile de s'exprimer avec naturel sur le compte des Juifs: le sacre qu'a été pour eux l'holocauste hitlérien et nos efforts pour lutter contre tout racisme nous empêchent de parler d'eux simplement, essayant de définir qualités et défauts, comme on le ferait par exemple pour les Hollandais ou des Catalans." 
Cité par Marc Crapez, Antagonismes français, Les Editions du Cerf, 2017, p. 199.


"Et on pourrait multiplier les citations."
"Quelques-uns de ces stéréotypes demeurent aussi chez de grands écrivains français contemporains et parmi eux, chez un auteur insoupçonnable, sous ce point de vue, tel que Marguerite Yourcenar. La mère juive de Grigori Loew dans Le Coup de Grâce est une grosse femme «noyée de graisse» et, selon le cliché, dans le même roman, la prostituée anonyme est juive aussi et le même Grigori est présenté comme un jeune intellectuel qui renvoie au personnage du prophète juif, commis dans une librairie et fils d’un usurier. Sarai aussi, la jeune fille dont Nathanael tombe amoureux dans Un homme obscur, est juive. Elle aussi est prostituée, voleuse et fourbe. Et on pourrait multiplier les citations."
Source

lundi 26 février 2018

Philippe Conrad: Louis XVI et les Juifs

Philippe Conrad, essayiste, historien et journaliste:
Louis XVI
Dès avant 1789, Louis XVI avait entamé le processus qui devait conduire à l’émancipation des Juifs du royaume, alors que le peuple maintenait contre cette communauté d’anciennes préventions. (...)

Les magistrats strasbourgeois proposent de ne pas inquiéter Cerf Beer, locataire de trois maisons dans la ville, mais exigent qu’il les quitte une fois accomplies les missions qu’il remplit au service du roi. Le principal intéressé réclame, pour sa part, l’application pure et simple des lettres patentes de 1775. Il insiste sur l’intérêt public de son négoce et stigmatise habilement l’opposition que manifeste Strasbourg à l’autorité royale.

Il sait d’autre part qu’il peut compter à la Cour sur de nombreux appuis, ceux notamment du marquis d’Argenson, du maréchal de Contades et du comte de Ségur. Se jugeant en position suffisamment forte, Cerf Beer va même revendiquer davantage, en suggérant à Louis XVI d’étendre à ses coreligionnaires méritants la mesure dont il a bénéficié. Strasbourg réplique en refusant d’admettre en ses murs les «sangsues» qui vont ruiner ses habitants.

Le gouvernement royal décide alors d’envoyer en Alsace un commissaire chargé d’enquêter sur place. Les rapports que celui-ci adresse au maréchal de Ségur et au comte de Brienne font état des efforts infructueux qu’il a déployés pour convaincre les autorités municipales. Il rend compte également de l’extrême inquiétude de la bourgeoisie locale qui redoute une décision favorable à Cerf Beer comme «le fléau le plus destructeur qu’il y ait à appréhender».

La situation apparaissait ainsi comme passablement bloquée. Louis XVI peut difficilement se déjuger en ce qui concerne ses lettres patentes de 1775, mais il lui est également impossible d’imposer une mesure aussi impopulaire, d’autant que, le 22 janvier 1788, une commission de l’Assemblée provinciale d’Alsace est intervenue à Versailles en faveur de Strasbourg.

LA MISSION CONFIÉE À MALESHERBES 
Malesherbes
Placé devant ce délicat problème, le roi institue une commission dont la présidence est confiée à Malesherbes. Attaché aux idées philosophiques de l’époque, membre du ministère réformateur de Turgot, cet ancien président de la Cour des Aides est revenu aux affaires en 1787 pour contribuer à la préparation de l’édit accordant l’état civil aux protestants. Il est donc tout désigné pour se pencher sur le problème de la situation des Juifs et la tradition veut que le souverain lui aurait confié cette mission en ces termes : «Monsieur de Malesherbes, vous vous êtes fait protestant et moi je vous fais juif».

Les membres de la commission sont choisis parmi les intendants qui ont eu en charge des provinces où vivaient des Juifs et parmi les représentants les plus distingués de la communauté juive elle-même (Furtado et Gradis pour Bordeaux, Cerf Beer pour Strasbourg, Lazard et Trenel pour Paris).

La tâche de la commission est d’autant plus délicate que les Juifs de Bordeaux, déjà très assimilés, refusent absolument d’être confondus avec ceux de l’Est. À l’issue des travaux, le mémoire transmis par Malesherbes à Louis XVI prévoit une émancipation graduelle, les lettres de naturalisation étant accordées progressivement, en fonction des services rendus. On n’envisage pas encore l’émancipation générale des Juifs d’Alsace et certaines des limitations prévues en 1784 auraient sans doute été maintenues, notamment l’exclusion des Juifs de la magistrature.

Le déclenchement de la Révolution fait que les décisions en préparation échappent au pouvoir royal pour passer à l’Assemblée constituante. Une véritable unanimité anti-juive se manifeste dans les cahiers de doléances alsaciens et lorrains, seuls les nobles apparaissent plus libéraux. Les troubles de l’été 1789 obligent même plusieurs milliers de Juifs alsaciens à se réfugier en Suisse mais, le 31 août 1789, leurs représentants, conduits par Cerf Beer, viennent présenter leurs doléances à l’Assemblée où ils sont soutenus par Mirabeau, l’abbé Grégoire, Rabaut Saint-Étienne — qui avait obtenu deux ans plus tôt l’octroi de l’état civil aux protestants — Clermont-Tonnerre, Barnave et Robespierre. 
À la fin du mois de décembre, l’Assemblée accepte de donner l’égalité totale aux protestants, aux comédiens et au bourreau mais la refuse aux Juifs, par 408 voix contre 403. Un mois plus tard, les Juifs du Sud-Ouest et d’Avignon deviennent des citoyens à part entière. Ce n’est pas le cas des Juifs d’Alsace. La province s’agite et ses représentants emmenés par l’Alsacien Jean-François Reubell, s’opposent vigoureusement à toute émancipation. Ce n’est que le 27 septembre 1791, au moment où elle est sur le point de se séparer, que l’Assemblée révoque, à la demande de Duport, «tous les ajournements, réserves et exceptions insérés dans les précédents décrets relativement aux individus juifs.»

L’émancipation est donc péniblement acquise et c’est Louis XVI qui, en sa qualité de chef de l’exécutif, ratifie, le 13 novembre 1791, sans user de son droit de veto, la loi ainsi votée par les constituants.
Lire l'article complet @ Lectures Françaises

vendredi 23 février 2018

Jean-Claude Milner: "Le programme hitlérien concernait les ashkénazes, les séfarades étaient confiés au grand mufti de Jérusalem"


Jean-Claude Milner, linguiste, philosophe et essayiste:
"Le programme hitlérien concernait les ashkénazes. Pour autant que je puisse voir, les séfarades étaient confiés au grand mufti de Jérusalem; c’est à lui ou à ses semblables qu’il serait revenu de régler le problème s’il y avait eu victoire. Comment cela se serait passé, personne ne peut le savoir, mais en tout cas le souci immédiat de purification de l’Europe, ça concernait les ashkénazes.  
Et ça les concernait (comme Freud le dit quelque part) non pas en tant qu’ils étaient très différents des Européens, mais en tant qu’ils n’étaient pas très différents. Le point crucial, si j’ose dire, c’était justement qu’ils étaient si peu distinguables. Et cela, grâce aux Lumières. En fait, le programme nazi n’a rien à faire du shtetl. Son ennemi principal, c’est en vérité le juif des Lumières, parce qu’on ne le reconnaît pas, parce qu’on pourrait ne pas le reconnaître. C’est justement en ce point du peu de différence, du trop peu de différence, qu’intervient le racial. La race permet de faire passer le tranchant d’une séparation essentielle entre des êtres qui se ressemblent absolument. Plus les Lumières accomplissaient leur programme, plus on eut recours à l’en-deçà des Lumières, au plus obscur du somatique. Le discours racial est l’ombre noire que projette l’assimilation et qui la suit, d’autant plus nettement dessinée que la lumière est plus vive."
Passages, 1er trimestre 2004, par Cyril Veken, Marc Darmon et Jean-Jacques Tyszler - L’Europe est-elle antisémite?

Lire également:
Jean-Claude Milner: "La question juive se rouvre à l’échelle de l’Europe entière"

jeudi 22 février 2018

Réaction de Simon Leys à l'assassinat d'Ilan Halimi

Alexandre Devecchio, journaliste pour Le Figaro:
Ils sont tous soudés par l'obsession morbide du tout, tout de suite », écrivait Morgan Sportès à propos du « gang des barbares » dans son livre consacré à l'affaire Ilan Halimi
Après la lecture de cette oeuvre, Simon Leys, qui fut l'un des premiers intellectuels à dénoncer la Révolution culturelle chinoise, «Existe-t-il encore une civilisation européenne?»  
Bendaoud est le visage de la désintégration de certaines banlieues. Le pantin déculturé de l'ère du vide."
Lire l'article complet @ Le Figaro

Lire également:
L'exode des juifs de banlieue qui "craignent désormais pour leur vie" (Alexandre Devecchio)

mercredi 21 février 2018

Alain Destexhe: "Modérés" ou "conservateurs", seule la rhétorique change dans la politique iranienne vis-à-vis de Jérusalem

Alain Destexhe, sénateur et député bruxellois:
Après des années de tensions, jamais Israël et l’Iran n’ont été si proches d’une confrontation directe. Le régime iranien constitue désormais la principale menace pour Israël, avec lequel il n’a pourtant pas de frontières, mais dont il a juré la destruction. Outre la perspective que les ayatollahs se dotent un jour de l’arme nucléaire, des missiles balistiques classiques peuvent peut-être déjà atteindre l’Etat hébreu. La quasi-victoire de Bachar el-Assad donne la possibilité à ses alliés du Hezbollah et aux milices chiites, sous tutelle iranienne, de se concentrer sur l’ennemi de toujours, le «serpent» israélien. Sur le versant syrien du Golan, une confrontation directe n’est pas exclue. Pour la première fois dans l’histoire tumultueuse d’Israël, un pays hostile a non seulement l’intention affichée de le détruire, mais est en train d’en acquérir la capacité.

Récemment, j’étais dans le nord d’Israël à la frontière libanaise. Sur place, la géographie permet de mieux comprendre les craintes de l’Etat juif. Sur la route qui longe en partie la frontière, on peut encore voir les fortins de la ligne Sykes Picot qui détermine toujours aujourd’hui la limite entre Israël et le Liban. Le contraste est grand entre les deux pays. Côté israélien, l’habitat est clairsemé, la région a été boisée et une agriculture intensive est pratiquée par endroits. Le côté libanais est beaucoup plus peuplé et dépourvu de végétation. Ce sont des maisons et de petits immeubles qui s’étendent à perte de vue, un peu partout, sans aucun plan d’aménagement. Nombre de ces édifices, dont certains sont tout proches de la zone de séparation, semblent inhabités ou en construction. Selon l’armée israélienne, beaucoup abriteraient des armes, des lance-roquettes et des missiles. Du petit kibboutz de Misgav Am situé en hauteur, on voit flotter en face au moins trois drapeaux du Hezbollah, le parti d’Allah. Des soldats observent à la jumelle et au téléobjectif le côté libanais. Un grand camp des Nations-unies, les «UN, United Nothing» comme les appelle notre guide, est aussi tout proche. Cette frontière est calme depuis 2006, mais tous nos interlocuteurs craignent un conflit cette année auquel ils se préparent. (...)

Les conflits impliquant Israël durent depuis tellement longtemps que l’Union européenne a tendance à penser que la sécurité du pays, qui bénéficie toujours d’une écrasante supériorité militaire, est garantie. Il n’en est rien. De Gaza et du Liban, le Hamas et le Hezbollah peuvent d’une heure à l’autre déclencher une pluie de missiles sur Israël, obligeant ce dernier à une forte riposte, des centaines de milliers de civils à se terrer dans des caves et déclenchant une grave crise internationale. Dans ces conditions, Israël ne peut tolérer que l’Iran, qui livre déjà des milliers de missiles au Hezbollah, construise une usine pour les fabriquer au Liban ou en Syrie, comme l’affirment les services de renseignements israéliens et, surtout, que l’ex-Perse soit capable d’ouvrir un troisième front à partir de la Syrie.

L’Europe doit cesser d’aborder l’Iran sous le seul prisme du maintien de l’accord nucléaire, que Trump menace d’ailleurs de ne plus respecter. (...)

«Modérés» ou «conservateurs», seule la rhétorique change dans la politique iranienne vis-à-vis de Jérusalem. Damas, Sanaa et Beyrouth sont déjà sous la coupe de Téhéran. L’expansionnisme perse est une réalité que le président Macron et l’Union européenne doivent reconnaître. Depuis quand un Etat qui appelle ouvertement à la disparition d’un autre et qui s’y prépare est-il traité comme un acteur normal des relations internationales? Depuis les printemps arabes et la création de l’Etat islamique, pas un pays n’a été épargné par des changements majeurs. Une nouvelle recomposition politique est en cours dans la région. Et l’Orient n’a jamais été aussi compliqué.
Lire l'article complet @ Causeur


mardi 20 février 2018

Gilles-William Goldnadel: Le Monde et "le recours au juif de l'extrême-gauche morale"

Gilles-William Goldnadel, avocat et essayiste:
"Mais c'est sans doute dans ses comparaisons oiseuses avec le nazisme que la gauche morale aura fait montre de sa bêtise la plus ignominieuse. La semaine, sur ce point, aura été fructueuse.

Zeev Sternhell, tout d'abord, dans le Monde des idées du 18 février. Pour lui, en Israël «pousse un racisme proche du nazisme à ses débuts» compte tenu de l'attitude de l'État juif à l'égard tant des Palestiniens que des migrants illégaux africains. Il faut dire que l'homme et le journal sont coutumiers du fait. Avec les mêmes ingrédients: le recours au juif de l'extrême-gauche morale.

Il y a quelques années, Edgar Morin fut mobilisé pour écrire dans le Monde (du 4 juin 2002) que les Juifs prenaient plaisir à humilier les Palestiniens, et pour inventer un massacre imaginaire à Jénine dont il reconnut par la suite la fausseté. Celui-ci s'est depuis reconverti à l'écriture à quatre mains de livres harmonieux avec Tariq Ramadan.

Quant à Zeev Sternhell, c'est sa marque de fabrique obsessionnelle de voir le fascisme partout. Citons notamment Raymond Aron à propos de son livre Ni droite ni gauche. L'idéologie fasciste en France dans lequel Sternhell considérait que la quasi-totalité des idées du fascisme étaient nées dans notre pays: «Son livre est le plus totalement a-historique qui se puisse concevoir. L'auteur ne remet jamais les choses en contexte. Il donne du fascisme une définition tellement vague que l'on peut l'y rattacher à n'importe quoi» .

On pourrait évidemment rire de ces nouvelles fadaises islamo-gauchistes qu'on aurait pu croire remisées après les massacres de 2015 en France, mais je gagerais que les milieux antisionistes radicaux feront de cet article leur miel avant que d'en tirer plus tard, qui sait, un fiel criminel. 
Je laisse dans ce cas les hommes du Monde à leur conscience morale de gauche."
Lire l'article complet @ Figaro Vox

dimanche 11 février 2018

A. Finkielkraut: Le "crime" des Juifs "n'est plus la double allégeance, mais le défaut d'altérité"

Alain Finkielkraut, philosophe:
"À la fin du XXe siècle, la division entre les partisans et les adversaires du processus d'Oslo me paraissait insurmontable.  Aujourd'hui je dis: "Nous, les Juifs" parce que tous - observants ou laïques, progressistes ou conservateurs, Juifs à temps plein ou intermittents identitaires - nous sommes désormais dans le même bateau.  Ce qui fait de nous autre chose et davantage qu'un agrégat d'individualités, c'est l'accusation dont nous sommes l'objet pour peu que nous refusions le lâcher Israël.  Accusation monstrueuse et qui ferait presque regretter le bon vieux temps du préjugé antisémite.  Notre crime, en effet, n'est plus la double allégeance, mais le défaut d'altérité.  Nous ne sommes plus de mauvais Français, de mauvais Allemands, de mauvais Européens, mais de mauvais Juifs, des Juifs ratés, des Juifs traîtres à eux-mêmes et déméritant de leur histoire.  Nos nouveaux procureurs nous condamnent pour absence de sensibilité juive."
Alain Finkielkraut et Peter Sloterdijk, Les battements du monde, Fayard, 2003, p. 42.


Lire également: Alain Finkielkraut: nos enfants et petit-enfants devront peut-être faire leurs valises et quitter la France (2015)

mercredi 7 février 2018

Jean Bricmont: On voulait "empêcher Tariq Ramadan d'énoncer des vérités déplaisantes sur Israël"


Jean Bricmont, physicien et essayiste belge, professeur émérite de physique théorique à l'université catholique de Louvain et membre de la très prestigieuse Académie royale de Belgique:
"Que lui reproche-t-on? De proposer un moratoire en matière de lapidation. (...) on se moque éperdument de la situation des femmes lapidées et (...) on veut simplement sauter sur la première excuse venue pour empêcher Ramadan d'énoncer des vérités déplaisantes sur Israël." (p. 45)
La journaliste française Aude Lancelin ne mâche pas ses mots à propos de l'académicien, très respecté en Belgique (Marianne, 2014):
"La France a l'air barbare, vue de près. Mais allez en Belgique et vous deviendrez moins sévère pour votre pays», écrivait un poète qui ne se souciait pas trop d'amitié entre les peuples. On s'était gardés de faire autre chose que sourire à cette sortie de Baudelaire jusqu'à la découverte de l'existence du dénommé Jean Bricmont et du leadership qu'il entend assumer désormais dans la défense de toute la quincaillerie extrémiste, antisémite et négationniste qui prospère à nouveau dans notre pays à la faveur des moyens de propagande démultipliés du Web, du vide politique, de l'oubli aussi."
Autres citations de Jean Bricmont:
"Les victoires politiques et militaires du Hamas ainsi que la résistance héroïque des Palestiniens montrent que la voie de la soumission poursuivie par des dirigeants palestiniens depuis Oslo a pris fin." (p. 42)

"... ne pourrait-on pas, en s'attaquant à la religion musulmane, inverser le rôle de l'agresseur et de l'agressé, (...) en les provoquant, les "immigrés" et retarder ainsi leur intégration inévitable et, surtout, pouvoir facilement changer de sujet lorsqu'on parle d'Israël?" (p. 43)

"... on prend des grands airs de défenseur de la liberté d'expression (sans jamais dire un mot, bien sûr, des victimes des lois réprimant le négationnisme, dont la liberté d'expression est réellement brimée par l'État, contrairement aux gens qui insultent l'islam et qui sont, comme il se doit, protégés par l'État." (p. 44)

"N'est-il pas humiliant pour les laïques d'assister au spectacle suivant: d'une part, un "fanatique religieux" comme Ahmadinejad ose affronter ses adversaires sionistes à l'université de Columbia, alors que les "défenseurs de la laïcité" n'arrivent pas à débattre avec un intellectuel musulman poli et acceptant la discussion?" (p. 45)
"Pour une série de raisons sionisto-pétrolières en Asie centrale, ce que nous voulons au Moyen-Orient, comme d'ailleurs chez les "immigrés", c'est la soumission. Nous ne l'aurons pas." (p. 46)

"Il est absolument tragique de voir que tant de soi-disant défenseurs de ce qui a de meilleur en Occident, la tradition issue des Lumières et la laïcité, se transforment en idiots utiles du sionisme et de l'impérialisme américain, et adoptent une posture d'intolérance et de mépris, qui, dans le passé, a heureusement été l'apanage des Églises et qui a tant fait pour les discréditer." (p. 47)
Source: Sous la direction de Marc Jacquemain et Nadine Rosa-Rosso, le livre "Du bon usage de la laïcité", Ed. Aden, Bruxelles, 2008. Y ont contribué: Jean Bricmont, Dan Van Raemdonck, Henri Goldman, Radouane Bouhlal, Géraldine Brausch, Alec De Vries, Paul Delmotte, Malika Hamidi, Paul Löwenthal, Bernadette Mouvet et Christophe Page.

lundi 5 février 2018

Albert Memmi: "Une pléiade de grands philosophes juifs contemporains, et pourtant les juifs n'avaient ni Etat ni pouvoir politique"

Albert Memmi, écrivain et essayiste:
"Chaque fois que vous parlez avec un intellectuel arabe, il vous cite Averroès, qui est du XIIe siècle! (...) 
L'absence d'esprit critique est-elle vraiment inhérente à l'islam? 
A ce qu'il est devenu, oui, franchement, je le crains. Ainsi, les penseurs juifs ont connu le même obstacle. Seuls ceux qui ont osé contourner la tradition religieuse sont devenus grands; Spinoza et Freud furent des juifs laïques. Bien entendu, pour cela, ils furent soupçonnés et rejetés par leur communauté. Levinas, au contraire, qui ne s'est pas débarrassé des entraves de la tradition, fait toujours partie de l'héritage religieux juif. C'est cette liberté qui a permis l'émergence d'une pléiade de grands philosophes juifs contemporains, et pourtant les juifs n'avaient ni Etat ni pouvoir politique tandis que les Arabes disposaient des deux. Il est évident qu'il n'y a pas une pléiade de grands philosophes arabo-musulmans contemporains. Et cela, parce qu'ils se refusent à toucher à une virgule des textes sacrés. Je récuse, pour ma part, la notion de texte intangible! Cela n'existe pas. Les textes sont faits pour que nous les repensions constamment. Au cours de l'Histoire, nous ajoutons, nous retranchons, nous choisissons. La pensée libre se nourrit de cela.

L'islam a pourtant connu une vie intellectuelle très riche. Il est vrai que c'était au Moyen Age... Que s'est-il donc passé ensuite?  
Sur ce sujet, on devient rapidement suspect. Mais j'en prends le risque. Au fil des recherches, il m'est apparu que ce que l'on appelle la civilisation et les inventions arabes sont en fait le fruit d'une expansion militaire. Quand les nomades arabes - qui n'étaient ni pires ni meilleurs que les autres vagues de peuplement et qui, en tout cas, n'étaient pas nécessairement parmi les plus cultivés - sont arrivés en Perse, ils ont emprunté les savoirs qui y existaient. C'est vrai de l'enluminure, de l'art de la faïence ou du café. On verse au compte de la civilisation arabe ce qui fut en réalité une symbiose réussie entre conquérants et conquis. Cette donnée explique en partie pourquoi cette culture a culminé en un «âge d'or» mais n'a pas pu durer. Toujours est-il que ce passé, aussi bref que lointain, est devenu une dangereuse utopie. Puisqu'il y a eu deux sociétés mythiques, l'Andalousie et Bagdad, dans lesquelles tout est, rétrospectivement, supposé parfait, il suffit de s'en réclamer. Mais comme on ne peut pas faire resurgir le passé d'un coup de baguette magique, où retrouver ces sociétés parfaites? Dans le Coran, évidemment." 
Lire l'interview complète par Christian Makarian (2004) @ L'Express,

samedi 3 février 2018

A lire absolument: 'La mort de Fernand Ochsé' par Benoît Duteurtre

"(...) puis de m'imaginer Fernand Ochsé en cet été 1944 sur le quai de la gare de Bobigny, aligné devant le train avec son épouse, tous deux réduits à rien et envoyés à la mort par une machine démente.  Voilà qui rend consternantes les discussions de comptables en regard de cette question lancinante: comment l'Europe civilisée a-t-elle pu sombrer dans cette barbarie?

Je n'aimerais pas, toutefois, que l'histoire de Fernand Ochsé se réduise à un épisode de la Shoah quand il avait consacré toute sa vie à la musique, à la littérature, à la peinture, aux joies de l'amitié et aux objets rares. Et je ne crois décidément pas que cet homme au sourire si doux eût aimé se voir réduit à une figure tragique.  C'est pourquoi j'ai voulu d'abord célébrer cette vie parisienne, cette légèreté et cette joie de vivre qui avaient donné un sens à sa vie: cet esprit qui ne l'a pas tué, mais qui a commencé à mourir avec lui."

Fernand Ochsé par Louise-Catherine Breslau

Présentation de l'oeuvre par Fayard:
"On a oublié combien Paris fut une ville heureuse : capitale des plaisirs où les plus grands artistes adoraient le café-concert, le music-hall et l’opérette aux mille succès repris dans le monde entier. 
De 1900 à 1940, Fernand Ochsé fut un personnage central de cette fabrique d'enchantements. Dandy proustien de la Belle Époque, tour à tour dessinateur, compositeur et décorateur, il allait contribuer à d'importantes créations théâtrales, mettre le pied à l'étrier du jeune Arthur Honegger, collectionner les tableaux rares et les objets étranges. 
Son goût de la douceur de vivre ne l'empêchera pas de se voir rattrapé par la brutalité de l'histoire et d'embarquer, comme juif, dans le dernier convoi pour Auschwitz. 
A travers son destin, c'est au basculement d'un monde que nous assistons. Basculement d’autant plus tragique que presque rien n'a subsisté de cette école de la légèreté souvent dédaignée dans la seconde moitié du XXe siècle. Artiste plein de charme dans l'ombre d'amis plus illustres, Fernand Ochsé est un guide idéal pour redécouvrir ces années modernes et joyeuses qui ont tant contribué au mythe parisien."
Lire un extrait

mercredi 31 janvier 2018

Mussolini: Les Nazis font "émigrer les Juifs vers l'autre monde"

Contempteur de l'antisémitisme nazi en 1932, comme le prouve l'entretien accordé à Emil Ludwig (de son vrai nom Emil Cohn), Mussolini introduit des lois raciales en 1938.  Avec des amis pareils... 

D'après Marie-Anne Matard-Bonucci, Les Collections de l'Histoire n° 3, p.p. 52-55:
"Avec la guerre et la formation de la république de Salò, le pouvoir fasciste devient le  complice de l'élimination des Juifs.  Le 16 septembre 1943, un premier convoi est acheminé par les autorités allemandes vers Auschwitz.  A partir du mois de novembre, le gouvernement de Salò fait lui-même procéder aux arrestations.  Le Duce connaissait-il le sort réservé aux Juifs?  En novembre 1942, Mussolini déclarait à l'industriel Alberto Pirelli: "Ils les font émigrer... vers l'autre monde"."
L'Histoire, Dossier: Les Fascistes, septembre 1999, p. 42. 

Arnaud de la Croix
"Lorsque [Emil] Ludwig interroge le Duce sur le chapitre du racisme et de l'antisémitisme, on peut mesurer l'écart qui sépare à l'époque le "maître" de son "disciple" allemand: "Il n'y a plus de races à l'état pur.  Même les Juifs ne sont pas demeurés sans mélange.  Ce sont justement des croisements heureux qui ont souvent produit  la force et la beauté d'une nation.  La race, c'est un sentiment, non une réalité.  (....) Je ne crois pas qu'on puisse apporter la preuve biologique qu'une race est plus ou moins pure.  (...)   La fierté nationale ne nécessite aucunement un état de transe provoqué par la race. (...) L'antisémitisme n'existe pas en Italie.  Les Juifs italiens se sont toujours bien comportés comme citoyens et bravement battus comme soldats.  Ils occupent des situations éminentes dans les universités, dans l'armée, dans les banques.  Il y en a toute une série qui sont généraux: le commandant de la Sardaigne, le général Modena, un général d'artillerie""
"Benito Mussolini, s'il est d'abord méprisant vis-à-vis de l'antisémitisme hitlérien, qu'il ridiculise devant Emil Ludwig en 1932, lorsqu'il revient subjugué du voyage qu'il a effectué en Allemagne du 25 au 30 septembre 1937, n'impose pas seulement aux troupes italiennes une variante "romaine" du pas de l'oie allemand, mais impose à tout le pays des lois raciales et appuie, en juillet 1938, l'idée que "les Juifs n'appartiennent pas à la race italienne".  S'il n'est pas avéré que l'antisémitisme ait pour autant pris racine en Mussolini, il n'en est pas moins vrai que des milliers de familles juives italiennes ont été victimes de la persécution fasciste, puis, à l'époque de la République de Salò, de 1943 à 1945, de déportations."
 Ils admiraient Hitler, Portraits de 12 disciples du dictateur, Racine, 2017, p.p. 88-89 et 135.

lundi 29 janvier 2018

Hannah Arendt: Céline "allait droit au but et réclamait le massacre de tous les Juifs"

"Il allait droit au but et réclamait le massacre de tous les Juifs. (...)  les nazis, eux, le considérèrent toujours comme le seul véritable antisémite français." 

Hannah Arendt (1906-1975), philosophe allemande: 
Céline
"(...) la France avait produit un antisémite exceptionnel, qui avait compris toute la puissance et toutes les possibilités de la nouvelle arme. Cet homme était un romancier de valeur: en France, en effet, l’antisémitisme n'était pas socialement et intellectuellement discrédité comme dans les autres pays d’Europe.

La thèse de Louis-Ferdinand Céline était simple, ingénieuse, et elle avait juste ce qu’il fallait d’imagination idéologique pour compléter l’antisémitisme rationaliste des Français. Selon Céline, les Juifs avaient empêché l’unité politique de l’Europe, provoqué toutes les guerres européennes depuis 843 et tramé la ruine de la France et de l’Allemagne en suscitant leur hostilité mutuelle. Céline avança cette abracadabrante explication de l’histoire dans L’École des cadavres, ouvrage écrit au temps de Munich, et publié en 1938. Un pamphlet publié précédemment sur le même sujet, Bagatelles pour un massacre (1937) ne donnait pas encore cette nouvelle clé de l’histoire européenne, mais était déjà remarquablement moderne. Céline n’établissait pas de distinctions entre Juifs nationaux et étrangers, entre bons et mauvais Juifs; il ne proposait pas des lois compliquées (l’une des caractéristiques de l’antisémitisme français): il allait droit au but et réclamait le massacre de tous les Juifs.

Le premier livre de Céline fut reçu avec faveur par de nombreux intellectuels français, d'une part assez satisfaits de cette attaque contre les Juifs, et à demi convaincus que ce n’était qu’une nouvelle attitude littéraire (1). Pour les mêmes raisons, les fascistes français ne prirent pas Céline au sérieux. Mais les nazis, eux, le considérèrent toujours comme le seul véritable antisémite français."

[1] Voir en particulier une recension de la Nouvelle revue française, par Marcel Arland (février 1938), qui trouve "la position essentielle de Céline [...] solide". André Gide ("Les Juifs, Céline et Maritain", avril 1938) pense que Céline, en décrivant seulement la "spécialité" juive, est parvenu à peindre non pas la "réalité" mais "l'hallucination que la réalité provoque".
Sur l'antisémitisme (1951), Seuil-Points, pp. 115-116.

dimanche 28 janvier 2018

Drieu Godefridi: "Nous sommes tous juifs, parce que l’Holocauste hante notre histoire"

Rafle d’enfants conduits au train de déportation, Pologne

Drieu Godefridi est un auteur libéral belge:
Ghetto de Varsovie
En cette période de mémoire de l’assassinat de six millions de Juifs par les criminels nazis et leurs suppôts, il est utile de réfléchir à notre rapport comme Européens à cette abomination qui fait partie intégrante de notre histoire, pour en tirer quelques leçons actuelles. 
Né trente ans après la Seconde guerre mondiale, j’ai toujours éprouvé une forte réticence à l’égard d’un certain discours consistant à nous présenter, en tant qu’Européens, comme co-responsables de ce crime contre l’humanité. Cette idée de co-responsabilité repose sur des mythes qui sont précisément ceux qui fondent l’antisémitisme, savoir la responsabilité collective et la responsabilité collective à travers les âges. Ce sont les mêmes billevesées que soutenaient les auteurs tachant d’imputer aux Juifs contemporains la co-responsabilité de la mort du Christ et autre fait historique. Jean-Paul Sartre a démontré tout cela dans sa Question juive, même s’il n’en a pas tiré les conséquences qui s’imposaient. 
Nous ne sommes responsables que de nos actes, et non des crimes de nos ancêtres. Mais nous ne sommes pas non plus des créatures abstraites, jaillies directement du sein de la Terre. Nous sommes les héritiers d’une civilisation et d’une histoire, que l’on tient à juste titre pour l’une des plus fabuleuses de mémoire d’homme. Or, c’est précisément dans le cœur de cette civilisation qu’est née l’abomination national-socialiste: ne nous voilà pas de retour au point initial, celui d’une sorte de co-responsabilité à l’égard de crimes qui ont précédé notre naissance? 
Je ne le crois pas. Car ce n’est pas la civilisation occidentale qui est l’auteur de ce crime, pas même la culture allemande. Ce sont des idées et des idéologies précises, qui furent développées et formulées bien avant que Hitler et ses sbires n’accèdent au pouvoir. (Cette généalogie intellectuelle est retracée dans La passion de l’égalité — essai sur la civilisation socialiste). 
Hitler et les théoriciens nationaux-socialistes étaient, idéologiquement parlant, des socialistes au sens strict — ils ne se sont pas revendiqués du socialisme par hasard ! — dont la plupart des catégories étaient d’ailleurs marxiennes; leur spécificité étant de marier ce socialisme au nationalisme racial. Ce n’est pas l’individu et la liberté qu’exaltaient les nationaux-socalistes allemands, c’est la communauté, la solidarité, l’égalité réelle : la solidarité raciale que proclamait Hitler dans un discours infect de 1920 (infect parce que porteur d’une haine virulente et si manifeste qu’elle annonçait nettement tout ce qui allait suivre). 
Nous avons le devoir de nous souvenir de quelle source intellectuelle les crimes nazis sont nés. Les crimes politiques ne naissent pas de la malévolence d’un esprit: ils sont la résultante de la mise en pratique d’idées fausses. Dans le cas de l’Holocauste, ces idées sont le national-socialisme qui, en exaltant le collectif de la race, réduit l’individu au statut d’utilité, de rouage, de variable disponible; d’ennemi mortel quand il relève d’un autre groupe ou qu’il cultive sa propre individualité (le bourgeois, qu’Hitler exécrait autant que Marx, souvent dans les mêmes termes !). Loin d’être le fruit maudit de la civilisation occidentale, le national-socialisme en est la négation absolue, en valeurs comme en théorie. 
Nous avons le devoir de respecter la singularité de ces crimes, en nous préservant d’analogies douteuses.
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