Quel est le dénominateur commun qui rassemble aujourd’hui Serge Gainsbourg, Albert Camus et Claude Levy Strauss ? Qu’est-ce qui rassemble trois personnages aussi dissemblables sinon l’hommage unanime qui leur est rendu. Et à l’intérieur de cet hommage c’est la part sélective retenue par la mémoire officielle.
Texte de Jacques Tarnero repris du site du CRIF
La commémoration dont la France a le culte, oublie ce qui la gène.
Voilà Serge Gainsbourg aussi enfumé qu’entouré de jolies femmes, poète génial du "poinçonneur des Lilas" mais dont personne ne rappelle l’hommage rendu à "la terre d’Israël" et aux enfants d’Israël composé en 1967, comme s’il fallait proscrire cet aspect là de sa biographie, comme si dire cet amour là faisait une tâche déshonorante. Jamais vous n’entendrez cette chanson à la radio sinon sur LA fréquence juive.
Prenez Albert Camus transformé en philosophe absolu d’un consensus à l’eau de rose alors qu’il fut celui de la rupture avec les fanatiques de l’idéologie. Sa dénonciation du terrorisme comme arme de l’émancipation contre l’oppression était à l’opposé des modes politiques des années 60 et 70. Pourquoi s’acharne-t-on à oublier les ricanements du prêt à penser de gauche dont il fut l’objet ?
Et puis Claude Levy-Strauss, célébré unanimement comme étant le penseur de l’altérité dont personne n’ose rappeler ses textes très critiques à l’égard des cultures nées de l’Islam, justement à propos de cette difficulté spécifique des sociétés musulmanes à accepter l’autre, autrement que dans un rapport de soumission [1].
Tristes tropiques hexagonaux qui recomposent une fausse mémoire nationale par l’effacement de ses diverses aspérités.
[1] Voir Changement de tactique, de Gilles William Goldnadel
1 commentaire :
Ce « court 20° siècle », que Hobsbawm a appelé « l’âge des extrêmes » (2003), a été caractérisé par des tyrannies qui ont systématisé la mainmise sur la mémoire et ont voulu la contrôler jusque dans ses recoins les plus secrets. Mais la mémoire ne s'oppose nullement à l'oubli : entre effacement et conservation, elle est toujours et nécessairement une interaction des deux. Il en est de même de l’oubli en tant que processus sélectif et dynamique. Tout comme la mémoire, il est une construction sociale, la conséquence d’une relation spécifique au passé, il participe à de multiples réécritures de l’histoire, se plie à des usages politiques et à des modes de légitimation du pouvoir, devient, parfois, une stratégie de survie et une valeur fondant l’identité collective d’un groupe. Si, toutefois, la mémoire a fait l’objet de multiples études, accompagnant par exemple les vagues mémorielles des vingt dernières années, une moindre importance a été accordée à l’oubli.
A noter l'excellente réflexion de G.W. Golnadel
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