Crif (publié le 6 avril 2018 dans Le Point):
Dans le populaire 19e arrondissement de Paris, les juifs en font l'amer constat : leur vie quotidienne a bien changé.Lire l'article @ Crif
Depuis son petit balcon, Peter affronte la silhouette d'un bâtiment qui l'inquiète. À quelques dizaines de mètres se dresse l'immeuble décrépi où a grandi celui qui se fait appeler Abou Hamza, l'un des djihadistes français les plus recherchés dans le monde, intime des frères Kouachi. «Oui, il existe des gens qui détestent les juifs dans le 19e arrondissement, soupire le père de famille. J'ai grandi dans le quartier. Lorsque j'étais gamin, ma mère nous interdisait de rester à la maison. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Nous, les juifs, nous avons peur pour nos enfants. Pas question de les laisser sortir seuls.» Le samedi, il se promène au parc des Buttes-Chaumont avec sa kippa et ne craint pas de «soutenir les regards des jeunes de la cité d'à côté». On se croise, on se toise, on se défie, on se frôle, mais on ne se parle pas; c'est au premier qui fera baisser les yeux à l'autre.
Peter est commercial dans le kasher et s'applique à mener une vie religieuse, ponctuée de rituels et d'interdits stricts. Il ne roule pas sur l'or mais ne voudrait pour rien au monde faire partie de «ces juifs du 16e arrondissement, du genre à manger des Pépito de Monoprix sans que cela leur pose problème». Les années insouciantes de la France black-blanc-beur dans laquelle il a cru grandir lui semblent bien loin. «Nous vivions tous mélangés. Aujourd'hui, nous ne pouvons plus vivre librement notre judaïsme. L'État nous laisse subir cette situation et la gauche préfère draguer l'électorat musulman», s'agace-t-il. Peter a perdu un ami dans l'attaque de l'Hyper Cacher le 9 janvier 2015, un autre y fut otage. Forcément, l'assassinat de Mireille Knoll, rescapée de la rafle du Vél d'Hiv, réveille en lui des souvenirs désagréables.
Patchwork communautaire
«Oui, le racisme tue. Ça s'appelle l'antisémitisme », martèle Marc Knobel, directeur des études du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). «En France, onze personnes sont mortes depuis 2010 parce qu'elles étaient juives », rappelle-t-il. Cruelle réalité statistique : alors que les juifs représentent moins de 1 % de la population française, ils constituent la cible du tiers des actes haineux recensés par la police. Si le nombre de faits antisémites a reculé entre 2016 et 2017 (passant de 335 à 311), « les actions violentes ont augmenté de 26 % et les actions contre les lieux religieux de 22 %», alerte Marc Knobel. Et Paris concentre les problèmes. En 2016, on a recensé douze actions antisémites dans le 19e, contre sept dans les 20e et 11e arrondissements voisins.
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