mercredi 6 janvier 2010

Que peut faire la communauté juive pour réhabiliter l'image d'Israël?, Emmanuel Navon

"S'il suffit de revenir à ce que l'on appelle à tort "les frontières de 1967" pour arriver à la paix avec les Palestiniens, comment se fait-il qu'il n'y avait pas la paix avant 1967? Les Palestiniens ont fini par convaincre le monde que l'occupation est la cause du conflit. Mais, en réalité, l'occupation est la conséquence du conflit. C'est précisément parce qu'on était en état de guerre avant 1967 et que les pays arabes déclenchèrent la guerre de juin 1967 qu'Israël s'est retrouvée en situation d'occupant."

Source: EJP et Emmanuel Navon

Si un extra-terrestre atterrissait sur notre planète et qu'il allumait la télévision ou la radio, il arriverait rapidement à la conclusion que la Terre est une planète paisible et que tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si ce n'était pour les problèmes causés par un pays illégitime et responsable de tous les conflits du Proche-Orient, un pays coupable des pires violations des droits de l'homme, un pays de sadiques qui aiment la guerre et qui prennent plaisir à occuper militairement des peuples sans défense et à tuer leurs enfants. Ce pays, c'est Israël.

Il n'y a bien sûr aucun rapport entre la réalité et la façon dont elle serait perçue, à travers les médias, par cet extra-terrestre. Le problème est que ce fossé entre la réalité et la façon dont elle est perçue ne concerne pas seulement cet extra-terrestre imaginaire. Elle concerne les centaines de millions de personnes bien réelles qui regardent la télévision, écoutent la radio, lisent le journal, et surfent sur Internet. Et le problème est que la représentation imaginaire et mensongère de la réalité a un impact sur la façon dont les gens agissent sur cette réalité. C'est parce que la propagande nazie réussit à convaincre les Allemands que les Juifs œuvraient dans le secret à la destruction de l'Allemagne que l'Holocauste a eu lieu.

La propagande est une arme à la fois redoutable et imperceptible. Comme le disait Victor Hugo: "On résiste à l'invasion des armées, on ne résiste pas à l'invasion des idées." Et pour reprendre la formule de Mark Twain: "Un mensonge peut faire le tour du monde pendant que la vérité se met en route." Autrement dit, les idées peuvent être plus fortes que les tanks, et elles n'ont pas besoin d'être vraies pour atteindre leur cible. Joseph Goebbels, le chef de la propagande nazie, l'avait bien remarqué à son époque. Lorsqu'un mensonge est énorme, disait-il, il suffit de le grossir encore plus et de le répéter incessamment, et les gens finissent par le croire.

En 1989, la revue militaire américaine Marine Corps Gazette publia un article intitulé "Fourth Generation War" ("La guerre de la quatrième génération"). Selon cet article, la première génération de la guerre était une guerre de bataillons où les soldats s'affrontaient directement. La deuxième génération était une guerre d'artillerie. La troisième génération était une guerre de contournement de l'ennemi et d'effondrement de sa base arrière. La quatrième génération consiste à appliquer la tactique de la troisième génération au niveau psychologique. Autrement dit, à vaincre l'ennemi en convaincant sa population qu'elle est dans le tort et qu'elle ne peut pas gagner.
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2 commentaires :

Gilles-Michel DEHARBE a dit…

L’antisionisme, tout en prétendant critiquer le sionisme au nom du
droit naturel des peuples arabes, omet que ces peuples, notamment celui de Palestine, ont accédé à la souveraineté par le biais de politiques coloniales, comme en témoignent la formation de l’Arabie saoudite et des États de la péninsule Arabique, de la Syrie, de l’Irak et de la (Trans)jordanie. Surtout : c’est faire
fi de l’histoire politique, économique et sociale de l’Empire ottoman dont la Palestine n’était même pas une subdivision autonome.

Le projet d’une « colonisation
de la Palestine » s’effectue à proportion de la marge de manoeuvre
ouverte, précisément, par les autorités ottomanes. Il est avéré que la politique d’« achat des terres », réalisée par le sionisme utopiste dès les années 1850 et
systématisée par le sionisme politique à partir du congrès de Bâle en 1897, n’aurait tout simplement pas été possible sans les dispositions juridico-politiques décisives pour l’avenir adoptées par les Turcs : le décret en date du 3 mars 1857 légalisant et promouvant l’immigration à l’intérieur de l’Empire et la loi de réforme foncière qui obligeait les propriétaires, en échange d’une reconnaissance de leurs droits individuels, à faire enregistrer leurs titres, et puis les soumettait à l’impôt comme à la conscription. La vente de terres « aux colons juifs » fut bien souvent le fait de grands propriétaires arabes. Sans compter que les petits propriétaires palestiniens recouraient à la procuration des premiers
pour échapper à l’impôt et à la conscription.

La fameuse « spoliation » des terres arabes, régulièrement dénoncée par l’antisionisme, n’a pas été le fait du mouvement sioniste, mais celui des dignitaires de l’Empire qui ne les restituèrent pas à leurs propriétaires.

La « colonisation juive de la Palestine » n’a rien à voir avec celle de l’Algérie par la France.

L’honnêteté commande aux intellectuels de ne pas céder
justement, à l’amalgame. Il s’agit ici d’une situation unique qui interpelle aujourd’hui encore les parties responsables.

Gilles-Michel DEHARBE a dit…

Dette tragique : celle de l’Europe post-chrétienne qui établit, d’ailleurs traditionnellement,
une corrélation entre l’indépendance d’Israël et
l’histoire du
christianisme. Le peuple juif, élu (Histoire sainte) et témoin (Augustin), est admis dans le concert des nations au titre de victime absolue qui expie les
péchés de l’Europe. Le tribut payé par les juifs dans l’enfer nazi provoque sur le continent un sentiment général de dette. Voilà pourquoi les Européens ont
admiré Israël jusqu’en 1967, tant que le pays se trouvait en position d’infériorité ou de détresse ; le rôle, en définitive, de la victime qui l’emportait sur ses persécuteurs. Conception
« lacrymale » de l’histoire juive (Salo W. Baron).

Le triomphe militaire a suscité un tournant : les Israéliens voulaient se débarrasser des attributs de l’opprimé et s’affirmer en tant qu’État souverain, mieux : comme fraction souveraine du peuple juif. C’est le moment historique où apparaît
le syntagme d’« État hébreu » qui ne serait même plus l’État juif préconisé par Herzl. Au fond, ce qui est reproché aux Israéliens, c’est qu’ils veulent à jamais liquider chez eux les marques de la condition juive en Europe. Deux
images : celle de l’entité juive qui a trahi son patrimoine éthico-diasporique et se distingue par son agressivité.

Ceci dans la phase précise où les Européens tournent le dos à leur passé collaborationniste. Et ce sont les antisionistes qui vont permettre à l’Ouest du continent de trouver la parade compensatoire : ils font endosser à la nation arabe palestinienne les guenilles des communautés juives du ghetto, du shtetl, voire
même par endroits l’habit gris rayé du déporté. Accréditant de la sorte une condition juive du peuple palestinien soumis aux crimes de l’« État sioniste et fasciste ».

L’Europe trouvant ici un moyen d’afficher un héroïsme dont elle n’a pas su administrer la preuve en situation historique et alors qu’elle manqua à tous ses devoirs de fraternité quand l’histoire l’exigeait ; et rencontrant désormais une chance inouïe de travestir et orienter le cours de l’Histoire.

La « cause » palestinienne, curieusement, apportait une solution peu coûteuse à la
« question » juive.