jeudi 23 avril 2009

Simon Epstein : "Rester étranger aux carnavals de rage" (Durban II)

"Le fait que les États-Unis aient boycotté la conférence est un bon signe, qui confirme qu'ils ne sont pas prêts à accepter n'importe quoi. On peut en revanche regretter que la France n'ait pas saisi qu'il est des endroits où l'on ne va pas. Il est des carnavals de rage et d'absurdité auxquels un pays démocratique se doit de rester étranger."

L'historien israélien Simon Epstein réagit aux propos controversés d'Ahmadinejad.

Propos recueillis par Adrien Jaulmes (l'excellent correspondant du Figaro en Israël)

LE FIGARO. - Comment interprétez-vous le discours d'Ahmadinejad à la conférence de Genève ?
Simon EPSTEIN. - Ahmadinejad a été tout à fait cohérent avec lui-même. Ce qui est plus étrange et plus troublant, ce sont les honneurs avec lesquels il a été reçu à Genève. Le plus significatif est que cette conférence confère à ce personnage, et aux thèmes qu'il défend, une légitimité internationale. Cette assemblée est composée pour une bonne part de pays autoritaires, aux régimes parfois sanguinaires et très souvent corrompus et dictatoriaux. Elle représente des idéologies ou des religions extrémistes, et fières de l'être. Ces pays s'illustrent par des persécutions contre des minorités ethniques, culturelles ou religieuses qui vivent, ou plus exactement, qui survivent en leur sein. Que cette assemblée carnavalesque se réunisse pour entendre une condamnation véhémente d'Israël ne nous étonne pas.

Pourquoi cette focalisation sur Israël ?
Israël polarise les haines, lesquelles s'enrichissent aujourd'hui d'un facteur relativement nouveau, celui des thèses antisémites qui circulent massivement dans tout le monde musulman. La négation de l'Holocauste, la diabolisation d'Israël, la condamnation du sionisme, et enfin, le soupçon étendu au peuple juif tout entier, tout cela était prévisible. Le vrai problème est de voir des pays qui violent systématiquement les droits de l'homme s'ériger en défenseurs des droits de l'homme. Les racistes se camoufler en antiracistes, les persécuteurs prendre un air angélique, les bourreaux se proclamer victimes, et les Juifs, qui furent victimes - vraiment victimes -, du racisme, mis au pilori de cette honorable assemblée. Ce qui se passe à Genève, aujourd'hui, est une perversion des valeurs. En profondeur. (...)

La politique américaine d'ouverture à l'égard de l'Iran est-elle une solution ?
La politique d'apaisement vis-à-vis de l'Iran d'Ahmadinejad est fondée sur la même incompréhension que celle qui fut menée face à Hitler à la fin des années 1930, par l'Angleterre et la France. Ce prétendu réalisme, au nom duquel il faut faire des concessions et pratiquer l'ouverture, procède certes d'un réflexe très humain. Mais il témoigne d'une méconnaissance profonde de l'adversaire. On est en face, dans les deux cas, d'une machine de guerre très habile et très bien organisée, qui connaît et qui exploite fort bien les faiblesses de l'Occident démocratique. Il faut laisser Obama tendre la main à l'Iran, mais il comprendra vite - s'il est intelligent, et je crois qu'il l'est -, à qui il a affaire. Le fait que les États-Unis aient boycotté la conférence est un bon signe, qui confirme qu'ils ne sont pas prêts à accepter n'importe quoi. On peut en revanche regretter que la France n'ait pas saisi qu'il est des endroits où l'on ne va pas. Il est des carnavals de rage et d'absurdité auxquels un pays démocratique se doit de rester étranger.

1 commentaire :

nicolas a dit…

Pour rebondir, on peut signaler la thèse de doctorat de Nicolas Roberti de 2005 qui vient d’être publiée en format grand public chez L’Harmattan. C’est la première biographie de Raymond Abellio, laquelle dissèque pourquoi un nombre très important de militants de gauche et d’extrême-gauche ont glissé dans la collaboration.