lundi 19 mars 2018

"Finis Germania": l'inquiétante remise en question d'un tabou, le Troisième Reich


Matthias Küntzel, historien allemand et auteur de Jihad et Haine des Juifs:
L’émotion fut grande dans les services "culture" des journaux allemands quand, en juin 2017, un livre d’extrême droite fit son apparition sur la liste des meilleurs essais, liste publiée chaque mois par des médias renommés en fonction des recommandations d’un jury indépendant.

L’émotion grandit encore lorsqu’on apprit que le journaliste du Spiegel Johannes Saltzwedel était justement le juré qui avait imposé, en cavalier seul, que le livre "Finis Germania" figure dans la liste. Saltzwedel expliqua qu’il avait, "en toute conscience, voulu proposé pour la discussion un livre très provocateur".

De ce point de vue, c’est une réussite indiscutable: s’il ne l’avait pas fait, personne ou presque ne se serait intéressé aux gloses et aux polémiques que l’historien et philosophe de la culture allemand Rolf Peter Sieferle, mort en 2016, avait compilées dans une petite centaine de pages. Dans les parties plus anodines de son traité, Sieferle reprend à son compte le contenu prétentieux de la "révolution conservatrice", le mépris pour les "masses", l’exaltation pour les "grands individus" et oppose à "l’orientation vers le bien commun" "l’universalisme atomiste et individualiste".

La partie moins anodine de son traité récrit l’Histoire en reprenant le jargon de l’antisémitisme: Sieferle qualifie Adolf Hitler de "grand individu" et de "dernier héros". Les nazis, affirme-t-il, avaient certes commis l’erreur de "se souiller avec d’inconcevables atrocités", mais c’étaient tout de même les juifs qui avaient commis le véritable crime contre l’humanité en crucifiant le Christ.  
Alors que l’on a pardonné aux juifs l’assassinat de Jésus, écrit-il – "Ils se sont logés dans les niches de la société en exerçant les professions d’usuriers et de marchands" –, le "peuple des nazis a été choisi comme revers négatif du peuple élu" et doit à tout jamais "disparaître de la surface de l’Histoire réelle". Le "nazi errant" a selon lui remplacé le juif errant et l’"antigermanisme", l’antisémitisme.  
Ce n’est pas un hasard si Sieferle, par son titre "Finis Germania" (littéralement: "Fin Allemagne"), évoque un classique de l’antisémitisme – "La victoire de la judéité sur la germanité", de Wilhelm Marr, paru en 1879, qui s’achève par l’exclamation "Finis Germaniae! Vae victis!". 
Que ce livre se retrouve dans la liste des meilleurs essais allemands en 2017 était donc bel et bien un scandale – les responsables de cette liste exprimèrent du reste leurs réserves sur cette apparition, tout comme les autres membres du jury, qui fut dissous peu après. Mais que se passa-t-il ensuite? 
Bien que l’establishment littéraire ait presque unanimement condamné le livre de Sieferle comme un texte d’extrême droite, les lecteurs ont massivement sorti leur porte-monnaie pour l’acheter: en juillet 2017, le livre a grimpé à la 6e place sur la liste des best-sellers du Spiegel. Selon les indications fournies par la maison d’édition, le livre a pendant un certain temps atteint 250 exemplaires vendus par heure – le goût de la transgression avait mis en échec le "politiquement correct" des critiques littéraires.
Lire l'article completMatthias Küntzel

1 commentaire :

Anonyme a dit…

Quand l'on voit en France le nombre d'ouvrages publiés sur les nazis et présentés sur les tables des grandes librairies par piles (lettres de Himmler à sa femme, Goebbels en famille, Hitler et ses maitresses...) et les documentaires sur certaines chaines "historiques" quasi quotidiens sur le IIIè Reich, on se dit qu'il n'y a pas qu'en Allemagne que le tabou est remis en question....