Raoul Wallenberg (Photo de son passeport, datant de juin 1944) |
Imre Kertész (1929-2016), écrivain hongrois, survivant des camps de concentration et lauréat du prix Nobel de littérature en 2002:
"Hier matin, en descendant de l'autobus, je me suis arrêté devant la statue de Wallenberg. Il y avait déjà un homme d'une bonne soixantaine d'années. Nous vérifions qui a déposé la couronne avec un ruban bleu-blanc-rouge. Il me demande tout de go si je sais qui était Wallenberg. Cet homme, poursuit-il, a sauvé des dizaines de milliers de vies en 1944. "Pourtant ce ne sont pas les Allemands qui l'ont arrêté, dit-il, alors qu'ils avaient des raisons de le faire. Mais bon, ajoute-t-il, quoi qu'on en dise, les Allemands sont quand même un peuple civilisé." Atterré, j'ai tout juste pu lui rétorquer que cette statue prouve le contraire; en effet, qui d'autre menaçait les vies que Wallenberg avait sauvées? "En ce temps-là, c'était vrai, répond-il, mais depuis…" Puis, sans se gêner et presque triomphalement, il conclut: "Ce sont les Russes qui l'ont arrêté, emmené en Sibérie et tué." - Interprétation assez originale, mais indéniablement marquée du sceau de l'époque."Imre Kertész, Journal de Galère, traduit du hongrois par Natalia Zaremba-Huzsvai et Charles Zaremba, Actes Sud, 2010, p.p. 215-216.
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