samedi 15 juin 2019

Le désarroi des Juifs de France, sondage de l’AJC


Shmuel Trigano (à partir d’une chronique sur Radio J, le vendredi 7 juin 2019):
"[…] Les questions sur l’environnement social et politique sont aussi riches d'enseignement. Si 58% (question 16: 33+25) ont expérimenté concrètement l’antisémitisme, 42 % jamais. Il aurait fallu avoir des données socio-économiques pour vérifier si ceux qui ne l’ont jamais expérimenté habitent les beaux quartiers ou pas. Logiquement, ils sont 65% (question 15: 56+9) à penser que la France ne combat pas l’antisémitisme contre 35 % à penser le contraire. On retrouve ce partage à propos de l’appréciation de la politique israélienne de la France. 54% l’approuvent -une politique pro-palestinienne- contre 46%. De même sur la politique de l’ONU: ils sont 49% à l’apprécier contre 51% à la critiquer (on se souvient des scandales répétés de l’UNESCO concernant le patrimoine du judaïsme en Eretz Israel ou de l’hystérie anti-israélienne du Conseil des droits de l’homme). 56% ont confiance en l’UE, où le débat sur la circoncision et la cacherout n’est pas encore clos, concernant donc les Juifs français. Ces chiffres sont accablants. Ils montrent que ce large public est sous informé, ne comprend rien à la situation, a échappé à l’effort fait en France depuis 20 ans pour analyser ce qui se trame dans l’actualité. On peut supposer que ce public regarde la TV. Elle suffit à cet océan de sous-information. Mais on ne peut pas dire que les institutions juives éclairent la conscience de cette population… 
Cependant le résultat le plus bombastique concerne la vision du futur de cette population. Si 71% (soit: 60% +11 % sans opinion) estiment que les Juifs ont un futur en France, contre 29% qui veulent partir, si 55% ont réfléchi à l’émigration ces 12 dernières années contre 41% pour l’autre pôle, seuls 21% ont pensé partir en Israël alors que 29% choisissent les USA, 23% le Canada et 14% le Royaume Uni. Il y a fort à parier que ces 21% sont plus ou moins identifiables aux 25% qui lient leur judéïté à la religion (déduction faite des haredim). 
On a de quoi être plutôt inquiet à lire ces résultats. Tout d’abord le fait que 70% estiment avoir un avenir juif en France alors que 58% estiment que l’antisémitisme augmente et 65 % que le gouvernement ne lutte pas contre ses effets… témoigne d’une schizophrénie inquiétante. Y-a-t-il là un avenir? Quel avenir? Il y a une grave inconséquence dans ce jugement.

Le choix des pays où partir montre un égarement certain. Que fuient-ils en France? Si c’est l’islam, c’est raté s’ils choisissent le Canada et Londres où le même cas de figure que la France se retrouve. La définition de la situation n’est donc pas très claire pour une majorité. Pour l’observateur qui analyse les faits depuis 20 ans, dire, comme la moitié de la population sondée, que le gouvernement combat sérieusement l’antisémitisme, est assez cocasse. […] 
L’impression globale qu’on retire de ce sondage est celle d’une communauté désorientée, mal consciente et mal informée de sa situation et de celle du pays, peu au fait des enjeux spécifiques au peuple juif. Il n’y a pas de grandes attentes à concevoir du côté du judaïsme français qui semble être aspiré dans une spirale de délitement… Quelle tristesse! 
On peut s’essayer à un pronostic. Le tiers de la population (30% de juifs attachés au judaïsme) est le socle de la continuité, soit ils persévèreront en France, soit ils partiront en Israël, les deux tiers restants risquent, eux, de se perdre dans la nature, en d’autres termes de s’assimiler. Une communauté vouée à l’effacement progressif si elle ne se ressaisit pas. Mais quel travail!
https://www.ajc.org/news/israeli-american-and-french-jews-on-the-issues-insights-from-ajc-surveys

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