mercredi 23 avril 2008

Le mémorial aux victimes des émeutes anti-juives de 1506 inauguré à Lisbonne

Le mémorial aux victimes des émeutes anti-juives de 1506 a été inauguré le 22 avril à Lisbonne. Il est l’oeuvre de l’architecte Graça Bachmann. (Communauté Israélite de Lisbonne)

"La mairie de Lisbonne a adopté à l’unanimité une proposition d’édification d’un mémorial aux victimes des émeutes anti-juives qui eurent lieu dans la ville en 1506. Le mémorial sera inauguré le 19 avril prochain, précisément 502 ans après le début du massacre qui dura une semaine et au cours duquel plus de 1000 juifs ou de personnes ayant "l'air juif" périrent." (
Philosémitisme)
"Hérésie! hérésie! détruisez ce peuple abominable!"
"C’est pendant cette épidémie [de peste] que surviennent deux incidents. La nuit du 17 avril 1506, une dénonciation amène des magistrats municipaux dans une maison de Lisbonne. Ils y trouvent, autour d’une table, une vingtaine de nouveaux chrétiens en train de célébrer le Seder, la Pâque juive. Seize personnes sont arrêtées; les autres s’échappent par les toits. Deux jours plus tard, les prisonniers sont libérés sur ordre du roi. Le peuple juge la décision scandaleuse. Les rumeurs vont bon train: leur liberté, dit-on, a été obtenue grâce à des pots-de-vin et à l’influence de personnes haut placées. Les nouveaux chrétiens, répètent certains à voix haute dans les rues de Lisbonne, doivent périr sur le bûcher.
Le dimanche 19 avril survient un autre événement beaucoup plus grave. Deux jours auparavant, quelqu’un aurait vu des étoiles dorées jaillir d’un crucifix serti de cristal dans la chapelle du couvent de São Domingos. Dès que la nouvelle se répand, des centaines de personnes, dont beaucoup de femmes, se rassemblent dans l’église. Parmi ceux qui viennent contempler le prodige, il y a des nouveaux chrétiens. L’un d’eux fait remarquer que la croix, un bout de bois en vérité, ne saurait accomplir des prodiges. L’homme est aussitôt roué de coups et traîné dehors. On l’achève sur le parvis de l’église. Son corps déchiqueté, ainsi que celui d’un de ses frères qui essayait de lui venir en aider, est brûlé sur-le-champ par la populace.
Le massacre qui s’ensuit n’est pas spontané. Il est organisé et dirigé par les Dominicains. L’un d’eux, du haut de la chaire, lance de violentes diatribes contre les juifs. Au cri de "Hérésie! hérésie! détruisez ce peuple abominable!", d’autres lancent des appels au meurtre et se ruent sur la foule en empoignant des crucifix. Les effets ne se font pas attendre. Des centaines de personnes se répandent dans les rues de Lisbonne et tuent tous les nouveaux chrétiens, hommes, femmes et enfants, que le malheur a mis sur leur passage. Les uns sont égorgés, les autres lacérés à coup de poignard. On saisit les nourrissons par les pieds, et on leur fracasse la tête contre les murs.
A cette première flambée de violence déchaînée succède une traque plus organisée. Des groupes, réunissant entre soixante et cent personnes, toujours encouragés par des Dominicains, livrent une véritable chasse à l’homme. Maison après maison, grenier après grenier, la ville est ratissée est livrée au zèle de la populace. Les prisonniers sont tirés de leurs cachots et jetés vivants dans le bûcher devant São Domingos. On égorge aussi tous ceux qui, terrifiés par les cris de la foule, ont cherché refuge dans les églises. Comme les cadavres s’amoncellent à l’intérieur des maisons et dans les rues, des jeunes garçons leur nouent des cordes au cou, aux bras et aux pieds et les traînent jusque sur le parvis de São Domingos, où selon les témoins, gisent déjà plus de quatre cents corps. D’autres bûchers flambent dans plusieurs quartiers de la ville, et on y jette pêle-mêle les vivants et les morts.
Les équipages des navires étrangers qui mouillent, malgré la peste, dans le port de Lisbonne, se joignent au pillage. Le massacre dure environ une semaine. Comme le nombre de morts ne cesse de croître et que les nouveaux chrétiens ont presque tous été exterminés, d’autres groupes de la population sont à leur tour victimes de l’hystérie collective. Des rivalités personnelles entraînent des voisins à se traiter mutuellement de juifs. Le seul fait d’avoir "l’air juif", d’avoir entretenu des relations d’affaires ou d’avoir été vu en compagnie de nouveaux chrétiens suffit pour être livré à la vindicte populaire. (…)
Le bilan du pogrom de 1506 est très lourd: un millier de morts, voire plus."
Dejanirah Couto, Histoire de Lisbonne, p. 149-151, Fayard, 2000

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