dimanche 15 avril 2018

Les sorties antisémites d'Alain, antisémite enragé, étaient connues de longue date des spécialistes


David Brunat est conseiller en communication et écrivain. Il revient sur sa lecture de l'essai de Michel Onfray, Solstice d'hiver. Alain, les Juifs, Hitler et l'Occupation (éd. de l'Observatoire, mars 2018).

Alain, Laval, Heidegger et les Juifs: même combat?
"(...) Ses sorties [d'Alain] antisémites étaient connues de longue date des spécialistes, de même que ses erreurs de jugement répétées pendant la guerre. Il n'empêche, pour le grand public qui ignorait tout de son Journal inédit, découvrir ces pages qui s'accordent si mal avec l'image qu'on avait de ce grand professeur bien sous tous rapports, de ce remarquable éveilleur intellectuel tant admiré de ses élèves, c'est un peu comme si l'on apprenait que Spinoza avait organisé un trafic d'esclaves, que Kant était cleptomane ou Hegel pédophile. Un choc. Une écœurante déception. Le sentiment d'avoir été trompé par un tuteur affable et bienveillant, par un éclaireur à qui l'on aurait donné le Bon Dieu des philosophes sans confession.

Et pourtant, les mises en garde sur la «part d'ombre», le manque de clairvoyance et l'ascendant intellectuel et politique potentiellement délétère de celui qui se prenait pour un extralucide avaient débuté tôt. Onfray enfonce le clou et referme le dossier, mais dès 1951, à la mort d'Alain, Jean-Toussaint Desanti publia un article retentissant au titre programmatique: Alain, professeur de lâcheté. Mieux, son ancien élève Raymond Aron écrivit en septembre 1941 dans La France Libre : «Alain a formé des générations de jeunes Français dans une hostilité stérile à l'État, dans une ignorance presque volontaire des dangers qui menaçaient la nation… Il a fécondé une sorte d'aveuglement volontaire (…), une sorte de grandiose absurdité à demi intentionnelle.»

C'est alors qu'on ne peut s'empêcher de penser, en lisant le livre d'Onfray, à Martin Heidegger. La publication du Journal inédit d'Alain joue le même rôle, n'en déplaise à leurs thuriféraires respectifs, que celui des Cahiers noirs pour le mage de la Forêt-Noire en 2014: un coup fatal à la réputation de sagesse, de mesure et d'absence de «passions tristes», et à la légende d'un antisémitisme «soft» et passager.  
Au-delà des différences abyssales - de pensée, de vie, de style, etc. - entre ces deux philosophes, comment ne pas déceler de troublantes analogies? Une même admiration pour Hitler. Une absence totale de regrets et de remords après la guerre quant à leurs engagements ou convictions passés. Un silence également absolu sur la Shoah. La même mauvaise foi de leurs «fans» respectifs, poussant les hauts cris dès qu'on ose toucher à un cheveu de leur idole. Et aussi, et surtout, un statut de gourou et une immense fascination (parfois mêlée de méfiance, il est vrai) exercée par ces deux intellectuels de haute stature sur leurs élèves ou disciples d'origine juive: Hannah Arendt, Hermann Cohen, Martin Buber, Karl Löwith, Herbert Marcuse, Derrida, etc. pour Heidegger; Simone Weil, Raymond Aron (qui, on l'a vu, prit rapidement ses distances), André Maurois, Michel Alexandre, etc. pour Alain.
Membre du NSDAP jusqu'en 1945, Heidegger n'en commit pas moins, au gré de sa riche vie extra-conjugale jalonnée de bonnes fortunes avec des étudiantes juives (Hannah Arendt, Elisabeth Blochmann…) nombre de «crimes contre la race», un péché capital dans l'idéologie nazie. Quant à Alain, antisémite enragé, il tint en très haute estime Simone Weil, qui, en retour, et quoique engagée dans la Résistance au mépris des inclinations capitulardes de son ancien professeur de khâgne, lui exprima jusqu'à sa mort en 1943 une vive admiration, au point de lui confier dans une lettre datée de mai 1941 avoir «une conscience extrêmement claire de tout ce que je vous dois» - ce qui ne constitue certes pas un mince hommage."
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1 commentaire :

Anonyme a dit…

Chez Simone Veil il n'y a guère que le nom, porté par d'autres juifs, qui était juif. Quant à Hannah Arendt son rapport à sa judeïté était aussi très ambigu. Idem pour Blochmann. Toutes étaient des "juives" qui au fond ne l'étaient pas, rejetaient le judaïsme et étaient totalement assimilées à la culture allemande ou française, nourries exclusivement des humanités gréco-latines et chrétiennes. Quand on demandait à Arendt d'où elle venait, elle répondait "de la philosophie allemande". D'où son emploi après 1945 pour la disculper, via son mentor le poutant nazi Heidegger, du nazisme tout en chargeant les juifs pas si innocents...