vendredi 31 août 2018

Pour Kafka, le judaïsme allemand était un phénomène artificiel, hybride, sans avenir

Franz Kafka
Marthe Robert (1914-1996) était une critique littéraire et traductrice:
"[Les] relations [de Kafka] avec les Juifs de l'Est viennent en effet confirmer quelque chose dont il a toujours eu le pressentiment, mais qui maintenant devient une certitude.  En découvrant la civilisation juive issue du lointain "chtetele" polonais dont Löwy lui apporte l'émouvant message, il peut mesurer la décadence du judaïsme occidental, décadence qui laisse l'individu juif désemparé, flottant entre deux mondes, tiraillé entre un passé qui lui appartenait, mais qu'il a en partie renié, en partie oublié, et un présent qui n'a pas été fait pour lui et où, par conséquent, il ne peut revendiquer sa place.

Le Juif de l'Est lui apparaît comme l'humble porteur d'une vérité dont le Juif germanisé, tourné vers une culture qui le fascine, mais à quoi il n'a pas réellement part, a perdu irrémédiablement le secret.

La foi que lui inspire l'un est la contrepartie de sa méfiance de toujours à l'égard de l'autre, qu'il voit, déraciné comme lui, incapable de vivre et stérile.  Ce jugement sévère, qui contraste avec la retenue habituelle de Kafka, va d'abord naturellement au milieu juif de Prague dont il est issu, mais s'étend aussi au judaïsme allemand dans son ensemble, qui, à ses yeux, est un phénomène artificiel, hybride, sans avenir."
Les maîtres du XXe siècle. Franz Kafka. Journal, année 1911. Notes de voyage. Lettre au père. Traduction et postface de Marthe Robert. Editions Mazenod, 1964. P. 210.

Jizchak Löwy
Laurent Margantin, auteur:
"Jizchak Löwy, acteur juif d’origine polonaise omniprésent dans le Journal des années 1911-12" "finit coincé dans le ghetto de Varsovie avec sa famille, jusqu’au 21 juillet 1942 où les nazis décident d’en finir avec le ghetto. Il cherche par tous les moyens à s’échapper, mais en vain. Sa mère Yokheved, son père Yekhezkel, son frère Eliahu, ses sœurs Bluma, Rakhel, Khana et Lea sont emportés avec lui jusqu’aux trains. Löwy se révolte et est brutalisé. Une fois porté dans le wagon, le visage en sang, il essaye d’attirer l’attention en criant : "Je suis Jacques Lévy". Il mourra à Treblinka comme tous les membres de sa famille."
Lire l'article complet: Jizchak Löwy, l’ami indispensable de Franz Kafka

Lire également:
- Günther Anders: 'L'ardente curiosité' des Allemands pour Kafka après 1950
- Saul Friedländer: Le Juif dans "Le Château" de Kafka
- Kafka réagit aux émeutes antijuives à Prague en 1920

2 commentaires :

Gilles-Michel De Hann a dit…

Sous l'Empire, comme sous la République de Weimar, on assiste au paradoxe d'une intégration économique21, sociale22 et culturelle avec un retard de l'émancipation politique, pourtant accordée dans la République de Weimar. C'est un Juif prussien, au nom prédestiné d'Hugo Preuss, qui rédige la Constitution: elle sera alors fustigée en tant que Judenrepublik23.

La tension va gagner la communauté, surtout en Prusse et à Berlin, en raison de l'afflux des ostjuden, « frères et étrangers24 », qui fourniront des troupes pauvres mais pleines d'espoirs et d'utopie autant au prolétariat qu'au sionisme, ce dernier prenant assez mal en Allemagne, mais trouvant rapidement ses cadres et sa langue -- le Kongressdeutsch -- dans le pays: deux des successeurs de Herzl sont allemands, David Wolfsohn et Otto Warburg. Sur plus de cent mille Juifs combattants de 1914-1918, 12 000 vont mourir au champ d'honneur. Voilà qui devrait, pensent-ils, leur décerner un brevet de germanité. Mais la fin de la monarchie, l'avènement de la jeune démocratie de Weimar et les éphémères sursauts républicains vont placer beaucoup de Juifs à la tête des mouvements politiques. Michael Löwy a décrit avec talent la figure, la culture et les aspirations de ces intellectuels juifs révolutionnaires professionnels25. Alors que la bourgeoisie judéo-allemande semble se fondre dans la bourgeoisie européenne, l'assassinat en 1922 du ministre des Affaires étrangères Walter Rathenau -- qui est d'abord celui de la reconstruction -- sonnera l'alarme pour les plus perspicaces. Un tiers des Juifs allemands habite à Berlin, un tiers dans quelques grandes villes. Ils sont avocats, magnats de la presse, professeurs, industriels et médecins. Près de la moitié des mariages entre 1921 et 1927 sont mixtes. Pourtant, certains commencent à quitter le pays... En 1925, il y a 564 379 Juifs en Allemagne; ils ne seront plus que 503 000 en 1933.

« Le monde où vivaient les Juifs allemands, écrit Golo Mann, ne constituait aucunement un no man's land plus ou moins fictif; s'il ne couvrait pas l'Allemagne entière, il en était au moins une bonne partie. Il n'y avait pas que la haute bourgeoisie, mais toute la classe moyenne qui se délectait à écouter les symphonies de Gustav Malher, à admirer les mises en scènes de Max Reinhardt ou à lire les romans historiques de Lion Feuchtwanger. C'est également dans les bibliothèques et les intérieurs petits-bourgeois que l'on pouvait trouver Das Bach der Lieder de Heine et les journaux dont les directeurs étaient des Juifs, comme la Frankfurter, la Vossische Zeitung et le Berliner Tageblatt. C'étaient des commerçants, des médecins, des opticiens, des joailliers, des juristes, etc., jusqu'aux marchands de bestiaux des campagnes, nullement honnis des paysans. Le fait que leurs fils se soient portés volontaires en 1914, suivant le pourcentage de Juifs relativement à la totalité de la population, était un phénomène social allant de soi. Les Juifs n'étaient pas seulement des Allemands: ils étaient tous très intimement enracinés à leur proche patrie, que ce soient les Juifs munichois, les Juifs bavarois, ceux de Rhénanie et de Franconie ou les Juifs de Berlin26. »

Une véritable nouvelle identité juive, fondée sur la double loyauté au judaïsme -- ou à l'humanisme qui en découle -- et à l'Allemagne27, était née. Schiller et Kant siègent dans leur panthéon avec Goethe bien évidemment, que tant les rabbins orthodoxes que le maître de Rosenzweig, Anton Néhémia Nobel, citent dans leurs sermons! Certains n'hésitent pas à emprunter, par gratitude, les noms des grands judéophiles, Schiller, Dohm, etc.

Diogenes a dit…

Ça recommence! Bien qu'on sache cela en Europe, depuis qu'on lit Kafka et qu'on s'informe... !
Mais une fois encore, on décrit une déshérence contemporaine dont on ne précise ni ne condamne l'origine, non pas juive, mais Révolutionnaire...!
(1789 et suivantes qui ont colporté une idéologie Bénévolente mais Délétère et Factice: les concepts de Citoyenneté-Suffrage Universels :
Une escroquerie par les Elus (!) qui va à l'encontre du "Consensus et du Bien Commun" développés déjà par la Bible Hébraïque, et Chrétienne...que le réel humain a perverti pour l'éviter (!) comme il le fait avec les concepts de Citoyenneté-Suffrage universels...
Les juifs Européens se sont révélés génétiquement massivement de là d'où ils étaient: Germanins Celtes Slaves Nord Méditerranéens Sibériens Asiatiques nord Sémites Scandinaves Caucasiens...mais ils étaient un Peuple une Nation avec Langue et traditions antinomiques des autres auxquelles ils s'opposaient avant l'Universalisme français auquel ils ont criu devoir croire! Erreur fatale: la Torah avait Bien dit: LES NATIONS se Rassembleront au pied du Mont Sion....pas "Les gens"!Individus Citoyens!!!!