"L’antisémitisme, c’est comme le cholestérol: il y a le «bon» et le «mauvais». Chacun peut en effet constater que le discours antisémite est, aujourd’hui, complètement banalisé. Un grand quotidien du soir s’émouvait, pas plus tard qu’hier, de la cohabitation, au sein de la «Génération Gaza#», de «trentenaires n’ayant jamais manifesté», de «bobos muslims» et de «vieux antisémites». Touchant spectacle, en effet. Dans les dîners en ville, comme dans les salles des profs, on se lâche, ainsi qu’au bon vieux temps.
On nous ressert pourtant toujours, ad nauseam, des discours convenus sur «les heures les plus sombres de notre Histoire», l’époque de l’Occupation, de Pétain et de Xavier Vallat. Sans oublier, bien sûr, l’affaire Dreyfus… En quoi, diantre, l’antisémitisme de ces temps-là différait-il de celui du nôtre? J’interroge, naïvement, on me répond, doctement et un brin agacé: «il ne faut pas confondre antisémitisme et antisionisme!». Il y aurait donc de bonnes raisons de détester les Juifs, et de mauvaises? Que ne leur a-t-on pas reproché, aux Juifs! «Déicides» (les catholiques, jadis), «capitalistes» (l’extrême-gauche, au XIXe siècle), «apatrides» (l’extrême-droite, fin du XIXe siècle et début du XXe), «inférieurs et parasites» (les nazis), et maintenant «sionistes». Voltaire, notre icône nationale, leur attribuait tous les défauts, sauf un: «Pourquoi les Juifs n’auraient-ils pas été anthropophages? C’eût été la seule chose qui eût manqué au peuple de Dieu pour être le plus abominable peuple de la terre» (Dictionnaire philosophique, article «anthropophagie»)."
Jean-François Chemain est professeur d'histoire en ZEP. A quarante ans, il quitte ses fonctions de consultant international et passe l'agrégation d'histoire. Il a publié Kiffe la France (éditions Via Romana) et Une autre histoire de la laïcité chez le même éditeur.
Citations précédentes
Ulrich Beck (2003)
Une forme de vision sélective se manifeste chez les Allemands et les autres Européens. On proteste contre la pugnacité des Israéliens en ignorant avec désinvolture la terreur des attentats-suicides par laquelle des Palestiniens tyrannisent la société civile israélienne. Quand une Palestinienne se fait sauter dans un café où se trouvent également des Israéliennes et leurs enfants, on entend dire parfois qu’il faudrait aussi considérer - non pour excuser mais pour comprendre - qu’on a affaire à des victimes dont les actes ne font que refléter l’oppression subie et qu’on ne saurait sans autre forme de procès attendre de Palestiniens si profondément atteints dans leur dignité qu’ils reconnaissent que faire sauter des enfants est, au sens strict du terme, inadmissible. [...]
Le visage hideux de l’antisémitisme n’est pas nouveau. Ce qui l’est, en revanche, c’est l’enchevêtrement du global et du local au sein des conflits, c’est la globalisation du conflit israélo-palestinien. Et c’est ce paradoxe qui fait que c’est précisément la sensibilité aux droits de l’homme - et la critique d’Israël qui en découle - qui vient menacer les digues édifiées contre l’antisémitisme."
Jean-Claude Milner
"Il est opportun que le contretemps cesse. Le premier devoir des Juifs, ce n'est pas, comme l'imaginait Herzl, de délivrer l'Europe des Juifs. Le premier devoir des Juifs, c'est de se délivrer de l'Europe."
L'instrumentalisation et la banalisation de Shoah à des fins politiciennes est en effet une ignominie et d'une grande "hypocrisie":
Chantal Delsol
"Un maire [Robert Ménard] a averti qu'il comptait les musulmans dans les classes. Il a tort, parce qu'un élu doit respecter la loi, qui l'interdit. Il est possible aussi que la loi en l'occurrence ait tort.
Pourquoi cette interdiction? On nous raconte qu'on ne veut plus de listes parce que cela fait penser aux listes de Juifs, parce que cela sent le génocide futur, cela rappelle une période sinistre. Pourtant les Canadiens, et bien d'autres, qui listent leurs citoyens par particularités ethniques, religieuses ou autres, n'ont aucune pensée génocidaire. On a le devoir d'être prudent mais on n'a pas le droit d'être idiot, ni surtout de nous prendre pour des idiots. [...]
Caractéristique principale de la vertueuse France, d'après Theodore Zeldin: l'hypocrisie."
Imre Kertész
"Je crois que les juifs d'Europe commettent une erreur suicidaire quand, sous prétexte de critiquer Israël, ils s'étouffent d'indignation avec les intellectuels et hauts fonctionnaires européens qui drapent le vieil antisémitisme dans un nouveau langage, et qui hier encore voulaient les exterminer; pourquoi donc auraient-ils changé leurs intentions?
Je voudrais poser une question à ces juifs pieux et stupides qui se renient eux-mêmes et qui vomissent des insultes contre Israël: "En quoi est-ce que ça te gêne, espèce de crétin? Tu vis en Suisse, en France, au Danemark ou ailleurs, alors pourquoi [...] l'effroyable arrivée au pouvoir du néonazisme européen [ne te dérange-t-elle pas]? Tu as beau te déguiser, crétin, as-tu déjà oublié que la Suisse a exigé qu'un J soit apposé dans ton passeport, que les Français t'ont enfermé dans un camp et t'ont livré aux assassins nazis, que l'Europe tout entière a regardé avec complaisance les derniers soubresauts des déportés juifs dans les chambres à gaz d'Auschwitz?"
J'en arrive à conclure que le juif d'Europe est effectivement un personnage nuisible qui déteste voir des armes de défense entre les mains de juifs et voir dans sa propre extermination l'unique solution à sa vie vécue avec une conscience abjecte et confuse. Il n'arrêtera pas tant qu'il n'aura pas atteint son but, tant qu'il n'aura pas été déporté dans un nouvel Auschwitz, battu, dépouillé, tant qu'il n'aura pas creusé sa propre tombe, etc.: tout cela l'étonnera à nouveau, comme autrefois." (Imre Kertész, prix Nobel de littérature et survivant d'Auschwitz)
Ivan Rioufol
"Cette envolée de l’antisémitisme est le résultat de l’aveuglement complaisant des professionnels de l’antiracisme. Leurs impostures se mesurent aux tensions communautaires qu’ils ont laissé croître. Pour avoir focalisé leurs critiques sur l’extrême droite, les donneurs de leçons n’ont jamais admis les dérives, racistes et haineuses, de certains de leurs protégés issus de l’immigration maghrébine et africaine. Pire: les belles âmes se sont souvent employées à rendre la France ou Israël responsables de tout, en excusant les violences anti-occidentales ou anti-juives. Jamais elles n’ont appelé manifester en masse après les tueries des Fofana, Mehra, Nemmouche, etc. Seul le carnage à Charlie Hebdo a fait prendre conscience aux Français, traumatisés, de la menace totalitaire."
Bernard Lewis
"The peerless Middle East historian Bernard Lewis wrote nearly 30 years ago in his groundbreaking book Semites and Anti-Semites that German guilt after the Holocaust contributed to the positive response to the founding of Israel. However, he warned presciently that “such feelings are a dwindling asset to Israel, and must inevitably die away as the memory of Nazi crimes recedes into the past.”"
Adrien Barrot
"Si la haine des juifs invente leur nocivité, c’est bien parce qu’une telle invention permet de les transformer ouvertement en objets de toutes les prédations possibles. Il devient ainsi légitime, en premier lieu, de déposséder les juifs de leurs biens indûment acquis et d’exercer, de surcroît, sur leurs corps, la plus extrême violence : enlèvement, séquestration, rançonnement, sévices, meurtre.
Contre le mal incarné par le juif, tout est permis, dès le départ: la transgression de tous les interdits fondamentaux devient licite, pour ne pas dire prescrite. Les juifs sont élus par la haine pour que le sujet puisse satisfaire sans le moindre détour les pulsions les plus destructrices de la psyché."
Pierre-André Taguieff
"Il faut rappeler d’abord que, depuis la fin des années 60, la haine des juifs est principalement portée par l’antisionisme radical ou absolu, mélange d’hostilité systématique à l’égard d’Israël, quelle que soit la politique du gouvernement en place, et de compassion exclusive pour les Palestiniens, quoi qu’ils puissent faire – terrorisme compris. Le propalestinisme inconditionnel, qui est aussi l’un des thèmes mobilisateurs de l’islamisme radical, est désormais le principal vecteur de la haine des juifs dans le monde.
Il fournit en même temps les principaux motifs d’agir contre l’Etat d’Israël, réduit à une «entité» criminelle, et contre «le sionisme», figure diabolisée incarnant l’un des grands mythes répulsifs de notre temps. La «cause palestinienne» sert d’alibi à diverses forces qui, soit par intérêt géostratégique, soit en vertu de fortes convictions idéologiques, ont pour objectif la destruction de l’Etat juif."
Jerome Friedman
"Sans les lois de pureté de sang s'ajoutant à l'antijudaïsme médiéval, et fournissant le fondement d'une représentation séculière et biologique des Juifs, l'antisémitisme racial moderne n'aurait pas pu se développer."
Imre Kertész
"Tu vois, seuls les morts n'ont pas été éclaboussés par l'infamie de l'Holocauste. Il est pénible de porter le sceau d'une survie pour laquelle on n'a pas d'explication. Tu es resté là pour diffuser le mythe d'Auschwitz - tu es là comme une bête curieuse. On t'invite aux anniversaires, on filme ton visage indécis, ta voix hésitante, tu ne remarques même pas que tu es devenu un acteur de second plan dans un récit au goût douteux, tu vends ton histoire à bas prix, et, petit à petit, c'est toi qui la comprends le moins. ... Tu acceptes le repentir triomphal des discours commémoratifs, croyant que c'est toi qu'on célèbre, et tu remarques trop tard que ta prestation est terminée, qu'on n'a plus besoin de toi."
Marcel Gauchet
"Par rapport à l'antisémitisme, ce que les nazis reprochaient aux Juifs, c'était d'être un peuple apatride, vivant en parasites aux dépens des autres patries. Aujourd'hui, il y a un Etat juif, en conséquence de quoi certains reprochent son existence...
Il y a donc à la fois disparition de l'antisémitisme traditionnel dont l'antisémitisme racial de l'hitlérisme a été une sorte de pointe extrême, et à la fois réapparition sous un jour complètement différent d'un antisémitisme qui n'a plus rien de racial, qui n'est plus "spirituel", mais qui a trouvé une nouvelle cible. Il vient se greffer à l'existence d'Israël et aux problèmes afférant à un Etat menacé, pour en quelque sorte redonner vigueur au mythe du "complot juif", du projet de domination du monde - mais il ne se dit plus comme tel, parce qu'il n'est tout simplement plus plausible: il est très difficile de penser que le tout petit Etat d'Israël a un projet de domination mondial."
Paul Berman
"Les comparaisons d'Israël à l'apartheid - ou les comparaisons plus radicales et de nos jours plus fréquentes aux nazis - ont fait irruption en Europe de l'Ouest et dans le monde arabe dans les années 1970, et maintenant on les trouve partout."
Gilles-William Goldnadel
"Il faut savoir ce que l’on veut: si, comme Manuel Valls et Hollande le reconnaissent, l'antisémitisme actuel découle de la haine d'Israël, on en tire toutes les conclusions politiques et médiatiques. Je parle du dénigrement systématique, pathologique, obsessionnel, disproportionné. Cela n'a rien à voir avec la libre et légitime critique de la politique israélienne comme on feint de le croire. Mais ce dénigrement est tellement ancré profondément que je suis très pessimiste sur la capacité de beaucoup à seulement comprendre ce que je veux dire…"
Pierre Manent
"Le peuple juif, en revenant en Israël, a accompli sa "sortie d'Europe". Je veux dire: grâce au rétablissement de son État, il a cessé d'être dépendant spirituellement des nations européennes dans lesquelles il vivait ou vit encore. C'est l'issue d'une très longue séquence historique. Ce n'est pas seulement la conséquence de la destruction des Juifs d'Europe; c'est aussi la suite de l'effacement de soi auquel les nations européennes travaillent depuis vingt ans avec un zèle qui étonne. Étant ainsi "sorti d'Europe", le peuple juif invite l'Europe à dire son nom. Il lui demande son nom."
Philippe Val
"En quoi un petit enfant de dix ans doit-il être concerné par les conflits au Moyen-Orient, dans une école de Limoges ou de Lille? Que peut-il y faire, que doit-il faire, quelle responsabilité a-t-il? C'est à sa génération d'abolir la haine que nous avons échoué à désamorcer."
Anonyme
"La différence entre la Birmanie et Israël c'est que l'opposition en Birmanie se trouve en prison et qu'en Israël elle siège au Parlement." (lecteur du quotidien norvégien Dagbladet)
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