mardi 17 décembre 2013

Luc Rosenzweig, les expériences d'un journaliste juif

"L’irritation de mes correspondants résultait non pas de prises de positions concernant la situation des juifs en France ou ailleurs dans le monde, Israël compris. Ils m’en voulaient beaucoup plus de mon culot de petit juif, venu d’on ne sait où, de faire preuve d’expertise sur des sujets comme la politique allemande, l’Union européenne, l’OTAN…"

Luc Rosenzweig @ Causeur

"[...] Pendant toutes les années où j’ai exercé des fonctions dans la presse nationale, à Libération, puis au Monde, je n’ai abordé qu’exceptionnellement des sujets réputés sensibles pour quelqu’un portant un patronyme indubitablement juif [...]. Au Monde, je me suis bien gardé de me mêler de ces sujets, non que je n’eusse pas envie de m’y consacrer, car les questions du Proche-Orient me fascinaient, mais en raison d’un tout bête scrupule déontologique. Mon approche du conflit israélo-arabe était, de mon point de vue de l’époque, plus passionnelle que rationnelle, et en conséquence, je ne m’estimais pas autorisé à utiliser un grand organe de presse comme vecteur clandestin d’opinions personnelles. Un attitude confinant d’ailleurs au masochisme, car je pouvais observer, que dans un bureau voisin du service international, un gang de Levantins responsables de la rubrique Proche et Moyen-Orient, composé d’un juif antisioniste, d’un Arménien et d’un Grec arabolâtres, tous trois originaires d’Egypte menait sans vergogne une campagne résolument hostile à l’État juif, non exempte de manipulations ni de crapuleries journalistiques, sans que la direction du journal ne s’en émeuve…[1]

Or, c’est durant cette période que j’ai reçu le plus abondant courrier à caractère antisémite de mon existence: plus d’une cinquantaine de lettres de tout acabit, de la haine antijuive maurrassienne écrite d’une main tremblée de vieillard aux diatribes post soixante-huitardes maquillant l’antisémitisme sous des oripeaux antisionistes. J’ai conservé ces lettres, et mets ce corpus à la disposition d’éventuels chercheurs travaillant sur l’antisémitisme en France dans le dernier quart du siècle dernier.
J’en ai conclu que l’irritation de mes correspondants résultait non pas de prises de positions concernant la situation des juifs en France ou ailleurs dans le monde, Israël compris. Ils m’en voulaient beaucoup plus de mon culot de petit juif, venu d’on ne sait où, de faire preuve d’expertise sur des sujets comme la politique allemande, l’Union européenne, l’OTAN…

La preuve: lorsque, touché par l’âge de la retraite, je me suis libéré de ce devoir de réserve auto-imposé, et écrivait plusieurs livres plutôt engagés en faveur des juifs et d’Israël, j’ai été négligé par les corbeaux habituels. On m’attaquait, certes, mais à cause des idées exposées, et non pas es qualités. J’ai même l’impression d’avoir inspiré quelque crainte, comme si ces paranoïaques supposaient que je puisse bénéficier d’une protection rapprochée de Tsahal ou du Mossad! [...]"

[1] Il faut préciser, par souci de justice qu’à partir du milieu des années 80, Jacques Amalric, chef du service étranger, s’efforça de corriger ces biais. Après son départ, en 1992, le «quotidien de référence» reprit son antienne anti-israélienne en l’adaptant au goût du jour. ↩

3 commentaires :

Jean a dit…

La déontologie ! Laissez moi rire.

Rosenzweig veut nous faire croire que Le Monde et Libé sont des journaux sans ligne politique, alors qu'il s'agit d'une presse résolument gauchiste et donc farouchement anti-israelienne.

Quand on est Juif et qu'on travaille dans ces journaux là, soit on est dans la ligne éditoriale anti-israelienne comme le collègue dont il parle, soit c'est alimentaire et alors on met Israel de coté.

Rosenzweig a été comme ces juifs du show biz qui se gardent bien d'émettre le moindre mot en faveur d'Israel de peur de perdre leur job.

Aujourd'hui a la retraite et ne courant plus de risque, Rosenzweig se fait le défenseur d'Israel.

C'est pas glorieux.

Jean a dit…


Durant ce temps ou il s'est tu sur Israel, est-ce que Rosenzweig a pensé a tous ces Juifs qui enrageaient de voir Israel trainé dans la boue par le journal ou il travaillait, sans qu'aucun journaliste juif n'écrivent un mot pour sa défense ?

Est-ce qu'il a pensé a tous ces Juifs et a ce pays qu'il trahissait en collaborant a un journal qui leur est hostile ?

Qu'il cesse enfin de penser à lui.

Philo a dit…

Cher Jean,

N'êtes-vous pas injuste envers Luc Rosenzweig? Connaissez-vous un seul journal/média français (de gauche ou de droite) qui soit favorable à Israël ou au minimum relativement impartial? Avez-vous lu "Lettre à mes amis propalestiniens, Éd. de la Martinière, 2005, de L.R.? Il fut l'un des rares à avoir critiqué Charles Enderlin dans l'Affaire Mohammed al-Durah. L.R.a "soutenu la thèse que l'affaire a été montée de toutes pièces. Il accuse également Charles Enderlin d'être responsable de « négligence criminelle » pour « ne pas avoir recoupé ses sources»". La plupart des grandes consciences juives se sont rangées derrière M. Enderlin ou ont gardé un silence prudent. Et pourtant cette affaire continue à faire de terribles ravages.

Par ailleurs il a critiqué l'initiative JCALL, soutenue avec alacrité par nombre d'intellectuel juifs français, dont le très médiatique Alain Finkielkraut.