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samedi 29 décembre 2018

Kafka: "leurs pattes de derrière collaient encore au judaïsme paternel, et leurs pattes de devant cherchaient en vain un nouveau sol"



Franz Kafka

Lettre de Franz Kafka à Max Brod (juin 1921):
"La plupart de ceux [écrivains juifs] qui commencèrent à écrire en allemand voulaient fuir le judaïsme, et la plupart du temps avec la vague approbation des pères (c'est ce vague qui est révoltant); ils le voulaient, mais leurs pattes de derrière collaient encore au judaïsme paternel, et leurs pattes de devant cherchaient en vain un nouveau sol.  Le désespoir qui s'ensuivit pour eux fut leur inspiration.  Une inspiration aussi remarquable que toute autre, mais qui, à y regarder de près, présente pourtant quelques tristes particularités.  Et tout d'abord ceci: leur désespoir se déchargeait dans quelque chose qui paraissait, mais ne pouvait pas être de la littérature allemande.

Ils vivaient entre trois impossibilités (que je nomme par hasard impossibilités de langage, c'est plus commode, quoiqu'on puisse les nommer tout autrement): l'impossibilité de ne pas écrire, l'impossibilité d'écrire en allemand, l'impossibilité d'écrire dans une autre langue, à quoi l'on pourrait presque ajouter une quatrième impossibilité: l'impossibilité d'écrire, car leur désespoir n'était pas quelque chose que la littérature pût calmer, c'était un ennemi de la vie et de la littérature, la littérature n'était en l'occurrence que du provisoire, comme pour un homme qui écrit son testament avant d'aller se pendre - un provisoire qui peut fort bien durer toute une vie."
Les maîtres du XXe siècle. Franz Kafka. Journal, année 1911. Notes de voyage. Lettre au père. Traduction et postface de Marthe Robert. Editions Mazenod, 1964. P. 211.

Lire également:
- Pour Kafka, le judaïsme allemand était un phénomène artificiel, hybride, sans avenir 
- Günther Anders: 'L'ardente curiosité' des Allemands pour Kafka après 1950
- Saul Friedländer: Le Juif dans "Le Château" de Kafka
- Kafka réagit aux émeutes antijuives à Prague en 1920

vendredi 31 août 2018

Pour Kafka, le judaïsme allemand était un phénomène artificiel, hybride, sans avenir

Franz Kafka
Marthe Robert (1914-1996) était une critique littéraire et traductrice:
"[Les] relations [de Kafka] avec les Juifs de l'Est viennent en effet confirmer quelque chose dont il a toujours eu le pressentiment, mais qui maintenant devient une certitude.  En découvrant la civilisation juive issue du lointain "chtetele" polonais dont Löwy lui apporte l'émouvant message, il peut mesurer la décadence du judaïsme occidental, décadence qui laisse l'individu juif désemparé, flottant entre deux mondes, tiraillé entre un passé qui lui appartenait, mais qu'il a en partie renié, en partie oublié, et un présent qui n'a pas été fait pour lui et où, par conséquent, il ne peut revendiquer sa place.

Le Juif de l'Est lui apparaît comme l'humble porteur d'une vérité dont le Juif germanisé, tourné vers une culture qui le fascine, mais à quoi il n'a pas réellement part, a perdu irrémédiablement le secret.

La foi que lui inspire l'un est la contrepartie de sa méfiance de toujours à l'égard de l'autre, qu'il voit, déraciné comme lui, incapable de vivre et stérile.  Ce jugement sévère, qui contraste avec la retenue habituelle de Kafka, va d'abord naturellement au milieu juif de Prague dont il est issu, mais s'étend aussi au judaïsme allemand dans son ensemble, qui, à ses yeux, est un phénomène artificiel, hybride, sans avenir."
Les maîtres du XXe siècle. Franz Kafka. Journal, année 1911. Notes de voyage. Lettre au père. Traduction et postface de Marthe Robert. Editions Mazenod, 1964. P. 210.

Jizchak Löwy
Laurent Margantin, auteur:
"Jizchak Löwy, acteur juif d’origine polonaise omniprésent dans le Journal des années 1911-12" "finit coincé dans le ghetto de Varsovie avec sa famille, jusqu’au 21 juillet 1942 où les nazis décident d’en finir avec le ghetto. Il cherche par tous les moyens à s’échapper, mais en vain. Sa mère Yokheved, son père Yekhezkel, son frère Eliahu, ses sœurs Bluma, Rakhel, Khana et Lea sont emportés avec lui jusqu’aux trains. Löwy se révolte et est brutalisé. Une fois porté dans le wagon, le visage en sang, il essaye d’attirer l’attention en criant : "Je suis Jacques Lévy". Il mourra à Treblinka comme tous les membres de sa famille."
Lire l'article complet: Jizchak Löwy, l’ami indispensable de Franz Kafka

Lire également:
- Günther Anders: 'L'ardente curiosité' des Allemands pour Kafka après 1950
- Saul Friedländer: Le Juif dans "Le Château" de Kafka
- Kafka réagit aux émeutes antijuives à Prague en 1920