Albert Memmi par Claude Truong-Ngoc |
Albert Memmi s’est éteint paisiblement vendredi dernier. Il avait 99 ans. Sociologue, romancier, essayiste, poète et professeur à l’École Pratique des Hautes Études, il laisse une œuvre essentielle.
[…] Après l’Indépendance de 1956 et surtout après la guerre de Bizerte en 1961, les Tunisiens ont «liquidé avec intelligence et souplesse les communautés juives». Pas de brutalités ouvertes, comme d’autres pays arabes, mais étranglement économique pour les juifs, patentes commerciales non renouvelées, fonctionnaires non engagés, poste de médecins non reconduits a l’hôpital etc. «Bourguiba n’a probablement, dit Memmi, jamais été hostile aux juifs mais sa police était toujours en retard quand les magasins des juifs étaient pillés»…Lire l'intégralité de l'article @ Causeur
Dans Portrait d’un Juif Memmi soulignera le caractère paradoxal de l’existence juive en Afrique du Nord et élargira même sa pensée: selon lui, il n’existe pas dans les sociétés chrétiennes ou arabes de position neutre vis-à-vis de la judéité, ni chez les juifs ni chez les non juifs. Ce terme de judéité, c’est lui qui le crée. […]
Memmi est l’homme de la démythification. Non, les relations entre juifs et arabes n’étaient pas idylliques et non ce n’est pas la création de l’État d’Israël qui a gâché cette soit disant idylle. Nous y voilà. 45 ans après le Portrait du Colonisé, Memmi publie le Portrait du Décolonisé. Il rappelle que si la colonisation a produit une pensée essentialiste, ça s’est passé des deux cotés, devenant une véritable assignation identitaire, à laquelle les décolonisés devraient réfléchir. Depuis qu’ils sont libres, leur sort s’est dégradé. La corruption et le potentat ont entraîné une terrible misère.
Pour lui, le malheur des Arabes ne vient pas de l’existence d’Israël et le conflit israélo palestinien est surestimé et nourri de deux mythes: le premier, celui de la nation arabe unie et le deuxième qu’Israël est le cancer qui empêche cette union. Memmi dénonce aussi les intellectuels arabes, coupables selon lui de ne pas oser toucher aux textes, au Coran, comme de laisser le savoir et la pensée arabes figés dans un passé, riche, mais datant d’Averroès. Il serait temps pour eux de faire bouger les lignes et de se libérer, pour ce faire, du religieux.
Pendant le Printemps arabe il fut un des rares à ne pas s’enthousiasmer sans réserve, loin s’en faut.
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