Cnaan Liphshiz @ The Times of Israel:
Tuerie au Musée luif de Bruxelles |
Je me sentais nerveux de venir à Bruxelles pour le séder en famille. Faire le voyage depuis chez moi jusqu’à Amsterdam signifiait faire prendre à mon fils de 5 mois un train dans lequel, l’année dernière, une attaque djihadiste avait échoué, et aller dans une ville encore sous le choc et en état d’alerte depuis les attentats à la bombe du 22 mars qui ont tué 32 personnes.
[...] Le « Echad Mi Yodea » de ma famille de
cette année n’était que l’ombre de lui-même et je me suis rendu compte
tout à coup qu’il s’agissait d’une illustration claire de l’absence de
mon groupe d’âge qui, comme beaucoup de Belges juifs, ont quitté leur
pays natal à cause de problèmes d’antisémitisme. Comme les années
passent, nous sommes de moins en moins nombreux autour de la table du
séder.
Mes proches belges ont dit au revoir à neuf
jeunes fauteurs de trouble du séder au cours des 15 dernières années.
Six ont intégré l’armée israélienne et ont fait leur alyah. Deux ont
immigré aux Etats-Unis et un a déménagé à Londres.
Je suis venu à Bruxelles cette année parce que
ce séder était une fête d’au revoir pour un deuxième cousin et sa
femme, lui médecin et elle architecte, qui déménagent en Floride. Sa
sœur et son mari juif belge vivent déjà là-bas.
«C’était mon dernier séder en tant
qu’Européen», m’a dit son cousin Marc (ce n’est pas son vrai nom) au
téléphone. Nous avons parlé en hébreu, une langue apprise par tous mes
proches belges de mon âge sur l’insistance de mes tantes et oncles qui
sont nés de survivants de l’Holocauste et qui ont toujours considéré
l’alyah comme un plan de secours au cas où les choses tourneraient mal
en Belgique. «Je veux que vous soyez là-bas pour vous libérer de l’esclavage et obtenir la liberté», a déclaré Marc.
Il est préoccupé par le futur de ses deux
enfants dans un pays où les écoles juives sont sous haute protection
militaire et où les étudiants juifs sont forcés de quitter les écoles
publiques à cause de pressions antisémites. «Les choses vont mal et je veux un futur meilleur pour mes enfants», m’a-t-il dit.
J’ai demandé à Joël Rubinfeld, le fondateur de
la Ligue Belge contre l’Antisémitisme (LBCA) et ancien président du
groupe CCOJB des communautés belges juives francophones, si ma famille
était une exception lorsqu’il s’agit de la volonté d’émigrer.
«J’ai bien peur que non, a-t-il déclaré.
C’est le début d’un processus d’émigration. Notre seule perception sur
ce phénomène est à travers l’alyah, ce qui nous donne un regard très
partiel dans une communauté avec des membres très éduqués qui peuvent
aller vivre n’importe où en Europe et qui ont peu de mal à obtenir des
visas pour aller aux Etats-Unis, au Canada et en Australie».
En 2014, Rubinfeld a averti que la communauté belge juive était affectée par un exode à cause de l’antisémitisme.
L’année dernière, 287 Juifs ont immigré en
Israël de la Belgique qui compte une population juive d’environ 40 000
personnes. C’était le chiffre le plus important de ces 10 dernières
années.
De 2010 à 2015, environ 234 Juifs belges ont
fait leur alyah chaque année, une hausse de 56 % par rapport à la
moyenne annuelle de 133 nouvelles arrivées depuis la Belgique entre 2005
et 2009, selon les données du gouvernement israélien.
Contrairement aux Juifs français, qui ont
tendance à parler uniquement leur langue maternelle, les Juifs belges
parlent couramment deux ou trois langues. Cela signifie que les Juifs
belges ont plus de facilité que leurs voisins français à immigrer vers
d’autres destinations qu’Israël.
Linda, la sœur de Marc, a déménagé à Londres
et a eu deux enfants avec son mari né en Israël. Elle veut quitter la
Grande-Bretagne pour la Floride parce qu’elle ne sent plus en sécurité
au Royaume-Uni.
«L’Europe est condamnée. Les méchants ont
gagné, a-t-elle déclaré. Je ne vais pas éduquer mes enfants dans la peur
simplement par principe».
Son père est un avocat né français et qui a
été élevé comme catholique par sa mère, une survivante de l’Holocauste,
avant de se rapprocher de ses racines juives.
Il m’a dit que son sentiment de sécurité
personnelle à Bruxelles a été définitivement mis en miettes après que
des cambrioleurs sont entrés dans sa maison il y a quelques années,
l’ont attaché avec sa femme, et l’ont battu avant de voler le couple.
«Nous avons peut-être été choisis par les
cambrioleurs parce que nous sommes Juifs, mais à ce stade, est-ce
vraiment important ? Cela change complètement votre sentiment lorsque
vous marchez dans la rue», a-t-il dit. Lui et sa femme se préparent à
rejoindre leurs deux enfants en Floride.
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